Parc ancien : la rénovation énergétique n’est pas la panacée

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La transition énergétique dans le bâtiment est un objectif sérieux, chacun en est conscient. Mais, faute de réflexions amont suffisantes, la politique dite de transition énergétique est aujourd’hui dans l’impasse. Un volontarisme béat ne saurait fonder une politique quand des éléments essentiels sont laissés en dehors. L’addition de solutions ponctuelles ne peut suffire quand des vérités techniques implacables, ainsi que les dynamiques actuelles du domaine bâti, sont laissées de côté.

La rénovation énergétique : une approche incomplète

Tout d’abord l’idée, a priori logique, de piloter la rénovation énergétique globale du parc bâti via la rénovation énergétique de chaque logement, repose sur une analyse trop courte. En effet, comme tout un chacun devrait le savoir, les bâtiments doivent respirer, pour évacuer l’humidité contenue dans les expirations humaines, puis celle pouvant entrer par capillarité dans les murs. Dans ces conditions les approches centrées sur la seule isolation, et qui n’incluent pas la question du traitement corrélatif de la ventilation, sont erronées. Ce fait est apparu en pleine lumière après le choc pétrolier de 1973, qui avait fait s’envoler le coût du baril de pétrole à des niveau jusqu’alors inconnus. Tous les pays d’Europe se sont alors lancés dans des politiques intenses d’isolation thermique par l’extérieur, les interventions de ce type sur le patrimoine locatif social français relevant de la politique dite de « Palulos[1]« . La consommation pétrolière des bâtiments chuta, mais des études épidémiologiques révélèrent assez vite une augmentation simultanée des taux d’asthme dans tous les pays, aussi bien de l’asthme chronique que des cas mortels.
De façon récente, l’étude d’impact de la loi de 2015[2], rédigée par les services d’Etat compétents, cite une étude de l’Agence Qualité Construction qui énumère l’ensemble des risques liés à des rénovations thermiques mal calculées. Au delà de la santé des habitants, c’est la structure même du bâtiment qui peut être atteinte. En secteur sauvegardé, des immeubles qui avaient traversé des siècles ne supportent que mal quelques années d’isolation thermique par une brutale isolation par l’extérieur qui empêche ces bâtiments de respirer comme avant. Déjà en 2019 le réseau CLER[3] dédié à la rénovation énergétique avait souligné que des actions court-termistes trop étroites ne sauraient remplacer des rénovations complètes et performantes, et participent à la diffusion de fausses solutions. De ce fait, les désillusions sont fréquentes. La loi dite Grenelle I de 2009 parlait déjà de caractéristiques et performances énergétiques et environnementales[4], sans jamais séparer les deux termes. Sur ce point, la politique énoncée dite de « transition énergétique », qui laisse de côté des faits parfaitement établis et documentés, traduit une véritable régression intellectuelle . Saura-t-on la surmonter?
Un autre point doit être souligné : tout ce qui est rénovation, thermique ou non, se réalise à l’initiative des propriétaires, et à leur compte. Or de ce point de vue les travaux dits d’amélioration énergétique visant un niveau élevé d’isolation n’ont qu’une très faible rentabilité intrinsèque. La volumineuse étude d’impact précitée( cf. note 2) ne fait qu’une seule évaluation économique, affichant en cas d’isolation par l’extérieur un taux de retour intéressant en moins de 10 ans pour 37% du parc. C’est une proportion faible, et cette durée est bien longue pour des ménages qui, en fait, ont en ce domaine un horizon bien plus rapproché.

