Loyer

Contrepartie du service offert dans le cadre de la location d’un bien.

S’agissant du logement locatif libre, le loyer est fixé par le bail pour la durée de celui-ci. Ses variations sont encadrées par le régime juridique des baux (loi du 6 juillet 1989 et loi ALUR du 24 mars 2014). C’est ainsi que, sauf accord écrit portant sur une réévaluation consécutive à des travaux d’amélioration, le loyer peut augmenter au maximum selon le rythme de l’indice de référence des loyers (IRL) calculé par l’INSEE. A l’échéance du contrat, le loyer peut augmenter librement au moment d’un changement de locataire, alors que les hausses doivent être justifiées s’il ne s’agit que d’un renouvellement. On peut donc dire que le régime des loyers du secteur privé jouit d’une liberté limitée, ce qui n’a pas toujours été le cas en France, le pays ayant connu de longues périodes de contrôle des prix en la matière, principalement entre les deux guerres mondiales.

L’encadrement des loyers

La loi ALUR a toutefois introduit, dans son article 6 la possibilité d’une régulation des loyers dans « les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ». Dans ces zones, peuvent être créés des observatoires locaux des loyers qui permettent aux préfets de fixer de loyers de référence qui s’imposeront aux nouveaux baux. Dans un premier temps, les villes de Paris et de Lille avaient été retenues pour expérimenter cette régulation jusqu’à ce que des décisions de justice (arrêts du tribunal administratif du 17 octobre 2017 pour Lille, du 28 novembre 2017 pour Paris) annulent ces dispositions pour non-conformité à la loi qui prévoyait des mises en œuvre à l’échelle des agglomérations et non des communes. Un avis du Conseil d’Etat du 15 mars 2017 avait d’ailleurs déjà souligné que la loi ALUR ne prévoyait pas que l’encadrement des loyers ne soit mis en œuvre qu’à titre expérimental.
L’imbroglio juridique est résolu par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) du 23 novembre 2018 qui prévoit une expérimentation pendant cinq ans dans des territoires volontaires. La loi du 21 février 2022 sur la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et sur divers mesures de simplification de l’action publique locales (dite « 3DS ») a prolongé cette expérimentation jusqu’en novembre 2026. Début 2023, les villes de Paris, Lille, Lomme, Hellemmes, Lyon, Villeurbanne, Montpellier, Bordeaux, l’établissement public territorial de Plaine Commune et celui d’Est-Ensemble pratiquent l’encadrement des loyers. Marseille est sur les rang, mais la mesure d’est pas encore effective à la date de rédaction de cet article.
La loi permet en outre, dans les zones concernées par le plafonnement des loyers en niveau, d’en limiter par décret l’évolution en cas de changement de locataire.

Les loyers du secteur social

Dans le logement locatif social, la spécificité de la fixation et de l’évolution des loyers est la double conséquence du régime des baux renouvelés mensuellement par tacite reconduction (et donc sans augmentation) et du conventionnement, qui impose la fixation d’un loyer plafond actualisé chaque année sur la base de l’indice de révision des loyers. Celui-ci constitue la limite à ne pas dépasser, même lors d’un changement de locataire.
Les loyers du secteur social sont plafonnés sur la base d’une formule de calcul dont les détails sont régulièrement modifiés, mais dont le principe reste l’application d’un montant fixé par arrêté, à la surface des logements d’un immeuble (plus ou moins pondérée par des critères qualitatifs). Le montant résultant est le maximum autorisé pour la rédaction de la convention.
Dans tous les cas, la quittance délivrée au locataire (le plus souvent à un rythme mensuel) comporte, en plus du loyer dû, un poste de charges locatives, dont le montant et l’évolution dépendent des dépenses réelles effectuées par le propriétaire et récupérables auprès du locataire, lequel peut en contrôler la réalité.

