Caractéristiques des biens immobiliers

Par immobilier on entend tout ce qui est bâti avec des fondations sur un sol et qui, de ce fait, est immobile. Juridiquement, la réalisation d’un tel bien nécessite un permis de construire. Un bien immobilier est donc défini comme l’ensemble indissociable d’une construction et du terrain qui la porte. Economiquement parlant, c’est un produit réalisé avec deux facteurs de production, le sol et la construction. Une question, qui relève du choix du promoteur, est celle de la combinaison optimale de construction et de sol, notamment en ce qui concerne la densité de construction (COS).
Un terrain nu constitue aussi un bien immobilier, mais il n’a de valeur que par l’usage qu’il peut avoir, notamment quand il entre comme bien intermédiaire dans le processus de production d’un autre bien, service, production agricole, immeuble etc.
De cette définition découle un certain nombre de caractéristiques des biens immobiliers.

Bien localisé

Le caractère localisé résulte de la réalisation durable d’un bien immobilier sur un sol. Il n’est pas spécifique à l’immobilier : les emplois ou certains services publics ou privés sont également localisés. Cette caractéristique implique que les marchés de ces biens sont eux-mêmes localisés et que ce sont les demandeurs de ces biens qui se déplacent. L’ensemble géographique des biens immobiliers parmi lesquels un agent économique opère son choix définit un marché local, par exemple un marché local de l’habitat.
Le caractère localisé est pris en compte par l’analyse économique dans les différentes conceptions économiques de l’espace. En particulier est théorisée la demande de localisation des agents, des ménages en ce qui concerne leur logement, des entreprises en ce qui concerne leurs locaux de production.
Les déterminants de la localisation renvoient aux différentes conceptions économiques de l’espace :

  • l’espace comme objet de préférence et comme distance dans une problématique des déplacements,
  • l’espace comme support de services publics et de prélèvements fiscaux (fiscalité locale),
  • l’espace comme support d’aménités, notamment les caractéristiques environnementales. Ces aménités sont souvent source d’externalités. Une externalité est un avantage ou un inconvénient résultant du fait d’un agent mais supporté par un autre agent sans compensation. En matière de logement, un exemple d’externalité négative est la pollution. Un autre est les coûts sociaux liés aux mauvais logements, comme la délinquance, le mauvais état sanitaire, le niveau scolaire, etc. Les cas d’externalités positives habituellement évoquées sont par exemple les plus-values dont bénéficient les détenteurs de biens immobiliers dans le voisinage d’autre biens immobiliers rénovés ou remplacés par du neuf, ou bien l’existence de terrains non construits dans l’environnement d’un logement.

En définitive, les agents arbitrent entre ces différents facteurs de localisation. Les arbitrages de chaque agent conduisent à une courbe d’enchères pour les différentes localisations. La confrontation des courbes d’enchères des différents agents détermine à la fois les prix effectifs des biens et l’affectation des différents biens aux demandeurs. Les biens les plus attractifs sont les plus chers et ils sont occupés par les agents disposant des ressources les plus élevées, à préférences identiques.