La vacance résidentielle, révélateur de l’obsolescence du parc ancien

Et surtout l’approche de la rénovation énergétique au cas par cas laisse de côté un fait majeur : la dynamique actuelle du parc de logements et ses effets d’obsolescence. Celle-ci frappe le parc de résidences principales pour deux raisons essentielles. La première, c’est l’évolution des modes de vie et les exigences croissantes de nos concitoyens. Le nombre de pièces par habitant est passé de 1 en 1970 à 1,6 aujourd’hui. Les cuisines de 7 m2 ne sont plus acceptées par les ménages modernes qui veulent y loger leur matériel électroménager de tous usages, les pièces de moins de 9 m2 sont proscrites à la location, et les 4èmes étages sans ascenseur font fuir les ménages avec enfants, comme les personnes d’un certain âge. A ces éléments s’ajoutent ceux du contexte urbain. L’impossibilité de garer sa voiture, comme certains choix architecturaux sont autant d’éléments qui conduisent peu à peu à ce que des logements soient progressivement délaissés, puis carrément mis hors marché.
L’examen des logements d’avant 1946 confirme cette analyse. Ils représentent 30% du parc de logements, 25% de celui des résidences principales et le taux de vacance y est particulièrement élevé : 13% en moyenne, allant jusqu’à 18% pour les appartements, alors qu’il est de 4,9% pour les logements d’après 1991. L’existence de ce parc, sur lequel toute intervention est souvent complexe et coûteuse, est radicalement ignorée par l’étude d’impact citée plus haut, qui visiblement s’est attachée à ne pas repérer, ni encore moins analyser, les réalités qui pourraient mettre en péril les objectifs comme les raisonnements affichés .

Source: INSEE

Cette obsolescence globale provenant des modes de vie se trouve accentuée de fait par la réglementation. Conduite par le souci légitime de tirer la qualité du parc neuf vers le haut, celle-ci émet constamment de nouvelles normes, entre autres en matières acoustique, thermique, d’équipement électrique[5], voire de taille des pièces. La réglementation sur l’accessibilité des logements aux handicapés en est un bon exemple. Aucune de ces mesures ne peut être critiquée en elle-même, mais l’ensemble contribue, en imposant de nouveaux standards, soigneusement défendus après coup par des certifications en tout genre, à la dévalorisation du parc plus ancien, et à sa mise progressive hors jeu. Et la loi Elan, dans ses articles 177 et suivants, a ajouté sa pierre à l’édifice. D’où cet étrange paradoxe : alors que la pensée écologique se bat en général contre l’obsolescence programmée, elle l’accentue en matière de logement.
Ce n’est pas un phénomène nouveau. Des 13,3 millions de logements existants en 1946 il n’en restait plus en 2013 que 9,3 millions, soit 4 millions de moins, les démolitions ayant évolué selon le rythme annuel décrit dans le tableau ci-après[6]. De façon logique, le rythme de démolition et le taux de vacance sont corrélés de façon négative. Ce sont les logements vides qui incitent à la démolition, et de toute façon les logements doivent être vidés avant. La vacance, antichambre de la démolition, écrivait-on à l’époque.

Source : estimations de l’auteur d’après INSEE

La question est devenue aujourd’hui brûlante. En effet depuis 2006 la vacance des logements augmente nettement, d’environ 80 000 par an[7]. Dans de nombreuses villes de taille moyenne, à 100 logements neufs mis sur le marché correspondent 50 logements qui deviennent vacants. La tension de fait entre un rythme moyen annuel de construction autour de 400 000 logements, avec une croissance du nombre de ménages désormais autour de 240 000 par an[8], laisse augurer la persistance de ce phénomène dans les prochaines années. Et c’est une chance, car il permet de substituer progressivement à des immeubles médiocres à tout point de vue, des immeubles neufs à bonne performance énergétique comme environnementale.
Ces logements qui deviennent vacants sont assez bien caractérisés : ce sont des logements construits d’ancienne date, souvent en centre-ville. Ils sont dépourvus de possibilité de stationnement local et situés dans des rues assez étroites. L’évolution des modes de vie comme les exigences des ménages conduisent à ce qu’ils sortent peu à peu du parc de résidences principales. Il faut en prendre acte et en tirer les conséquences. Pourquoi dépenser, ou faire dépenser par les propriétaires, des sommes conséquentes pour moderniser des appartements qui, malgré cela, resteront de qualité médiocre ? Ne vaut-il pas mieux démolir, et reconstruire des logements aux caractéristiques optimales plutôt que de s’épuiser à donner quelques années de sursis à des immeubles condamnés à plus ou moins longue échéance? Les propriétaires, quant à eux, ont bien compris ce nouveau contexte. Ils ne font faire des travaux de modernisation des travaux d’une certaine importance que s’ils débouchent sur une augmentation de la valeur patrimoniale de leur propriété, en combinant le plus souvent, quand c’est possible, rénovation thermique et agrandissement.

