Accession à la propriété : tombola à l’hôtel de ville

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L’investissement dans la réflexion sur la politique du logement, à l’instar de l’investissement immobilier, s’apprécie sur le long terme. C’est qu’en matière de politique du logement, les mêmes innovations resurgissent périodiquement qui permettent d’amortir les réflexions qu’on leur avait consacré lors des précédents crus. Un exemple ? Le prix du foncier dresse-t-il un obstacle infranchissable devant les ménages modestes qui souhaiteraient accéder à la propriété dans les villes les plus chères et singulièrement à Paris ?  Une réponse s’impose : au lieu de vendre le foncier, il suffit de le prêter. Nous avons déjà consacré plusieurs analyses aux formules permettant d’y parvenir, la dernière en date en juin 2015 dans politiquedulogement.com[1].
Or la Ville de Paris vient d’annoncer que dès la fin 2019, elle compte lancer des constructions de logements neufs dans la capitale qui seront vendus entre 2 000 et 4 900 euros le mètre carré. « Des ventes sociales sous condition de ressources où les propriétaires n’achèteront que le bâti, pas le terrain… C’est le chaînon manquant entre le logement social et l’accession à la propriété » selon l’adjoint chargé du logement, interviewé par le JDD du 25 novembre 2018.
Il nous faut donc mettre à jour le calcul établi dans l’article précité. En l’absence des détails qui font encore défaut, contentons-nous d’un calcul de coin de table fondé sur les quelques indications fournies par le même adjoint au Maire.
Il prend l’exemple d’un appartement familial de 80 m2 dont il estime le prix de marché à 10 000 €/m2 et dont l’accédant se verra proposer l’achat du seul bâtiment pour 3 500 €/m2.  Le terrain, dont le prix de marché peut être estimé à 6 500 €/m2, lui sera loué au tarif amical de 2 €/m2 et par mois.

Le montant de l’aide

On peut sans grand risque supposer que les heureux bénéficiaires des bienfaits de la Mairie ne seront pas près de quitter le logement qu’ils auront acquis, et ce d’autant moins que des « clauses anti-spéculatives » [2] viendront leur interdire de profiter de sa valorisation éventuelle.
Conservons l’exemple fourni par la Mairie d’un bail de 99 ans et retenons, par commodité, un taux de 2,5%, identique pour l’actualisation, le taux effectif global de l’emprunt et une valeur locative de la charge foncière de 162,5 € par m2 et par an, correspondant à un rendement brut de 2,5%. Selon cette hypothèse, le loyer annuel d’un terrain de 6 500 €/m2 devrait s’élever à 162,5 €/m2 et par an alors que l’accédant ne s’acquittera que de 24 €/m2 (2 € par mois). Pour 80 m2, l’aide annuelle de la collectivité correspondra donc à 11 080 € par an, ce qui équivaut, pour une durée de 99 ans, à une subvention frontale de près de 405 000 €.  En supposant que nos accédants libèrent ce logement à l’issue de 25 ans d’occupation, l’aide dont ils auront bénéficié ne sera que de 204 000 €, la générosité des contribuables parisiens se reportant sur les attributaires suivants.

Le revenu des bénéficiaires.

L’exemple que prend la Mairie est celui d’un ménage de professeurs gagnant 6000 € par mois. A titre de référence, rappelons-nous que la médiane des revenus des ménages de l’Ile-de-France pour un couple avec deux jeunes enfants se situe à 47 500 € et à 57 750 € à Paris[3]. Notre ménage se situe près du 8ème décile de la population de l’Ile-de-France. Et encore conviendrait-il de ne prendre en compte que les revenus des locataires.  Ainsi des ménages se situant très largement au-dessus de la médiane des revenus pourraient bénéficier d’un avantage équivalant à une aide frontale de plus de 400 000 €.

Les modalités d’attribution

Nul doute que ce programme aura de quoi séduire les nombreuses personnes qui réuniront les conditions requises. De plus le rapport entre l’effectif de ceux qui pourraient y prétendre et le nombre d’opérations annoncées, une centaine la première année selon la mairie, laisse penser que les modalités d’attribution ne seront pas nécessairement très complexes et que l’ensemble pourrait avantageusement être sous-traité à la loterie nationale, procédure qui garantirait en outre un traitement équitable des candidats
Pour le reste, gestion de la file d’attente et modalités d’attribution après la première revente, on se reportera à la précédente édition consacrée au BRILO. Le droit peut bien des choses. Protéger les locataires pour éviter que les ménages modestes ne soient chassés des villes les plus chères, parfois au prix du maintien des avantages acquis.  Définir les règles de gestion d’une file d’attente de logements locatifs que devront appliquer les organismes d’HLM pour leur permettre d’accueillir de nouveaux ménages, singulièrement des jeunes.  Mais aucune alchimie juridique équitable ne peut transmuer les locataires en propriétaires tout en maintenant la ville accessible. Ce n’est pas un hasard si les villes les plus chères sont majoritairement locatives.

