Allemagne : le retour de la crise du logement
Il y a quelques années encore, la question du logement n’était pas un sujet de préoccupation de premier plan en Allemagne. Une étude de l’ANIL[1], publiée en 2006, en dressait un tableau plutôt rassurant : loyers modérés (à peine supérieurs à 6 €/m2 en moyenne) et stables, prix d’achat raisonnables (1800 à 2 500 €/m2 en ex RFA), pratiquement pas de sans-abris visibles. Cette situation avait conduit le gouvernement fédéral à supprimer de facto la catégorie du logement social en appliquant aux logements des anciens bailleurs sociaux les mêmes règles qu’au logement privé : contrat de bail unique et liberté (encadrée de façon assez lâche) de fixation des loyers. De nombreux bailleurs sociaux, notamment les régies municipales, avaient été privatisées et une part importante du parc social avait été vendue à des investisseurs. Le logement privé conventionné, aux loyers plafonnés, était en voie d’extinction et les rapports entre bailleurs et locataires apaisés.
En matière de politique du logement, les compétences avaient largement été transférées aux Länder et aux municipalités, l’Etat fédéral n’intervenant plus guère que pour fixer les règles et pour financer une part des aides personnelles.
Ce désengagement est intervenu dans une période où, après l’effort consécutif à la réunification, les besoins en logement semblaient largement satisfaits, et dans un contexte de croissance démographique ralentie, les projections anticipant même une baisse du nombre de ménages à partir de 2020.
Mais aujourd’hui, les perspectives sont tout autres. Le retour de la croissance et les guerres du Moyen-Orient entraînent une inversion brutale du solde migratoire et donc des besoins en logements qui n’avaient pas été anticipés. Si dans certaines régions, notamment dans les Länder de l’Est à l’exception de Berlin, l’excès d’offre l’emporte encore, les autres métropoles sont désormais en proie à une pénurie et la question du logement devient médiatique. La lecture de la presse révèle le malaise actuel et les implications politiques qui pourraient en découler.
Les informations qui suivent sont extraites de différents articles des mois d’avril et mai 2016 du Spiegel et du site de die Welt[2], tout particulièrement un article de 9 pages très complet sur la crise (« Mal logement/ des besoins énormes, une offre misérable : le combat pour un logement abordable »). Il s’agit, certes, d’organes grand public qui, dans certains cas, peuvent mettre en exergue des situations individuelles qui ne sont pas forcément représentatives. Les articles en question, quoique bien documentés, ne sont pas assimilables à des études parfaitement objectives, mais ils ont le mérite de refléter des préoccupations nouvelles auxquelles il nous semblé justifié de faire écho.
Tension du marché locatif
L’Allemagne étant un pays de tradition locative, c’est la hausse des loyers qui est perçue comme un problème et non pas la hausse des prix d’acquisition, peu ou pas mentionnée. De fait, l’augmentation a été rapide au cours des dernières années, notamment dans les grandes villes, après une longue période de relative stabilité.
Les loyers progressent beaucoup plus vite que les prix à la consommation dans les métropoles, et la hausse devrait se poursuivre : ainsi, selon le bureau d’études Empirica, la hausse à Munich a été de 7,4% en 2015 et est attendue à 9% cette année. D’où la difficulté croissante des salariés, notamment les fonctionnaires (policiers, enseignants, soignants.. ) à se loger dans les quartiers centraux ; le fait d’être contraint d’habiter en périphérie est considéré comme une atteinte au modèle social allemand : ainsi le Spiegel cite l’exemple d’un jeune fonctionnaire muté à Munich qui a dû accepter de payer un loyer charges comprises de l’ordre de 900 € pour un appartement de 55m² à 50 km de Munich, alors que sa rémunération mensuelle nette est de 1 600 € et qu’il ne bénéficie que de 35 € d’aide. Il s’agit probablement d’un cas extrême utilisé par le journaliste du Spiegel comme accroche à son article.