Oser démolir

Tous les discours publics actuels reposent sur une hypothèse implicite : tout logement peut être sauvé, moyennant des travaux ad hoc. Mais peut-on à la fois maintenir cette hypothèse, tout en  conservant un rythme élevé de construction neuve et en améliorant de façon continue la qualité globale du parc de logements ? Un effort de lucidité s’impose. Alors comment raisonner ? Bien sûr, une partie de ce parc immobilier sans affection évidente ni présente, ni future, n’est peut-être pas condamnée, par exemple si sa valeur patrimoniale intrinsèque est conséquente – comme dans le cas d’un logement situé en secteur sauvegardé et pouvant bénéficier des avantages fiscaux liés à la loi Malraux.
Mais pour l’essentiel la question se pose rudement, conformément d’ailleurs aux enseignements de l’histoire urbaine[9]. De tout temps les politiques publiques se sont attachées à la disparition des logements posant problème à un titre ou un autre. Le baron Haussmann a fait démolir des îlots moyenâgeux qui favorisaient par exemple, faute d’aération, des épidémies de choléra comme en 1832[10]. La troisième République, avec sa loi de 1902 sur les îlots insalubres, a continué à œuvrer dans la même direction, avec cette fois les foyers de tuberculose en ligne de mire. Et les décrets de décembre 1958 ont mis en place ce que l’on peut appeler une énergique politique de rénovation urbaine, avec d’ambitieux objectifs de démolition. Aujourd’hui la politique de rénovation urbaine mise en place en 2005, après 20 ans de tâtonnements[11], vise d’abord à éliminer des pans entiers de logements sociaux devenus obsolètes, et de fait en cours d’abandon par la population à qui ils étaient destinés. Par ailleurs le slogan officiel bien connu  » Refaire la ville sur la ville » n’est-il pas un appel clair à la démolition au profit d’opérations de densification ?
La politique de rénovation énergétique doit être replacée dans le cadre plus large des politiques de gestion du parc bâti comme du traitement de son obsolescence inéluctable. Quels sont les logements dont on peut, moyennant des travaux ad hoc, prolonger la vie de façon significative tout en respectant les standards actuels de confort comme de qualité énergétique ? Et quels sont ceux qui semblent voués à une dynamique négative ? Il faudrait alors savoir anticiper, et procéder à des restructurations complètes, voire à des démolitions radicales avant que n’apparaissent des processus négatifs, débouchant inéluctablement sur des problèmes d’ordre public, avec in fine de coûteuses dépenses d’intervention.
En considérant l’ensemble des points rapidement évoqués ci-dessus, une évidence s’impose. La vision irénique d’une transition énergétique se déroulant paisiblement, et conformément aux objectifs avancés, avec quelques appuis financiers de la puissance publique, et le désir généralisé d’économiser de l’énergie, n’est qu’un conte pour enfant. Les déclarations de tous ceux qui pensent qu’il suffirait d’augmenter le poids des dépenses publiques pour s’en sortir sont de la même eau. En fait, si la transition énergétique dans le bâtiment se veut une transformation forte, elle ne pourra éviter d’être brutale. On l’a bien vu avec la transition écologique dans les transports qui, taxe carbone aidant, a débouché sur le mouvement des gilets jaunes.
Le processus initié, qui devra être poursuivi et approfondi, aura ses gagnants et ses perdants, par exemple, pour ces derniers, les propriétaires d’appartements médiocres difficilement rénovables dans les centres de villes moyennes, et qui vont être soumis à rude épreuve. Il accélérera la sortie du parc des appartements les moins adaptés aux exigences de confort actuel des ménages, et qui sont d’ordinaire les refuges des populations les moins favorisées. Saura-t-on les reloger de façon correcte, et cohérente avec leurs revenus?
La volonté de transition énergétique dans le parc de logements existant ne saurait donc se limiter à des interventions techniques sectorielles sur le domaine bâti actuel. Elle débouchera forcément sur des processus de rénovation plus complets, voire sur des interventions urbaines plus ou moins rudes. Cette voie est difficile à penser, à concevoir, puis à mettre en place comme à gérer.
Les générations qui nous précèdent ont su, quand cela s’imposait, le faire. Alors pourquoi pas nous ?

Olivier Piron
Avril 2020


[1] Palulos: acronyme pour Prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale

[2] la loi 2015-992 du 17 Août 2015  » relative à la transition énergétique pour une croissance verte » de 2015.

[3] CLER, Réseau pour la transition énergétique : dossier de presse du 26 avril 2019.