Bernard Vorms
Décembre 2018


[1] Accession à la propriété : l’ingénierie juridique peut-elle neutraliser le coût du foncier ? Bail emphytéotique, community land trust et BRILO

[2]  Augustin Chomel : Des clauses  » anti-spéculatives  » aux clauses « anti-dépréciation  » dans les contrats de vente 2005

[3] Source Insee https://www.insee.fr/fr/statistiques/1285531

 

Auteur/autrice

  • Bernard Vorms

    Economiste spécialisé dans le domaine du logement, IEP de Paris et DES d’économie politique. Il a dirigé l’ANIL/agence nationale pour l’information sur le logement et présidé la SGFGAS/société de gestion du fond de garantie de l’accession sociale jusqu’à la fin de l’année 2013. Il a présidé le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière de 2014 à 2019. Il a réalisé de nombreux rapports pour le gouvernement et publié des études mettant l’accent sur les comparaisons internationales.

8 réflexions sur “Accession à la propriété : tombola à l’hôtel de ville

  • 5 décembre 2018 à 15:14
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    Bonjour,
    Je suis curieux de savoir où il est possible de trouver un prix de marché de 10 000 € du m² dans le neuf à Paris. La mairie me paraît bien optimiste.
    Frédéric Noble

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  • 5 décembre 2018 à 16:50
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    Votre article, bien qu’intéressant sur le fond, me semble manquer cruellement de précision, voire de rigueur intellectuelle.
    N’ayant pas connaissance du dispositif présenté par la ville de Paris et auquel vous faites référence, je ne peux que spéculer sur sa nature. Si, comme je le suppose au regard des plafonds de prix mentionnés et de la relative nouveauté du produit, il s’agit de logements en bail réel solidaire (BRS), alors votre article appelle de ma part les remarques suivantes.

    Tout d’abord, le public visé ne correspond pas à l’exemple du couple de professeurs gagnant 6000€ par mois, le plafond de ressources PSLA (qui s’applique également au BRS) étant fixé à 57 922 € par an pour un couple avec 2 enfants en zone A, assez loin des 72 000 € de votre exemple.

    Ensuite, la « subvention » perçue par le ménage est purement théorique et ne correspond en aucun cas à une moins-value réelle pour la collectivité. Elle est en effet issue de la comparaison entre le loyer foncier perçu par la commune dans le cadre du BRS, et celui qu’elle pourrait percevoir par un bail sur le marché du logement libre. Et c’est bien là tout l’écueil de votre raisonnement, car cette comparaison n’aurait de sens que s’il existait sur le marché une demande de ménages pour des logements en démembrement de propriété basée sur une valeur locative libre. Quel serait l’intérêt pour un ménage d’un tel produit dont le coût serait celui du marché libre, mais dont il n’aura jamais la pleine propriété (bâti + terrain)?
    De plus, une collectivité n’est pas un investisseur immobilier ou un rentier dont le seul objectif est de maximiser ses profits. Si elle agissait de la sorte, on pourrait très légitimement lui reprocher d’alimenter la spéculation foncière et immobilière.
    La rentrée effective d’argent dont la ville se prive en développant du BRS sur ses terrains correspond à un éventuel prix de cession du terrain. Mais cette « moins-value » doit évidemment être mise en perspective avec le fait que dans le cadre d’un BRS, la collectivité reste propriétaire du terrain, qui produira une rente, même si elle est minorée. Par ailleurs, elle aura la possibilité à terme de racheter l’ensemble des murs via un droit de priorité sur les transactions, et de valoriser son foncier et le bâti qu’il supporte comme elle l’entend.
    En intégrant tous ces paramètres, le calcul d’un éventuel équivalent subvention me semble bien plus complexe que celui auquel vous vous livrez.