Plus intéressante est la suite : d’après le Spiegel, un couple gagne en moyenne 2 700 € nets par mois ; un taux d’effort maximum d’un tiers, soit 900 € charges comprises, lui permet de payer un loyer hors charges de 700 €. A Munich, toujours selon le Spiegel, un seul un appartement présenté à ce prix sur le portail internet Immobilienscout avait une surface supérieure à 40 m². Cependant, une consultation du site au 15 avril donne à Munich 11 biens de 45 m² et 3 jusqu’à 60 m², à Hambourg 178 de plus de 60 m², 18 de plus de 80 m². Ce constat conduit à considérer avec un certaine prudence les exemples donnés par la presse. Il n’en demeure pas moins que la tension du marché est de plus en plus vive, notamment à Munich, la ville la plus chère d’Allemagne, sur les segments du marché les plus recherchés : situation centrale, 3 pièces cuisine et bains avec un plan correct et balcon. De tels logements sont largement au-dessus des possibilités des salariés de la classe moyenne, c’est ce qui conduit un nombre croissant d’analystes à parler de crise.
Selon le Spiegel, qui se réfère au site Immobilienscout24, le nombre de demandes pour une offre d’un logement standard est de plus de 70 à Munich et Stuttgart de 50 à Cologne, entre 40 et 50 à Fribourg, Karlsruhe, Hanovre, de 20 à 40 à Berlin, Hambourg, Mannheim, Francfort, Mayence, Bonn, Münster, Nuremberg, mais seulement de 2 à 3 à Leipzig, Magdebourg, Dresde. Si ces chiffres sont exacts, le terme de crise est effectivement approprié dans les villes les plus chères.
Evidemment, sur de tels marchés, les nouveaux locataires doivent abaisser leurs prétentions, et les ménages solvables entrent en concurrence avec les ménages en difficulté pour louer des logements souvent médiocres et parfois insalubres. En conséquence, le nombre des sans-abris a augmenté d’un cinquième en un an, pour atteindre plus de 330 000. Or il ne s’agit pas exclusivement de personnes désocialisées, souvent ce sont des gens intégrés dont les ressources sont insuffisantes pour leur permettre d’accéder à un logement privé et qui relèveraient du logement social, mais le bureau du logement n’a rien à leur offrir.
Ces difficultés, mêlées à la question du logement des immigrés, sont source de polémiques. Ainsi, la question « pourquoi Hambourg construit-il soudain des ‘’logements-express’’ pour les réfugiés, alors que je suis depuis trois ans à la rue ?», est souvent posée. Au niveau fédéral, le débat politique est lancé. Sigmar Gabriel, président du SPD et vice-chancelier, réclame un projet solidaire pour la population allemande. Il se fait l’écho de ces citoyens, clientèle classique du SPD, qui parlent volontiers d’eux-mêmes comme de petites gens et ont l’impression que tout est fait pour les réfugiés, mais rien pour les autochtones, qu’ils arrivent trop tard, qu’ils sont les perdants. Avec ce mélange de peur, de jalousie et de colère ils deviennent la proie facile du parti d’extrême droite, l’AFD. Or la crise du logement postérieure à la chute du mur de Berlin a montré que la priorité donnée aux 1,1 million de migrants[4] et demandeurs d’asile était exploitée par l’extrême droite et affaiblissait les institutions.
D’autant que l’Allemagne est aussi confrontée aux habituelles contradictions de la politique du logement social. Ainsi, le Spiegel décrit la régression sociale d’un retraité berlinois ancien conducteur de tramway[5], qui suite à la rénovation de son deux-pièces de 50 m2, a vu le loyer hors charges augmenter de 204 € à 313 €, et qui, avec sa retraite de 818 €, doit désormais avoir recours à l’aide alimentaire.