Un enjeu économique aux conséquences sociales considérables

Comme tout ce qui touche aux rapports locatifs, la question des loyers constitue un enjeu social considérable. En effet, les dépenses de logement pèsent très lourd dans le budget des ménages et ceux qui ont les revenus les plus faibles sont plus souvent locataires que les autres. C’est ce qui explique la tentation constante pour les pouvoirs publics, en période de tension du marché, d’exercer une action limitant les hausses. Mais l’expérience montre aussi que de telles mesures, en limitant la rentabilité de l’investissement locatif, produisent généralement un effet de rétractation quantitative de l’offre, aggravant encore plus les difficultés des demandeurs.
Dans le secteur social, où l’objectif n’est pas de tirer un rendement de l’activité locative, le loyer est le garant de l’équilibre économique des bailleurs. C’est lui qui permet à la fois le remboursement de la dette contractée lors de la construction ou des travaux d’amélioration, le financement de la gestion administrative, du gardiennage, de l’entretien et des réparations et la constitution de fonds propres permettant de contribuer au développement du parc social. C’est cet ensemble de besoins de financement qui justifie le montant des loyers HLM. L’expérience des difficultés rencontrées par les organismes ayant oublié ces exigences, parfois sous la pression de leur tutelle politique, conduit aujourd’hui à la plus grande prudence dans les velléités de contrôle des loyers de ce secteur. Les réactions du secteur HLM lors de l’introduction en 2018 de la réduction de loyer de solidarité montrent la sensibilité de la question.

Les lacunes de la connaissance statistique des loyers du secteur privé

Chaque année, les bailleurs sociaux informent les services de l’Etat de leur politique en matière de fixation et d’évolution des loyers et le préfet peut, dans certains cas, exercer des pressions pour que le conseil d’administration de l’organisme délibère à nouveau. Ces dispositifs, auxquels s’ajoutent  le répertoire du parc locatif social (RPLS) actualisé chaque année et les inspections régulières de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS), qui a remplacé début 2015 la Mission interministérielle d’inspection du logement social (MIILOS), permettent de disposer d’une bonne connaissance globale des loyers du secteur et de leur évolution.
Ce n’est pas le cas pour le parc privé.
Le caractère libéral de la réglementation qui s’applique aux loyers du secteur privé a notamment comme contrepartie une absence de suivi statistique du domaine. Il n’existe donc pas de système général de connaissance des loyers en France. Quatre types de dispositifs partiels permettent de les approcher.
Le premier, indispensable au niveau national, mais très insuffisant pour évaluer la situation des marchés locaux, est l’enquête « loyers et charges » menée selon un rythme trimestriel par l’INSEE afin d’introduire une composante sur les loyers dans l’indice général des prix à la consommation. L’enquête est bâtie sur un échantillon de quelques milliers de logements, ce qui interdit toute analyse des différenciations locales.
Le deuxième, issu des nécessités de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre de la loi du 6 juillet 1989, est constitué par le réseau des observatoires des loyers mis en place dans la plupart des grandes agglomérations françaises. Le principal d’entre eux, l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) produit chaque année des statistiques sur les loyers de Paris et de la proche banlieue et gère une gigantesque base de données de références destinées à justifier ou contester les augmentations autorisées par la loi. C’est sur la base de cette expérience, et dans la perspective de mise en œuvre de l’encadrement des loyers que la loi ALUR a prévu la création d’observatoires locaux des loyers dans les villes où une action publique semblait nécessaire. Ces observatoires, agréés par un comité scientifique national, doivent fournir des données annuelles fiabilisées par zones, nombre de pièces et époque d’achèvement des immeubles, en cumulant loyers de marché et loyers des baux en cours. L’agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) est chargée par la loi de coordonner ces observatoires et de mettre en forme les données diffusables. Début 2023, ce réseau comportait 35 observatoires locaux couvrant 56 agglomérations. Chacun publie ses statistiques et les résultats sont disponibles en ligne sur data.gouv.fr.
Le troisième type de dispositifs est constitué par la base de données CLAMEUR (connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux), d’initiative privée, qui fournit des informations sur les loyers de marché (au moment des relocations) pour la plupart des villes française. En l’absence de données publiques, et malgré une représentativité inégale des données collectées, la base CLAMEUR fait souvent référence dans les milieux professionnels et ses résultats sont utilisés par de nombreux acteurs ainsi que par la presse. Les données sont disponibles sur clameur.fr
Enfin, la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) a lancé en 2018 une démarche d’élaboration de la « carte des loyers » nationale à l’échelle communale, avec le concours d’une équipe de recherche en économie et des sites de SeLoger, leboncoin et PAP. La base de données est constituée de plus de neuf millions d’annonces de location. La première carte des loyers ainsi produite a été mise en ligne par le ministère de la transition écologique en décembre 2020. Une deuxième version de la carte a été publiée en décembre 2022 sous l’égide de l’ANIL.

Jean-Claude Driant
Février 2023

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