Les servitudes administratives se distinguent nettement des servitudes de droit privé. Contrairement à ces dernières qui intéressent le droit des biens, les servitudes administratives, dont le nombre va croissant, représentent un accessoire, un moyen nécessaire à la mise en œuvre d’une politique publique.
Elles se comptent aujourd’hui par centaines et ne s’analysent vraiment qu’au travers de la réglementation les instituant.
Définition et fondement
Doctrine civiliste et administrative définissent les servitudes administratives comme des charges imposées à la propriété privée, ce qui renseigne assez peu sur leur contenu véritable.
Tout en relevant du droit administratif, ces charges ont la particularité de trouver leur origine à l’article 650 alinéa 2 du Code civil. La disposition renvoie à la loi et aux règlements pour ce qu’elle dénomme les servitudes établies pour l’utilité publique et communale.
On parle indistinctement de servitudes d’utilité publique, administratives, publiques ou de droit public, même si les deux premières dénominations sont les plus courantes.
Ces servitudes naissent toujours d’une loi, en vertu de l’article 34 de la constitution de 1958, puisqu’elles touchent au régime de la propriété. Cette origine légale les empêche de pouvoir être acquises par le jeu de l’usucapion.
L’une des principales caractéristiques des servitudes publiques, en comparaison des servitudes de droit privé, tient à l’absence de l’obligation d’un fonds servant et d’un fonds dominant. Certaines servitudes d’utilité publique répondent à ce schéma, le fonds servant étant alors la propriété privée et le fonds dominant le domaine public. Toutefois, une servitude publique peut aussi être instituée en dehors de la domanialité, et c’est même majoritairement le cas. Elle trouvera alors sa cause seulement dans l’intérêt général, exemple : le transport aérien pour l’interdiction de construction à proximité des aéroports, la distribution de l’énergie pour le passage de canalisations, la défense nationale, etc.
Conditions
L’intérêt général est une condition nécessaire, essentielle à l’instauration la servitude, mais pas suffisante. En vertu de la théorie du bilan, le Conseil d’État exige en parallèle que l’avantage procuré par la charge soit supérieur au coût représenté par l’atteinte portée à la propriété privée.
À ces deux conditions : utilité publique et bilan positif, vient s’en ajouter une troisième : une procédure d’information ou de publicité. En effet, pour instituer une servitude administrative, les propriétaires qui auront à supporter cette charge doivent pouvoir faire valoir leur avis de façon à écarter tout risque d’arbitraire.
La limitation, certains auteurs parlent également de restrictions ou modifications, subie par la propriété privée peut ouvrir droit à une indemnité, mais il s’agit seulement d’une possibilité. En complément ou à la place de l’indemnité, le législateur peut prévoir un droit au délaissement lorsque la gêne causée s’avère particulièrement forte. Cette faculté permet au propriétaire de provoquer l’achat de la partie de son fonds touchée par la servitude.
Classification
De nombreux critères existent pour classer les servitudes d’utilité publique : leur durée, leur domaine d’intervention, la dimension domaniale ou non, etc.
Néanmoins, si l’on se place dans une perspective d’habitat, le classement le plus pertinent est celui distinguant entre les servitudes d’urbanisme et les autres servitudes publiques affectant l’usage du sol. Les premières trouvent leur origine dans le code de l’urbanisme ou un document d’urbanisme (ex : PLU). La création des secondes s’effectue au travers d’une autre législation spéciale, par exemple le code des transports pour les servitudes liées au développement du transport urbain par câbles en milieu urbain.
Concrètement, dans les deux cas le propriétaire supportera une atteinte à son droit de propriété semblable, restreignant par exemple son droit de construire. C’est pourquoi, afin de garantir un niveau d’information équivalent au propriétaire quelle que soit la source légale de la charge, les servitudes trouvant leur origine dans une législation spéciale figurent dans une annexe du code de l’urbanisme et doivent être intégrées au PLU.
Autre différence essentielle, les servitudes d’urbanisme n’ouvrent pas en principe droit à indemnisation, alors que ce principe s’inverse pour la catégorie des servitudes publiques affectant l’usage du sol.
Distinction servitudes d’utilité publique, procédure d’expropriation
Les servitudes d’utilité publique portent atteinte aux droits du propriétaire et limitent par conséquent les prérogatives de celui-ci. Néanmoins, la propriété de la chose lui reste acquise. En revanche, dans l’hypothèse d’une expropriation, le propriétaire perd la propriété de son bien.
En théorie, les deux procédures ne se confondent pas ; seule l’expropriation se traduira par un transfert de propriété d’une personne à une autre. Toutefois, en pratique certaines servitudes, par l’intensité de l’atteinte au droit de propriété qu’elles génèrent, vont se traduire par une privation de propriété. Le Conseil constitutionnel veille au respect de la distinction entre la servitude, synonyme seulement de l’assujettissement du fonds, et l’expropriation emportant une perte de propriété. Le contrôle constitutionnel s’opère sur le fondement des articles 2 surtout 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 prévoyant pour toute privation de propriété, une juste et préalable indemnité.
Juger le niveau de l’atteinte provoquée par la servitude s’avère parfois difficile. La théorie de la propriété du sol en volume, en précisant les contours de la propriété foncière, représente un outil intéressant pour apprécier s’il y a ou pas basculement vers une expropriation.
David Richard
Avril 2016