Baisse de la mobilité résidentielle
Outre les difficultés financières qu’elle engendre pour les locataires, la hausse des loyers a aussi un effet collatéral. Qui souhaite déménager trouve difficilement un logement à un prix supportable et est souvent contraint d’y renoncer, même si le désir de mobilité est motivé par l’agrandissement de la famille ou par un changement d’emploi. Les économistes appellent cela l’effet blocage.
De fait, la mobilité résidentielle se réduit. En 2015, 9% des locataires de toute l’Allemagne ont déménagé, contre 13% en 2007. Die Welt montre que là où les prix ont particulièrement progressé, la mobilité résidentielle a particulièrement reculé. A Berlin, Le taux de rotation est passé de 12,9% en 2007 à 7% aujourd’hui, l’un des plus bas d’Allemagne. Les Berlinois ne sont pas devenus sédentaires par choix, mais simplement parce que « la plupart des ménages ne peuvent pas supporter » le nouveau loyer moyen de 8,10 €/m², produit d’une hausse de 47%. Un jugement qui peut étonner un lecteur français, car ces niveaux de loyer ne paraissent pas exorbitants par rapport à ceux des grandes villes françaises. Il est vrai que la comparaison devrait tenir compte des aides personnelles, et de l’effet psychologique (et déstabilisant pour certains) d’une hausse brutale, même appliquée à des loyers bas. Quoi qu’il en soit, à Munich le taux de rotation est tombé à 7,7% et à Hambourg à 7,8%. La situation est semblable à Francfort et à Stuttgart.
Cette règle générale souffre des exceptions. Par exemple, dans les villes où les étudiants sont nombreux, le taux de rotation reste élevé, au prix peut-être d’une diminution de surface lors d’un déménagement. Malgré un loyer au m² plus élevé dans les petits logements, le coût total reste faible. A l’inverse, autour de Brème le taux de rotation est tombé à 5%, bien que, malgré la hausse de 21%, les loyers moyens restent bas (6,83 € par m²) et le niveau de vacance élevé (3%).
L’effet du blocage est multiple : pour les jeunes, notamment les nombreux arrivants et les familles après une naissance, les petits logements avec des nouveaux loyers sont souvent plus chers que des grands logements avec des anciens contrats ; pour les couples âgés qui sont immobilisés dans leur logement trop grand.
Cela gêne la mobilité des actifs à une époque où un haut niveau de flexibilité est demandé, et où il est particulièrement difficile de trouver sur place un nouveau poste. C’est pourquoi les entreprises doivent s’occuper du logement de leur collaborateur mais aussi relever les salaires.
En outre, les déplacements domicile-travail s’allongent, d’où un coût de renforcement des infrastructures.
Or beaucoup de locataires souhaitent déménager : selon un sondage d’Immowelt, 26% des locataires sont mécontents de leur logement et déménageraient volontiers. Environ 22% souhaitent un plus grand logement et 13% sont mécontents de la localisation.
« La société urbaine se clive et c’est du jamais vu », écrit le Spiegel. Les bailleurs s’enrichissent en dormant, simplement parce que les loyers augmentent sans travaux quand les biens sont localisés dans les villes actives. Or, pour le moment, les demandeurs d’asile ne sont pas encore sur le marché : ainsi à Stuttgart 4 000 ménages sont sur liste d’attente d’un logement social et ce nombre va croître, puisque la ville va accueillir environ 8 000 réfugiés, dont la moitié devrait s’installer durablement.
Désengagement de l’Etat fédéral et des collectivités locales
L’histoire de la construction en Allemagne explique la situation actuelle. A la fin de la première guerre mondiale, l’Allemagne a été confrontée à une crise du logement, elle l’a traitée. Dans les années 1920, jusqu’à 90% des nouveaux logements dépendaient de l’initiative publique. Après la seconde guerre mondiale ces logements étaient toujours en bon état. En RFA, l’Etat fédéral et les Länder y ajoutèrent 9 millions de logements sociaux durant la seconde moitié du 20ème siècle, sans compter ceux réalisés avant 1990 en RDA, pour lesquels nous ne disposons d’aucune statistique.