[4] article premier de la loi Grenelle II de Juillet 2010, et modifiant l’article L.. 119 du code de la construction et de l’habitation.

[5] En particulier la célèbre norme NF C 15-100 relative aux installations électriques, et dont la définition est de fait remise entre les mains des installateurs.

[6]Estimations de l’auteur d’après des documents, rendus publics ou non, de l’INSEE. Il serait souhaitable que ce travail soit repris de façon mieux documentée, et débouche sur des résultats rendus publics.

[7] Cf. INSEE Première n°1700, Juin 2018, et qui constatait et mesurait l’augmentation de la vacance résidentielle.

[8] chiffre avancé pour ces 5 dernières années in INSEE focus n°138 Juillet 2018. Sa diminution pour les années suivantes est probable.

[9] Pour un historique des politiques de rénovations urbaines, et donc de démolition, voir « Rénovation et renouvellement urbains« , O. Piron in politiquedulogment.com, 2015

[10] Celle-ci, qui avait emporté un Premier ministre, a conduit à réfléchir à un urbanisme aéré, et donc à définir le désormais fameux H=L, qu’Haussmann mit à l’œuvre avec une énergie certaine, et qui donne aujourd’hui son caractère à l’urbanisme parisien.

[11] « La démolition des logements sociaux. Histoire d’une non-décision », A. Berland-Berthon, Certu, 2009

Auteur/autrice

  • Olivier Piron

    Olivier Piron, aujourd'hui inspecteur général à la retraite, a fait l'essentiel de sa carrière au ministère de l'Equipement, en administration centrale comme sur le terrain, en s'occupant de logement, d'aménagement et de protection de la nature. Il a été pendant 10 ans secrétaire permanent du Plan Construction et Architecture, puis de l'actuel PUCA (Plan Urbanisme, Construction et Architecture). Indépendamment de nombreux articles publiés notamment dans Etudes Foncières, puis dans la revue Foncière, il a publié deux livres: "Le renouvellement urbain". Analyse systémique PUCA-CERTU, 2002 "L’urbanisme de la vie privée" Editions de 'l'Aube , 2014

8 réflexions sur “Parc ancien : la rénovation énergétique n’est pas la panacée

  • 15 avril 2020 à 22:01
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    C’est tellement mieux quand c’est écrit, mais serait-ce encore lisible ? , Depuis une dizaine d’années le discours et les politiques publiques se sont construits dans l’ignorance de la spécificité du bâti existant ou ancien et du marché de l’existant. Merci Olivier de retenter de replacer l’habitat dans l’urbanisme et la rénovation dans la gestion patrimoniale. Xavier Benoist, ancien délégué de la fédération soliha et directeur adjoint de la fédération des pact.

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    • 16 avril 2020 à 14:55
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      bonjour Xavier
      Merci de ton commentaire
      On avait l’habitude d’âtre d’accord, on la conserve
      pour échanger plus avant après confinement
      piron.olivier@dbmail.com
      amitiés
      Olivier Piron

