Les programmes des candidats à l’élection présidentielle

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Quels sont les projets pour le logement des candidats à l’élection présidentielle ? C’est ce que nous avons cherché à savoir en consultant leurs sites internet et la presse.
Première constatation : seuls trois d’entre eux – François Fillon, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon – présentent sur leur site un programme de politique du logement digne de ce nom. Les autres se contentent d’égrener quelques mesures (Marine Le Pen, Philippe Poutou, François Asselineau) ou n’abordent pas le sujet. Concernant Benoît Hamon, nous nous référons à ses réponses au questionnaire d’Explorimmo.com (cf. les programmes des candidats à la primaire de la Gauche).

Action sur l’offre de logements

Locatif social

Le soutien à l’offre de logements locatifs sociaux est une priorité pour Poutou et Mélenchon, qui ambitionnent de doubler le volume de construction. Asselineau souhaite l’augmenter de 80 000 par an (« financés par la récupération des fonds versés à l’Union européenne »). Macron se contente de la maintenir à son niveau actuel, mais souhaite la concentrer sur les zones où la demande est la plus pressante. Un contingent de ces nouveaux logements serait réservé aux étudiants (Mélenchon, 15 000 par an) ou aux jeunes (Macron, 80 000 en 5 ans). Mélenchon prévoit en outre de créer un prêt à taux zéro pour les bailleurs sociaux, d’augmenter la participation des employeurs à l’effort de construction (qui retrouverait son niveau de 1%), qui serait orientée (exclusivement ?) vers le financement du locatif social. Fillon entend ne plus financer de logements sociaux là où il y en a trop. Le Pen annonce « un grand plan de construction de logements étudiants », sans objectif quantifié.
Les intentions à l’égard des quota SRU constituent un point de clivage entre les candidats.  Mélenchon entend les porter à 30% dans les communes à forte tension. Il va en cela plus loin que Hamon, qui a l’intention de faire appliquer la loi dans toute sa rigueur et renforcer les mesures coercitives à l’encontre des communes qui n’atteignent pas les objectifs fixés, sans pour autant augmenter les quota. Asselineau est sur la même ligne. Macron souhaite maintenir la loi, il prévoit en outre de définir des zones prioritaires dans lesquelles la délivrance du permis de construire serait du ressort des intercommunalités, voire de l’Etat. Fillon a l’intention d’« assouplir la loi ».
Les autres points de désaccord concernent la vente HLM (Poutou est contre, Fillon et Le Pen veulent la développer), les plafonds de ressources pour l’accès au logement social (Mélenchon veut les augmenter, Fillon les abaisser). Le Pen souhaite, sans autre précision, « le mobiliser vers les publics qui en ont le plus besoin ».
Concernant les attributions de logements sociaux, plusieurs candidats (Macron, Fillon, Asselineau) sont d’accord pour préconiser une plus grande transparence des procédures. Les autres n’évoquent pas la question, à l’exception notable de Le Pen qui entend « réserver prioritairement aux Français l’attribution du logement social, sans effet rétroactif ».

Locatif privé

Les divergences de vue sont marquées sur la question des rapports locatifs.

  • Protection accrue du locataire pour Poutou, Mélenchon et Hamon avec l’extension du contrôle des loyers (le premier préconise même un blocage), alors que Fillon le supprime. Les autres sont muets sur la question. Macron souhaite créer en zones tendues un bail « mobilité professionnelle » de courte durée et peu contraignant pour le locataire.
  • Interdiction des expulsions sans relogement pour Poutou et Mélenchon, alors que Fillon et Asselineau souhaitent que la procédure d’expulsion soit accélérée en cas de non-paiement du loyer.
  • Mélenchon et Hamon projettent d’augmenter la taxe sur les logements vacants.
  • Mélenchon est le seul à prévoir la mise en œuvre d’une garantie universelle des loyers.