Au milieu des années 1970, la crise du logement a enfin été considérée comme réglée et l’engagement public a reculé. Circonstance aggravante, il y a eu discrédit du logement d’utilité publique à la suite de la perte d’environ 800 millions de marks de Neue Heimat[6] en 1982. Il s’en est suivi une banalisation des logements sociaux, avec la suppression du statut d’utilité publique, puis une vague de privatisation. La plupart des communes se sont séparées de leur patrimoine immobilier, pour trouver des liquidités et rembourser leurs dettes. La plus grande part des logements ont été acquis par des firmes multinationales et des groupes cotés qui s’intéressent plus au rendement qu’à la satisfaction des besoins en logement. Aujourd’hui il ne resterait plus que 1,5 million de logements « sociaux » en Allemagne[7].
L’implication des pouvoirs publics est restée faible durant des années. Dominait alors la conviction que la question du logement était réglée et que le secteur social n’avait plus lieu d’être. On était aussi convaincu que le nombre d’habitants allait baisser. L’Etat fédéral a mis fin en 2006 aux aides à la construction et a transféré la compétence logement aux Länder. Il leur versait en compensation 500 millions d’euros par an, mais ces sommes n’étaient pas obligatoirement consacrées au logement.
L’idée dominante était que chaque nouvelle construction, même luxueuse, contribuait par mutations successives à la production d’une offre sociale de logement. Mais en pratique ce mécanisme d’effet de chaîne fonctionne médiocrement d’après Tilman Harlander, professeur de sociologie à l’Université de Stuttgart. Rappelons qu’en France le même argument a été utilisé pour justifier le financement de logements sociaux et l’aide à l’accession à la propriété.
Vers un renouveau de l’engagement public ?
Tilman Harlander estime nécessaire un renforcement de l’engagement de l’Etat dans la politique du logement. Pour lui, le logement n’est pas une marchandise quelconque, mais un besoin élémentaire. La construction de logements ne peut être laissée au libre marché, l’Etat doit intervenir pour maintenir la mixité sociale, avec une attention particulière portée au logement de la classe moyenne. Cette position, pendant longtemps marginale, ne l’est plus et la grande coalition a introduit la politique du logement dans son contrat, peut-être par conviction, mais d’abord par nécessité. Le flux des migrants, et les difficultés visibles, mettent le gouvernement sous pression.
Selon le Spiegel, la construction augmente uniquement parce que les Allemands sont inquiets pour leur épargne et cherchent à la placer. En 2015, environ 265 000 logements ont été achevés, soit deux tiers de plus qu’en 2010. C’est très insuffisant pour répondre aux besoins : l’objectif des experts serait de 350 000 à 400 000. Il manquerait donc chaque année 100 000 logements supplémentaires. En outre ces logements sont construits dans les petites villes plutôt que dans les métropoles, et sont trop chers : ce sont majoritairement des biens de standing élevé, loués à partir de 11 ou 12 €/m².
Or aujourd’hui l’argent public ne coule plus aussi abondamment que du temps de la reconstruction de l’Est. Le gouvernement a porté à 1 milliard d’euros le financement alloué aux Länder pour la construction sociale, il cherche à séduire les investisseurs avec une réforme généreuse de la fiscalité, et il renonce à obtenir le plus haut prix pour la cession des terrains appartenant à l’Etat fédéral. Il existe donc de nouveau « une politique fédérale du logement », mais le journal s’interroge sur l’efficacité des instruments mis en œuvre.
Ainsi de l’encadrement des loyers mis en œuvre l’été dernier dans 300 villes. Les propriétaires ne peuvent louer un logement neuf que 10% au-dessus de la valeur locale des loyers comparables, cette décision semble forte mais est en fait peu efficace : d’une part le miroir des loyers, base d’observation des loyers pratiqués, n’existe pas partout, et là où il existe ses résultats sont parfois contestés devant les tribunaux, notamment du fait d’une méthode de calcul jugée insuffisamment scientifique.