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  • 16 avril 2020 à 14:03
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    Je souscris parfaitement à ce qui est dit dans le 1er paragraphe. Moins dans les suivants.
    Concernant la vacance, il est tout à fait contre-productif de construire un raisonnement sur un hypothétique profil moyen d’un logement vacant. Les causes de vacance sont multiples, selon les dynamiques socio-économiques des territoires, la localisation du bien au sein de ces territoires, et le bâti lui-même. L’obsolescence décrite ici (rues étroites, absence de stationnement) est en effet celle qui se rencontre dans les cœurs des villes moyennes peu dynamiques (la cible des AMI centre-bourgs, ORT, Action Cœur de Ville…). Mais une telle analyse ne tient pas la route dans les métropoles dynamiques. Il ne faudrait surtout pas omettre d’inclureLa vision irénique d’une transition énergétique se déroulant paisiblement, et conformément aux objectifs avancés, avec quelques appuis financiers de la puissance publique, et le désir généralisé d’économiser de l’énergie, n’est qu’un conte pour enfant. dans les causes l’irrationalité des acteurs économiques, avec des biens mis sur le marché avec des prix totalement surestimés, et ne trouvent donc pas preneur. Il est va de même pour l’appréciation des rapports locatifs bailleur-locataire, souvent estimée très mauvaise par de nombreux propriétaires, qui refusent par suite de mettre leur bien en location.
    Vous prenez ensuite le parti de la rénovation urbaine, vous appuyant sur les exemples d’un (glorieux) passé. Ce serait omettre que la qualité de construction et des matériaux s’est considérablement détériorée entre l’époque pré-1945 et la nôtre. Les constructions actuelles sont faites pour durer 50 ans (ce n’est pas moi qui le dit, mais les constructeurs eux-mêmes). Ces logements, construits selon les normes RT successives, sont par ailleurs dimensionnés thermiquement pour le confort d’hiver, et ainsi éviter les consommation d’énergie de chauffage. Ces normes n’ont absolument pas été pensées pour le confort d’été, et l’augmentation des épisodes caniculaires rendra ces logements neufs obsolètes bien avant les logements dits « anciens ».
    Par ailleurs, d’un point de vue écologique, l’emprunte carbone de la construction neuve est sans commune mesure avec la rénovation du bâti ancien. L’extraction massive des ressources, leur transport ainsi que leur mise en œuvre est en effet particulièrement consommatrice. D’après un rapport de l’ADEME, pour générer le même nombre de logements, 17 fois plus de matériaux sont utilisés en construction neuve par rapport à la rénovation.
    Suivant votre raisonnement, on peut ainsi s’étonner que le prix au m² des appartements des Tours de Beaugrenelle (XVe arrondissement), qui bénéficient de toutes les aménités d’un logement « récent » soit inférieur à celui des quartiers environnants…
    On peut aussi évoquer les effets pervers des différentes politiques publiques d’incitation à la construction neuve, PTZ et autre Scellier. En effet, si les premières générations de logements ont pu se faire grâce à l’argent public, cet apport disparaît à la revente. La mauvaise qualité de construction de nombreux immeubles destinés par les promoteurs à l’investissement locatif, bien documentée, laisse également entrevoir une augmentation de la vacance sur ce type de biens dans les prochaines années. Inutile de préciser que la création de valeur patrimoniale (gentrification…) sur ce type de bien est inenvisageable.
    Enfin, quant à l’application de mesures « radicales », quel que soit le domaine, nos démocraties occidentales n’y sont pas adaptées. La transition énergétique sera paisible ou ne sera pas, en tout cas pas dans une démocratie comme celle que nous connaissons actuellement (en application directe du 2nd principe de la thermodynamique à un système politique). Vous l’avez rappelé concernant les gilets jaunes. Les plans ANRU ont fait preuve de radicalité, mais à coups de milliards, et en s’attaquant relativement peu à des propriétaires privés. Les « propriétaires d’appartements médiocres difficilement rénovables dans les centres de villes moyennes » que vous évoquez font d’ores-et-déjà face à des produits bien plus concurrentiels en périphérie, depuis au moins 10 ans. Cela les a-t-il incité à rénover ? Rarement. A vendre (à sa « vraie » valeur) ? Rarement aussi.

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  • 16 avril 2020 à 15:09
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    merci de votre longue analyse. Je ne pense, ni que les logements anciens soient tous voués à la casse, ni que tous les logement récents soient tous de bonne qualité.
    Mais clairement un certain nombre de logements anciens ne trouvent plus preneurs. Et on est bien au delà de la vacance dite frictionnelle, de part la rigidité ou la frilosité des bailleurs privés. IL y a là un problème à traiter, et qu’on ne peut plus indéfiniment éluder.
    J’ai suivi de près le problème de la démolition HLM. Quand, après deux Palulos de fait ratées, on se préparait à en préparer une troisième,il y avait là quelque chose qui ne marchait pas. Et il a fallu changer son fusil d’épaule. Là je dis la même chose: cette explosion de la vacance montre que quelque chose a changé, et on ne peut en rester à la réitération paresseuse des politiques déjà en place depuis plus de 10 ans….