Durabilité

La durabilité est un caractère physique des biens immobiliers qui provient du sol et de la construction. Le sol reste le plus souvent intact indéfiniment (sauf activités polluantes). La construction s’amortit ; autrement dit, elle perd de sa valeur au cours du temps. L’amortissement est compensé, voire sur-compensé par l’investissement. Pour l’élaboration des Comptes de patrimoine, les comptables nationaux ont estimé le taux d’amortissement de la construction dans les logements à 1,68% par an. Ceci confère aux logements une espérance de vie moyenne de 118 ans.
Le caractère durable des biens immobiliers entraîne le fait qu’ils peuvent générer un service dans le temps, service qui correspond à l’usage du bien. Ce caractère distingue l’immobilier des produits fongibles, qui disparaissent lors de leur premier usage. Il est partagé avec d’autres biens, comme les machines, qui peuvent servir à produire des biens économiques pendant toute leur durée de vie.
Le service généré par un bien immobilier a une valeur économique. Cette valeur récurrente dans le temps confère à l’immobilier la dimension d’actif réel. L’expression économique de la valeur du service est le loyer. Celle de la valeur de l’actif est le prix de cession du bien. Elle est l’expression économique du droit de propriété. Il y a donc deux manières de payer l’usage d’un bien immobilier : le payer au fur et à mesure de sa consommation, c’est-à-dire le louer, ou payer en une seule fois tous les loyers en achetant le bien. Fondamentalement, ces deux modes de paiement sont financièrement équivalents : le prix est la somme actualisée des loyers nets futurs. Si l’un des statuts s’avérait plus avantageux, l’autre tendrait à disparaître. Cet équilibre révèle également l’identité des taux de rendements des différentes formes de placement, aux risques près. En définitive, on peut montrer que le taux de rendement de l’immobilier est égal au ratio loyer/valeur du logement plus le taux de valorisation des biens, supposé constant.
Comme actif réel, l’immobilier peut être financé par un prêt. Si l’investisseur a le choix entre emprunter ou pas, il n’a intérêt à le faire que si le rendement de l’investissement est supérieur au coût du prêt, c’est-à-dire s’il y a effet de levier. Pour le prêteur, le bien constitue la garantie de recouvrer son argent. La durée du prêt ne doit donc pas excéder la durée de vie du bien. Les conditions du prêt peuvent être définitives à la signature ou modifiables en cours de prêt. Le prêteur peut imposer à l’emprunteur une contrainte de liquidité, c’est-à-dire que les annuités soient couvertes par les loyers (cas d’un bailleur) ou qu’elles n’excèdent pas une fraction de ses autres revenus (propriétaire occupant). Finalement, le ratio prêt/valeur du bien dépend de la nature de l’emprunteur, de ses autres sources de revenu et du risque qu’il présente.

Hétérogénéité

Les biens immobiliers sont hétérogènes d’abord par leur usage : usage résidentiel (à titre principal ou de loisir), usage de bureau, d’activité de production agricole ou industrielle ou de service privé ou collectif (locaux d’enseignement, hôpitaux, églises etc.). Pour un même usage, ils diffèrent aussi par leur localisation et leurs caractéristiques physiques (la taille, le confort, l’âge, l’état, etc.), voire par les caractéristiques de marché (libre ou occupé, par exemple). Muth fait remarquer que les logements ne diffèrent pas sur ce point de beaucoup d’autres biens. L’hétérogénéité des biens empêche qu’ils soient parfaitement substituables.
On peut traiter l’hétérogénéité de plusieurs manières. La première consiste à considérer qu’à un certain niveau d’observation, il y homogénéité des biens. C’est ce qui justifie l’existence d’un indice de prix des logements. La deuxième consiste à considérer que si les logements sont hétérogènes, le service qu’ils génèrent est, quant à lui, homogène (Muth-Olsen). Une autre manière est de regrouper les biens en sous-ensembles relativement plus homogènes qui constituent des segments de marché. On conçoit que chacun de ces segments de biens appelle une clientèle spécifique. C’est le cas par exemple quand ces segments résultent de l’intervention publique, comme dans le secteur HLM ou le secteur du prêt à taux zéro. Une autre manière consiste à raisonner sur les caractéristiques composant le bien logement, dites caractéristiques hédoniques, à la manière initiée par Rosen. Ce sont les caractéristiques qui sont demandées et offertes, éventuellement produites quand elles concernent le bâti. Le prix implicite des différentes caractéristiques peut être estimé par la méthode dite des prix hédoniques.
En définitive, les différentes caractéristiques des biens immobiliers sont partagées par d’autres biens économiques. L’immobilier peut donc être traité par la théorie économique standard, de la production, de la consommation, de l’investissement et des marchés, en statique et en dynamique de court terme et de long terme.

Didier Cornuel
2016

Bassin d’habitat, prix, bien, hédoniques (prix)

Auteur/autrice