Chambre de bonne

Victimes de la nouvelle hiérarchie sociale inventée, au XIXème siècle, par la bourgeoisie, les domestiques de la « Belle Epoque » ne font plus partie des familles qui les emploient : ils ne logent donc pas à l’étage de leurs maîtres. On les cantonne au sixième étage dans de petites pièces, presque toujours éclairées seulement par une « tabatière ». Leur mobilier se compose généralement d’un lit de fer, d’un broc, d’une cuvette et d’une table. Dans le couloir desservant ces chambrettes, les installations d’hygiène se limitent à un robinet et à un cabinet d’aisances.
A l’exposition du Congrès de la Tuberculose, tenu à Paris en 1906, on présentait côte à côte les reproductions fidèles d’une chambre de domestique du quartier de Champs-Élysées et d’une cellule de la prison de Fresnes. Celle-ci était habitable, l’autre non. Tous les observateurs sociaux, dès le Second Empire, dénoncent les maîtres qui s’échinent dans l’ascension des montagnes d’Europe et n’ont jamais songé à entreprendre celle de leur sixième étage. Monseigneur Amette, cardinal-archevêque de Paris, consacrera son mandement du Carême 1913 à la question, tandis que le professeur Brouardel, de l’Académie de Médecine, évoque le spectre de la tuberculose qui descend du sixième sur les berceaux les mieux protégés.
Malgré la haute qualité de ces interventions, rien ne changera au sujet du logement réservé au personnel domestique, au moins jusqu’aux lendemains de la Seconde guerre mondiale. Mais l’arrivée des « bonnes » espagnoles et portugaises allait complètement changer la situation des gens de maison : ils obtiendront d’être traités avec le respect dû à de vrais techniciens.
La disparition progressive du personnel domestique logé a modifié, à partir des années soixante-dix, le rôle joué par les chambres de bonnes, devenues majoritairement des logements de jeunes célibataires, souvent étudiants, disposant de peu de moyens. Dans d’autres cas, les propriétaires de ces chambres ont entrepris de les regrouper pour créer de petits appartements dotés du confort sanitaire élémentaire. L’apparition de la notion de logement décent dans la loi solidarité et renouvellement urbains de décembre 2000, en imposant notamment la présence de points d’eau et de coins cuisines, devrait accélérer ce mouvement de disparition des chambres de bonnes.

Roger-Henri Guerrand
2003

Auteur/autrice