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    • 19 avril 2020 à 00:45
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      Cette question de la vacance, en particulier dans les centres anciens des pôles ruraux, est la quadrature du cercle. Ces produits immobiliers ne répondent à quasiment aucune demande (où, lorsque c’est le cas, contribuent à la paupérisation des centres anciens). Ils sont économiquement non concurrentiels avec les logements individuels neufs en périphérie, qui sont « proches » des centres-bourgs en temps de transport. Et la maison individuelle répond au désir d’une large majorité des français.
      Mais si on ne peut nier l’obsolescence d’une partie du bâti ancien, on ne peut mettre de côté la nécessité de conserver l’identité architecturale des territoires, ce qui fait leur spécificité, et d’autre part la nécessité de limiter la consommation foncière. Un article était paru dans la revue foncière il y a quelques temps, mettant en avant l’impossibilité d’équilibrer financièrement des opérations denses en dehors des grandes métropoles. Si l’on détruit certains logements obsolètes (en milieu souvent dense), que peut-on y construire à la place ? S’agira-t-il uniquement de dé-densifier ? C’est une perspective qui semble être de plus en plus partagée. Mais est-ce souhaitable si l’on veut tenir l’objectif de Zéro Artificialisation Nette ?

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  • 22 avril 2020 à 10:41
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    Dans le diagnostic de ce problème, n’y a-t-il pas aussi à questionner la capacité :

    – des toutes petites copropriétés (de moins de 5 logements bien souvent) du parc ancien de petits immeubles situés dans les parties les plus anciennes des bourgs et villes, à s’entendre, à formaliser leur décision d’assemblée générale, et à entretenir leur patrimoine ?
    Beaucoup n’établissent pas (ou plus) formellement leurs documents et leurs engagements, ne connaissent pas leurs obligations, ou n’ont pas de trésorerie.

    – de la justice à prononcer les divorces ou les arbitrages des conflits de succession ou les peines contre les marchands de sommeil qui ralentissent beaucoup les ventes ? Certains logements peuvent rester vacants des (dizaines d’) années faute de décisions de justice demandées ou prononcées. Certains locataires ont peur de perdre leur abri s’ils dénoncent l’insalubrité de leur logement.

    – des élus locaux et de l’Etat à financer des postes d’inspecteur d’hygiène et de salubrité et les difficultés à les recruter.

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  • 22 juin 2020 à 11:07
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    Bonjour M. Piron,
    merci pour cette réflexion. Avez-vous en tête des critères précis ou une esquisse de grille d’analyse opérationnelle, qui permettrait d’identifier des typologies, d’estimer combien de logements cela pourrait représenter à l’échelle nationale ou d’amorcer des politiques publiques sur ce thème ?

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  • 6 octobre 2020 à 12:22
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    Bonjour,
    Étant un acteur de la construction de maison en bois depuis 20ans, je me suis interrogé sur l’impact et le rôle de l’habitat. Pour ma part, je partage cette vision. Mais nous devons définir un outil pour diagnostiquer les habitats et les habitations qui sont et seront cohérents. Quels seraient les critères? Afin de réaliser ce travail, il me paraît essentiel de partir du rôle de l’habitat. Comment peut-on continuer de rénover ou de construire des habitats qui sont ou qui seront dans l’incapacité de répondre à leurs fonctions premières? Qui est de garantir les moyens et le confort dont nous avons besoin pour le bon déroulement de notre développement et celles de notre famille, le tout avec le minimum d’effort. Or quand je vois le parc immobilier, on est très loin d’avoir créé cette satisfaction. Où du moins de manières artificielles ? Par contre, l’impact physique de nos habitats est bien réel sur nos vies et sur notre planète. Il me semble urgent de sortir de ses statistiques basées sur des moyennes. Nous avons besoin d’une étude détaillée sur les critères qualitatifs fonctionnels de nos habitats. Arrêtons de prendre les maisons maçonnées comme base de calcul sur la consommation de flux matière, même si elles représentent 90% du marché. Arrêtons de prendre comme modèle nos habitats-dortoirs dépourvus de fonctionnalité élémentaire pour l’humain. Les différentes crises nous ont montré leur pauvreté à satisfaire nos besoins fondamentaux. Car obligés de rester chez soi, nous avons vu l’ampleur de notre dépendance à la mobilité pour satisfaire nos besoins.
    Il me paraît essentiel de devenir efficient et résilient pour enfin vivre une vraie vie d’abondance. Car même dans mon secteur l’archaïsme est de mise. Mais aujourd’hui nous savons construire des habitations tempérées sans mécanisme et réversibles au prix du marché de construction dite traditionnelle. De plus avec la possibilité d’être réalisé par soi-même sans tomber dans le piège de l’autoconstruction laborieuse et anecdotique. Faire mieux avec moins tel est ma devise.
    Enfin, je m’arrête là, car le sujet est immense. Mais au plaisir de continuer le débat sur ce sujet pour établir un plan d’action.

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