Les aides fiscales à l’investissement locatif privé seraient supprimées par Mélenchon et Poutou et,maintenues par Fillon qui stabiliserait la fiscalité pour la durée du quinquennat. Pour Hamon, la question mérite réflexion sur la base d’un audit.
Fillon souhaite développer le parc à loyers intermédiaires et prévoit en outre de réduire le délai d’exonération des plus-values immobilières, alors que Mélenchon supprimerait la dégressivité de la plus-value imposable.
Le parc locatif privé serait davantage mis à contribution pour mettre en œuvre le droit au logement par Mélenchon, grâce à des incitations, voire des réquisitions, Macron par le biais du développement de l’intermédiation locative, et Fillon

Rénovation du parc existant

De façon étonnante, la rénovation énergétique n’est guère évoquée. Le thème est, certes, présent dans le programme de Mélenchon et le Pen, mais sous forme de déclaration d’intention sans précision sur les objectifs et les moyens. Seul Macron détaille les mesures prévues :  audit gratuit, interdiction de louer des « passoires énergétiques », remplacement du Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) par une prime versée au moment des travaux, prise en charge totale pour les propriétaires les plus précaires.
Il entend par ailleurs relancer le programme national de rénovation urbaine en portant à 10 milliards d’euros son budget. Dans ce domaine, Fillon souhaite initier un programme national de requalification des centres anciens des petites villes et bourgs, et Le Pen rééquilibrer la politique de la ville vers les zones désertifiées et rurales.

Mesures diverses

Parmi les autres mesures figurant dans les programmes, on retiendra surtout l’intention de Fillon de faire de l’intercommunalité l’échelon compétent pour le logement, par le biais de contractualisation avec l’Etat, et celle de Macron d’exonérer quatre Français sur cinq de la taxe d’habitation, le manque à gagner pour les collectivités locales étant intégralement compensé par l’Etat. La question de la répartition des compétences entre Etat et collectivités locales n’est pas évoquée par Le Pen, bien qu’elle ait l’intention de supprimer les intercommunalités, ne conservant que trois niveaux d’administration : Etat, départements et communes.
Citons encore la stabilisation, voire la simplification des normes de construction (Fillon, Macron, Le Pen), l’interdiction des ventes à la découpe (Mélenchon), l’instauration d’un permis de louer en zone tendue (Mélenchon), la création de 10 000 places supplémentaires en pension de famille et le droit à la domiciliation pour las sans-abri (Macron).
Il faut enfin évoquer, bien que cela ne concerne que marginalement le logement, les projets relatifs à l’impôt de solidarité sur la fortune : Fillon propose de le supprimer et d’instaurer une taxe à taux unique sur l’ensemble des revenus du capital, Hamon souhaite lui substituer un impôt unique, à taux progressif, sur le patrimoine, Macron de le remplacer par un « impôt sur la rente immobilière ». Les autres candidats optent, explicitement ou tacitement, pour son maintien.

Des sujets absents.. ou presque

Dans ce catalogue de projets, plusieurs thèmes brillent par leur quasi-absence : c’est le cas de l’urbanisme et du droit des sols, des aides personnelles au logement et de l’accession à la propriété.
La question du transfert de compétence des maires aux intercommunalités de la délivrance du permis de construire fait débat depuis plusieurs années. Elle n’est pourtant évoquée par aucun des candidats, sauf par Macron et seulement de façon exceptionnelle (zones prioritaires).
Les aides personnelles sont, et de loin, le premier poste de dépenses publiques pour le logement. Alors que leur efficacité a été mise en question par plusieurs études, on ne peut que s’étonner de ce qu’elles soient à peine mentionnées. Il est vrai que le sujet est délicat : les augmenter, comme le souhaitent Mélenchon et Le Pen (pour les moins de 27 ans) coûterait cher, les diminuer serait impopulaire, voire dangereux pour certains bénéficiaires, et personne ne se risque à le proposer. Seul Fillon projette une réforme : il s’agirait de les intégrer dans une prestation sociale unique, vraisemblablement en les fusionnant avec les allocations familiales et la prime pour l’emploi. Il reprend ainsi une proposition émise par une étude du Cepremap[1] et préconisée par la Cour des Comptes, dont l’objectif est de rendre l’aide invisible pour éviter qu’elle ne soit captée par les bailleurs. Peut-être Hamon a-t-il un projet analogue avec son revenu universel, mais on ne sait pas précisément, pour l’heure, ce que recouvre pour lui ce concept.
Quant à l’accession à la propriété, on ne peut que s’interroger sur les intentions des candidats. La seule à y faire allusion est Le Pen, qui souhaite renforcer les dispositifs de prêts aidés et (comme Fillon) développer la vente HLM. On est loin de l’objectif d’une France de propriétaires fixé il y a dix ans par le futur président Sarkozy.


[1] Jean Bosvieux, « Aides personnelles : vers une intégration dans les minima sociaux ? », Politiquedulogement.com, octobre 2015.

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.

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