    Même si votre mode de calcul de cet équivalent subvention est contestable, il n’en demeure pas moins que le ménage acquéreur des murs (et locataire du sol) bénéficie bien de conditions d’acquisition exceptionnelles, déconnectées du marché, et c’est bien là tout l’intérêt du dispositif. Mais ces conditions d’acquisition sont assorties de contreparties que vous semblez balayer d’un revers de main, et qui sont pourtant loin d’être négligeables dans un marché aussi spéculatif que celui de Paris. Outre les conditions de ressources déjà évoquées, l’acquéreur ne sera jamais propriétaire du sol et la jouissance de son bien sera « bridée », notamment pas l’interdiction de le mettre en location sur le marché libre, ou de le céder (ou le transmettre) à des ménages dont les ressources dépassent les plafonds PSLA. Par ailleurs, le ménage ne pourra en aucun cas bénéficier de l’augmentation des prix de l’immobilier parisien, le prix de revente de son appartement étant plafonné au montant plafond du PSLA (4 656€HT/m² en 2018).

    Enfin, votre conclusion me semble rapide et mériterait d’être étayée. Si les villes les plus chères sont majoritairement locatives, ça n’est pas uniquement une conséquence des prix du foncier, mais c’est probablement aussi lié à des considérations démographiques et sociétales (la population y est plus jeune et plus mobile). Et votre allusion à la nécessité de maintenir la ville accessible ne manque pas de piment s’agissant de Paris, qui est devenu inaccessible à une très large majorité de Français depuis bien longtemps. L’intérêt d’un outil comme le BRS pourrait bien être, si on pousse son développement suffisamment loin, de réguler durablement le marché, voire de l’infléchir, et – rêvons un peu – de rendre Paris à nouveau accessible au plus grand nombre…

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    • 5 décembre 2018 à 19:47
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      Merci de l’attention que vous avez portée à cet article. Les éléments retenus sur le projet de la Mairie de Paris, notamment les prix et les revenus des ayants-droit, sont ceux qui figurent dans l’interview accordé par Ian Brossat au JDD du 25 novembre. Par ailleurs, nombre des objections que vous formulez trouvent leur réponse dans l’article plus complet que j’avais consacré en 2015 dans politiquedulogement.com aux formules de ce type « Accession à la propriété : l’ingénierie juridique peut-elle neutraliser le coût du foncier ? Bail emphytéotique, community land trust et BRILO. » Je vous invite à en prendre connaissance. Je ne suis donc pas revenu ici sur ce que vous appelez les contreparties, ni sur la principale faiblesse de ces dispositifs qui tient à l’impossibilité de prévoir, sauf par une affirmation de bonne intention, une gestion équitable et transparente de la file d’attente lors de la première mutation.

      Il s’agit ici seulement d’évaluer le coût pour la collectivité de la faveur faite à un ménage et de la rapprocher de la façon dont ce ménage se situe dans la hiérarchie des revenus.
      Revenons donc sur vos observations concernant le calcul

      « Elle est en effet issue de la comparaison entre le loyer foncier perçu par la commune dans le cadre du BRS, et celui qu’elle pourrait percevoir par un bail sur le marché du logement libre. Et c’est bien là tout l’écueil de votre raisonnement, car cette comparaison n’aurait de sens que s’il existait sur le marché une demande de ménages pour des logements en démembrement de propriété basée sur une valeur locative libre. Quel serait l’intérêt pour un ménage d’un tel produit dont le coût serait celui du marché libre, mais dont il n’aura jamais la pleine propriété (bâti + terrain) ? »

      Il n’existe évidemment pas de demande pour des logements en démembrement de propriété au prix du marché puisque le démembrement a pour seul objet d’habiller la subvention accordée au ménage bénéficiaire sous la forme d’une location de terrain à titre gratuit. La seule méthode d’évaluation possible consiste à calculer la valeur actualisée de cette location à titre gratuit. C’est ainsi que procèdent les anglais qui pratiquent beaucoup le bail emphytéotique et c’est ainsi que procède le compte du logement pour les avantages conférés. Il va sans dire que la collectivité n’est pas un investisseur immobilier, mais ses décisions doivent s’apprécier de façon comparative, par exemple avec d’autres types d’investissement en faveur du logement. Enfin le nombre même d’opérations envisagées par rapport à l’effectif considérable des ayants-droit potentiels suffit à juger d’un projet qui, en tout état de cause, ne peut rester qu’anecdotique. Aucune expérience de pensée ne permet d’envisager de quelle façon un tel dispositif pourrait « réguler durablement le marché, voire de l’infléchir, et – rêvons un peu – de rendre Paris à nouveau accessible au plus grand nombre… »

