Tous les investissements immobiliers ou presque, qu’ils soient destinés à la location ou à l’accession à la propriété, dans le résidentiel comme dans le non résidentiel, font appel à l’emprunt, soit parce que les ressources disponibles de l’acquéreur sont insuffisantes, soit parce que dernier cherche ainsi à accroître la rentabilité de son investissement (effet de levier financier et fiscal).
De manière schématique, l’analyse du financement de l’immobilier distingue deux volets :
– le marché primaire ou crédits aux particuliers ;
– le marché secondaire ou alimentation financière des crédits.
La titrisation se rattache au second volet. Il s’agit en effet d’une technique financière grâce à laquelle l’établissement de crédit se procure les fonds qu’il prête à l’emprunteur : il transforme les crédits en cours d’amortissement en titres financiers émis sur le marché des capitaux et placés auprès d’investisseurs. Le banquier, lorsqu’il accorde des crédits immobiliers dans ce cas de figure, n’émet pas une dette mais vend des actifs ou plus exactement des titres. Contrairement à d’autres techniques de refinancement, comme les obligations sécurisées qui sont également adossées à des actifs immobiliers, la créance sort du bilan de la banque avec un transfert de risque à l’investisseur. Cette cession dispense le banquier d’immobiliser des fonds propres coûteux pour obéir aux règles prudentielles qui imposent un certain pourcentage de réserves pour les créances conservées dans le bilan. La titrisation se résume donc à l’émission de parts de fonds communs de créances dont la valeur et les qualités reflètent directement celles des créances sous-jacentes.
Une technique apparue aux USA dans les années 1970
La titrisation a été introduite aux Etats Unis pour que les établissements de crédit soient en mesure de répondre à une demande de crédit en forte augmentation de la part des nouvelles générations de candidats à l’accession à la propriété, sans être limités par le niveau de leurs fonds propres. La sophistication des techniques financières a perverti le système en fabriquant des titres hypothécaires à partir d’un découpage des risques interdisant toute traçabilité. A cela s’ajoute le fait que les différentes phases de la vie d’un prêt peuvent être dissociées. Vente, mise en place, gestion et financement peuvent être le fait d’intervenants distincts. Les organismes qui nouent le contact avec le client et déterminent le type de prêt le plus approprié et l’instruisent, les « originators », ne sont pas nécessairement ceux qui assurent sa gestion, les « servicers ». Tout en amont, interviennent fréquemment des courtiers, les « brokers », rémunérés à la commission.
De ce fait, l’investisseur était dans l’incapacité de juger de la qualité des opérations qui servaient de sous-jacents aux titres qu’il achetait. Cette dérive est à l’origine de la crise des subprime de 2008. Pour autant la titrisation n’a pas été abandonnée, mais elle doit obéir à des règles plus strictes.
Quel avenir pour cet la titrisation en France ?
En France, le rôle les banques généralistes est largement prépondérant dans la distribution du crédit à l’habitat. Leurs ressources proviennent en premier lieu de la transformation des dépôts et de la trésorerie de l’épargne-logement. Pour compléter, elles ont principalement recours aux obligations sécurisées pour lever des ressources sur le marché. En revanche, la titrisation reste anecdotique. Cependant le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire préconise son développement. De nouvelles opérations sont en en cours qui tirent les leçons des dérives observées aux Etats-Unis en s’assurant de la traçabilité des opérations financées et en conservant une partie du risque dans le bilan de l’établissement émetteur.
Bernard Coloos et Bernard Vorms
Novembre 2014