Par ailleurs, l’idée berlinoise de calculer les loyers de référence non pas sur les quatre années précédentes, mais sur 10 ans peut sembler judicieuse pour aplanir les effets de bulle, mais cela revient à geler les loyers de façon factice, avec le risque de décourager les propriétaires.[8]
Le Spiegel pointe les contradictions de la politique allemande du logement, relevant que si l’Etat fédéral attire les propriétaires par des milliards de subventions, les Länder pénalisent les investisseurs en augmentant l’impôt foncier de près de deux milliards en 2015 : « Les uns appuient sur l’accélérateur, les autres sur le frein, et personne n’avance ».
Des normes trop coûteuses
La construction est jugée trop chère et le retour sur investissement trop lent, notamment à cause du renforcement des normes. On retrouve ici des critiques bien connues en France, qui peuvent se résumer comme suit.
Le coût en collectif s’est accru entre 2000 et 2014 de 2209 € à 3080 € par m², mais le durcissement règlementaire – protection incendie et acoustique, efficacité énergétique et sécurité contre les intempéries – en explique 426 €. Tout particulièrement, les règles visant à l’économie d’énergie (EnEv) poussent à l’inflation des coûts : la version 2016 les augmente de 8%, pour un bénéfice à peine mesurable : une baisse de 0,02% des émissions de CO² !
La réglementation entre dans les moindres détails mais ne peut être discutée puisqu’elle se justifie par le Bien : plus de protection, plus d’efficacité énergétique, plus d’accessibilité aux handicapés, qui peut être contre même si l’on sait que c’est contreproductif ? Le fédéralisme allemand en rajoute car chaque land détermine ses propres règles.
Dans le futur un tiers des nouvelles constructions de Berlin devront être accessibles aux handicapés, en 2020 ce sera même la moitié. Les logements seront plus chers alors que les exigences règlementaires devraient être fixées pour permettre un loyer abordable.
Règlementation signifie contrôle, mais les administrations compétentes sont débordées, d’où la délégation à l’extérieur et la multiplication des cabinets d’ingénieurs experts : expert en protection incendie, vérificateurs, conseil en énergie, coordinateur sécurité et hygiène, analyste de risques.
Cependant le plus souvent la charge foncière reste le problème, quand elle atteint le quart du prix. De riches propriétaires spéculent sur la rente foncière. Entre 2009 et 2014 le prix du foncier constructible à Berlin a augmenté de 92%. A Stuttgart le prix à 1125 /m² a plus que doublé, plus 85% à Munich à1728, le plus haut prix d’Allemagne,
Munich, ville la plus chère d’Allemagne
A Munich, la population croit constamment, la densité est de 49h/ha, contre 39 à Berlin et 23 à Hambourg. De grands groupes comme BMW, Siemens, ou Allianz y sont établis, attirant des cadres supérieurs qui peuvent payer de hauts loyers. Pour les autres, le budget est trop serré pour vivre en ville.
La collectivité a une politique de construction très active pour tenter de maintenir en ville la classe moyenne. Depuis plus de 20 ans elle a développé son modèle de planification, « l’utilisation des sols socialement équilibrée » (Sobon). Il conditionne la cession de droit à construire à l’engagement de construire 30% de logements sociaux. Le Sobon a fait école dans de nombreuses villes allemandes. De plus, la ville ne renonce à obtenir le meilleur prix sur son foncier que si l’investisseur s’engage à construire des logements à loyer règlementé sur 60 ans, durant lesquels ils ne peuvent être revendus. Cette politique cherche à promouvoir l’investissement des coopératives, qu’un tel délai ne dissuade pas. En outre les employeurs publics doivent construire pour leurs salariés. Ainsi les entreprises communales, qui détiennent 500 logements, vont en construire autant d’ici à 2022.
