Lotissement

Ce terme désigne le découpage en parcelles destinées à la vente et à la construction d’une propriété de grande surface, qui peut être déjà occupée par une ou plusieurs constructions. À la différence de modes d’urbanisation plus anciens, procédant par acquisition successive de terrains, le lotissement est une opération d’ampleur plus conséquente, véritablement d’urbanisme, visant à une organisation plus rationnelle de l’espace.

Ancienneté du lotissement

La création de villes ou de quartiers ex nihilo est en réalité une pratique ancienne. Dans les villes et dès le XVIe siècle, et notamment à Paris, où la recherche terrain est plus active, le pouvoir royal et l’Eglise ne reculent pas devant la mise en place d’opérations spéculatives en vendant d’anciens hôtels, les divisant en une douzaine de lots, et des terrains tenus en censive par des abbayes.
La création des lotissements est, dans la ville de l’âge classique, une pratique qui ne consiste pas seulement à mettre sur le marché des terrains à construire ; elle intègre également une volonté d’organisation urbaine qui nécessite un travail de conception sur l’espace public, préoccupation très présente dans les grandes opérations de cette époque (Place des Vosges à Paris). L’ordonnancement des façades est en effet une règle imposée par les architectes-voyers aux acquéreurs des lots qui peuvent réaliser, sur le reste de la parcelle, la construction qui leur convient.
Au XIXe siècle, les lotissements ont connu un grand succès sous la forme de « nouveaux villages », établissements pavillonnaires éloignés des centres villes. Ils apparaissent avant 1850, attirant une population parisienne lassée des troubles de la capitale, et se multiplient à la faveur du développement des lignes de chemin de fer.
Le lotissement reste toutefois une pratique de caractère privé, faiblement codifiée. Elle ne le deviendra qu’à la faveur de la première grande loi d’urbanisme, la loi Cornudet, instituant les plans d’aménagement, d’extension et d’embellissement (1919).

Le lotissement comme expression du logement individuel

Le lotissement tend par la suite à désigner un ensemble immobilier bien plus marqué par son caractère d’individualisation, constitutif de sa finalité d’opération de découpage et de distribution de la propriété initiale, que par la dimension collective qui régit le mode d’association de ses lots. Celui-ci les inscrit en effet, de manière sinon harmonieuse du moins cohérente, dans une entité urbanistique réelle tant du point de vue de son insertion environnementale, de sa composition urbaine que du point de vue de son « équipement ».
Pour les acteurs qui ont une visée précisément collective du développement urbain, l’utilisation des termes « nouveau village », puis « cité-jardin » est préférée à celle de lotissement, plus restrictive dans sa portée sémantique. La « cité-jardin » de l’Anglais E. Howard (1898) est précisément une version coopérative du lotissement.
Le Corbusier, de façon non innocente, confond ces cités-jardins, importées dans toute l’Europe, avec les lotissements spéculatifs, et, tout en s’orientant progressivement vers le concept d’ « unité d’habitation de grandeur conforme » (1935), conçu comme « village » ou « commune verticale », avancera assez rapidement (1925) l’idée du « lotissement vertical » ou « immeuble villa », alternative rationnelle du lotissement classique, dispendieux en réseaux.
Ce sont précisément ces « réseaux », ces équipements distribuant l’eau potable et l’électricité, qui font défaut aux parcelles des lotissements spéculatifs des années Trente, acquises par ceux qu’on appellera les « mal lotis ». En 1927 une en­quête dé­nom­brait 185 000 lots « dé­fec­tueux », sans adduction d’eau po­table, ni é­lec­tri­ci­té, ni égouts. La loi du Mi­nistre de l’In­té­rieur Sar­raut, en 1928, tentera de re­mé­dier à ce pro­blème sans grand succès.

La dévaluation contemporaine du lotissement et ses potentialités urbaines

Au lendemain de la guerre, la dénonciation de l’ « anarchie pavillonnaire » et le manque cruel de logement aideront à établir l’hégémonie du collectif en dépit d’une préférence contraire des Français. Cette dernière contribuera au retour du pavillon, à la faveur de l’augmentation du niveau de vie, de l’apparition d’un deuxième salaire lié à l’accès au travail des femmes et d’une mobilité accrue. Les expositions « Villaexpo » de 1967 en témoignent, et la politique du Ministre Chalandon le confirme. Il en encourage l’industrialisation et préconise la procédure de ZAC, issue de la loi foncière de 1967, permettant d’associer une grande diversité de partenaires publics et privés.
L’attrait du pavillon a ainsi favorisé, depuis les années 75, la multiplication des lotissements, participant à cette rurbanisation, puis à cette péri-urbanisation, qui contribuent à l’étalement de la ville. Ces lotissements sont souvent qualifiés de « nouveaux villages », mais bien qu’il existe des lotissements de standing, (qui se démarquent de la production courante en adoptant les noms de « Domaine » ou de « Clos »….), le terme de « lotissement » désigne aujourd’hui un type de production urbaine relativement dévalué, perçu comme le « bas de gamme » du logement individuel.
Comme forme organisée d’urbanisation résidentielle, certains architectes comme G. Bauer et S. Renaudie, considèrent pourtant que le lotissement, bien pensé, peut à la fois répondre à la préférence des habitants et contribuer à l’économie d’urbanisation indispensable au développement durable.

Daniel Pinson
Mars 2015

→ aménagement (ZAC)

Auteur/autrice