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  • 6 décembre 2018 à 09:36
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    Cher monsieur Vorms,
    L’initiative prise par la Ville de Paris, basée sur le BRILO, me semble éloignée de la perspective apportée aux acquéreurs successifs d’un logement dans le cadre du BRS, ce dernier permettant l’accession à la propriété du logement, permettant la revente de ce dernier, avec agrément de l’OFS et rechargement du bail pour sa durée initiale. Ce dispositif est le seul qui permette de cristalliser les aides publiques sur le logement, ce dernier rentrant dans un véritable de parc de logements destinés à l’accession sociale à la propriété.
    Inéluctablement, la technique du Brilo – qui repose sur la cession du droit au bail en cas de vente du logement – aboutit à une diminution de la valeur de l’actif « dissocié » (et non « démembré »), au fil du déroulement du bail.
    Au terme du Brilo, la dissociation cesse, et l’acquéreur est évincé. Ce qui n’est pas le cas de l’acquéreur en BRS.
    Je serais heureux que vous puissiez, dans un de vos prochains articles, établir par conséquent une comparaison entre les deux systèmes.
    L’accession durablement sociale à la propriété de son logement ne peut juridiquement s’appuyer que sur le BRS, innovation profonde apportée par l’Ordonnance de 2016, à l’élaboration de laquelle j’ai été amené à participer dès l’origine, aux coté de Mme Linkenheld, alors députée du nord, dans le cadre d’un dispositif soutenu par M. Macron, et depuis relayé par M. Denormandie.
    Bien cordialement
    Frédéric ROUSSEL
    Notaire honoraire
    Directeur général de l’ANC

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    • 6 décembre 2018 à 10:32
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      Il faut attendre que le projet de la Ville de Paris soit précisément défini pour procéder à cette comparaison, mais il est déjà possible de rapprocher l’ordre de grandeur de l’aide publique de la place des bénéficiaires dans la distribution des revenus et l’effectif de logements concernés du nombre d’ayants-droit potentiels, d’autre part. De plus, comme j’ai essayé de le montrer dans l’étude de 2015,
      https://politiquedulogement.com/2015/06/accession-a-la-propriete-lingenierie-juridique-peut-elle-neutraliser-le-cout-du-foncier-bail-emphyteotique-community-land-trust-et-brilo-2/
      les prescriptions à long terme sur les conditions de revente ou de restitution du logement semblent absolument virtuelles. Elles le seront d’autant plus que l’écart entre le prix d’achat actuel et le prix du marché au moment de la revente se sera encore élargi.
      L’exemple des hospices de Lyon ou même l’affaire de la vente à la découpe des immeubles appartenant aux institutionnels, pourtant parfaitement légale, me semblent le prouver.

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      • 6 décembre 2018 à 12:44
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        Le BRS permet justement d’éviter l’effet d’extinction de la valeur du bien en fin de bail, et permet au bénéficiaire d’avoir une garantie de revente à prix encadré.
        Dans ces conditions, vos objections concernant les pressions des bénéficiaires en fin de bail ne me semblent plus d’actualité.

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  • 6 décembre 2018 à 12:38
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    J’ai pris connaissance de l’interview de Ian Brossat, qui confirme ce que je supposais, à savoir que le dispositif qu’il présente est bien celui du bail réel solidaire. Il est à ce propos assez regrettable qu’un élu au logement d’une ville comme Paris ne maîtrise pas les plafonds de ressources des dispositifs qu’il souhaite mettre en place (4 826 € par mois pour un couple avec 2 enfants, et non les 6 000 € évoqués).

    Votre article « Accession à la propriété : l’ingénierie juridique peut-elle neutraliser le coût du foncier ? Bail emphytéotique, community land trust et BRILO. » est fort intéressant mais mériterait d’être actualisé au regard des évolutions réglementaires récentes, et notamment de la création du BRS qui me semble lever une bonne partie des réserves que vous soulevez à juste titre au sujet du BRILO. Je partage à ce sujet largement votre conclusion, à savoir que le BRILO a clairement vocation à disparaître des écrans radars.

    La création du BRS a justement pour objectif de corriger les travers du BRILO qui le rendaient inopérant, notamment par l’introduction dans le BRS de la faculté du bail à se recharger au moment de la cession ou de la transmission, et par l’encadrement des prix de revente qui est à la fois plus libre en théorie (aucune modalité de calcul n’est imposée par la loi) mais beaucoup plus administrée en pratique (prix de revente plafonné au prix du PSLA fixé par décret).