La ville joue sur tous les registres : construction, surélévation, densification. Toutes sont menées intensément, et pourtant cela ne suffit pas. Munich est victime de son succès. « Notre planification tourne à haut régime, mais le moteur de la croissance va toujours plus vite. », reconnaît Elisabeth Merk , conseillère communale chargée de l’urbanisme.
Enfin, certains effets sont gênants. Le tiers des logements sociaux doivent trouver un investisseur, et sont donc subventionnés, tandis que les deux tiers sur le marché libre sont renchéris d’autant. Les couches moyennes sont donc exclues : elles gagnent trop pour le logement social et trop peu pour le marché libre.
Ainsi il n’y a pas pour l’instant de solution évidente qui permette de faire face au problème de logement.
Reste la question de l’ampleur réelle de la crise du logement. L’association IVD, qui représente les agents immobiliers, considérait en 2015 que les loyers avaient progressé modérément en 2014 et qu’ils restaient inférieurs aux loyers d’il y a 20 ans. Certes, sa position n’est sans doute pas exempte d’arrière-pensées, puisqu’il s’agissait de montrer l’inutilité de l’encadrement des loyers (Mietbremse). Cependant, ses données différent peu de celles présentées par le Spiegel, c’est le point de vue qui est autre : les grandes métropoles vraiment sous tension ne rassemblent probablement pas beaucoup plus de 10% de la population allemande : ailleurs tout ne va sans doute pas si mal. Bien que les loyers munichois soient loin d’atteindre ceux de Paris, ces contrastes entre zones tendues et reste du pays ne sont pas faits pour nous dépayser.
[1] « Le logement locatif en Allemagne », ANIL, Habitat Actualité, septembre 2006.
[2] Der Spiegel 15/2016, « Die neue Wohnungsnot, » Alexander Jung, Die Welt (WletN24) ; « Millionen Mieter leiden unter Lock-in-Effect », Michael Fabricius – Der Spiegel 16/2016, « Altersrisiko Wohnen, Alexej hock », Horand Knaup
[3] L’interrogation du site n’a pas permis de trouver de données comparables et donc d’en comprendre bien le calcul.
[4] Ces migrants étaient pour la plus large part des réfugiés yougoslaves, des Allemands « ethniques » venant d’Europe de l’Est et d’URSS ayant de droit la nationalité allemande, et ceux venant de RDA et donc citoyens allemands de naissance. Ces derniers ont afflué massivement en RFA après de la chute du mur de Berlin, durant les mois où la RDA a survécu. Contrairement à ce que voudraient faire croire certaines reconstructions historiques, les Allemands ethniques de l’Europe de l’Est n’ont pas toujours été bien reçus, un peu comme les rapatriés d’Afrique du Nord en France, y compris lors de l’après-guerre les Allemands de Prusse orientale, de Silésie et de Poméranie, qui n’étaient pas des Sudètes, mais des citoyens allemands chassés par le déplacement des frontières.
[5] Der Spiegel, 16/2016, « Altersrisiko Wohnen »
[6] Neue Heimat, un groupe immobilier géré par les syndicats, possédait plus de 200 000 logements.
[7] La faillite de Neue Heimat, société de logements contrôlée par les syndicats a conduit à la banalisation du secteur HLM (la loi de 1989 de suppression de l’utilité publique de ces sociétés). Les ex sociétés « HLM », gèrent un peu plus de 6 millions de logements dont, 1,5 millions de logements sociaux sous conventionnement temporaire., ces sociétés au nombre de 3000 sont des sociétés communales, des coopératives locatives, des sociétés dépendants des églises ou des sociétés privés et des fonds d’investissement. (source, Laurent Ghékière, USH,2007) .
[8] Le Spiegel fait sans doute référence à la règle du MieteBremse, (freins des loyers) applicable à Berlin en 2015 et progressivement dans plusieurs centaines de villes allemandes : cette règle limite à 10% au-dessus du loyer miroir au lieu de 20% la hausse de loyer autorisée.