    Concernant la gestion de la file d’attente, il me semble qu’elle n’est ni plus ni moins problématique que celle du logement locatif social (voir les débats récents sur la cotation de la demande en logement social) : elle n’est pas intrinsèquement liée à la nature du BRS, mais repose simplement sur la volonté politique – ou l’absence de volonté politique – de rendre les dispositifs transparents et équitables.
    Nous avons très peu de recul aujourd’hui sur l’attractivité du BRS, mais même si je crois beaucoup en ce produit, je ne suis pas certain que, comme vous le supposez, il suscite l’engouement des ménages bénéficiaires, au moins à court terme. Comme vous le soulignez très justement dans votre article, le droit de propriété et le lien au sol sont profondément ancrés dans la culture française, et les contreparties imposées aux acquéreurs de logements en BRS pourraient influer largement sur leurs choix : une acquisition classique sur le marché libre en périphérie avec la possibilité de plus-value (et le risque de moins-value), ou une acquisition encadrée en centre ville, plus sécurisante (garantie de rachat et de prix par l’OFS) mais moins porteuse d’enrichissement potentiel.

    Quant à l’investissement public nécessaire et à son efficacité, comme vous le dites très justement, il convient de comparer le coût de la mise à disposition du terrain (ou de la minoration foncière concédée par la collectivité à l’OFS) non pas avec des éventuelles recettes théoriques qui n’auraient jamais été mobilisées, mais avec l’investissement consacré jusque là par les collectivités au financement de l’accession sociale. Je connais mal le cas de Paris mais celui de Rennes Métropole est assez édifiant à ce sujet. La collectivité a décidé simplement de réorienter l’ensemble des ses aides à l’accession sociale sur le BRS. Le coût net pour la collectivité est donc constant (par rapport à sa politique antérieure), et tout l’intérêt du BRS réside dans le fait qu’il permet de constituer un parc pérenne de logements en accession abordable, évitant ainsi l’effet « one shot » des subventions antérieures assorties de clauses anti-spéculatives qui étaient à la fois peu opérantes dans le cas de marchés très spéculatifs, et rarement mises en oeuvre. De ce point de vue, la création du BRS constitue un gain indéniable en terme d’efficacité des politiques publiques.

    Quant à la capacité du BRS à infléchir les marchés du logement, elle tient là aussi uniquement à volonté politique des élus d’utiliser ou pas cet outil dans ce but. Si les premières opérations seront évidemment anecdotiques, leur accumulation dans le temps (n’oublions pas que le principal intérêt du BRS est sa pérennité) pourrait conduire à développer sur le marché un segment d’offre non négligeable. Rennes Métropole s’est fixé un objectif de 500 logements en BRS par an, soit 15% de la production neuve. On peut légitimement penser que ce parc de logements abordable représentera dans quelques années une part non négligeable de l’offre.

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  • 10 mars 2019 à 15:08
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    En matière de dispositif alchimique d’accession à la propriété, la municipalité actuelle n’innove pas complètement et pourrait avantageusement tirer parti des expériences conduites par de précédentes équipes municipales. En effet des opérations du même type avaient été mises en place avant l’élection de Bertrand Delanoë. Le système le plus rudimentaire reposait sur une vente à prix très subventionné et sans clause anti-spéculative, qui était réservée aux locataires HLM. Le choix des bénéficiaires reposait sur une vraie file d’attente avec des personnes qui campaient pendant plusieurs jours devant le bureau de vente. Devant le désordre qui en résultait, dont on pourrait retrouver trace dans les articles et les photos des journaux de l’époque, une nouvelle modalité d’attribution avait été définie avec un tirage au sort à la Chambre des notaires. Une autre opération avait été conduite sous forme de cession d’un bail emphytéotique pour le logement. La nouvelle administration du logement de l’époque Delanoë s’était rendue compte que le loyer correspondant au bail n’avait jamais été facturé par la Ville. Elle avait également identifié un ménage qui avait pu acheter deux logements : un en faisant la queue, un par tirage au sort, et qui était néanmoins resté locataire d’un logement social. Cet heureux bénéficiaire était donc à la tête de trois logements. La mairie avait dû faire appel à la Justice pour récupérer le logement qu’il occupait.

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