Crédit

 

Dans leur grande diversité, les prêts au logement se caractérisent en général par leur montant élevé et leur durée longue, jusqu’à 30 ans pour les personnes physiques et 80 ans pour les bailleurs sociaux. Il existe cependant des crédits de court terme utilisés par les promoteurs pendant la commercialisation et par les acquéreurs en attente de revente ; on parle dans ce cas de crédit-relais.

Les crédits « promoteurs »

Les promoteurs ont peu de fonds propres. Pour réaliser leurs projets, ils constituent des « tours de table » et recourent largement au crédit. Activité jugée à risque, le crédit aux promoteurs est longtemps resté l’apanage de quelques organismes spécialisés. Désormais pratiqué par les banques commerciales, il reste soumis à plusieurs règles prudentielles :
– une opération individualisée dans un cadre juridique ad hoc, SCI ou autre,
– une garantie réelle (hypothèque ou équivalent),
– un quota de réservations préalable au déblocage des crédits.
Les principaux concours sont le crédit « terrain » et le crédit « d’accompagnement » qui permet le paiement d’une partie des travaux dans l’attente de la réception des fonds des premières ventes.

Les crédits « acquéreurs »

En France, la majorité des prêts aux acquéreurs sont des prêts amortissables. Ceux dont le capital est remboursé en une fois sont dits « à amortissement in fine » ; hors crédit-relais, ce système n’a d’intérêt pour l’emprunteur que s’il est assorti d’avantages fiscaux. Quand le capital est amorti progressivement mais avec un délai initial, on parle de « différé d’amortissement ».
En France, malgré la diversité des formules proposées, la grande majorité des prêts sont à taux fixe et annuités constantes. Si les prêts à taux fixe et remboursements progressifs, qui ont connu un grand succès à l’époque où le taux d’inflation était élevé, sont désormais bannis, il existe des prêts dont l’annuité varie en fonction d’un indice officiel ; pour un investisseur, l’indexation  permet à l’annuité d’évoluer en parallèle avec les loyers.
Les prêts à taux variable sont, en France, des prêts dont le taux est indexé sur un taux de marché, en général l’Euribor 1 an. Ils peuvent être à annuités constantes, l’ajustement s’effectuant alors sur la durée, ou bien l’inverse, plus dangereux. Pour limiter le risque de hausse de l’annuité ou de la durée, la plupart des prêts à taux variable proposés en France sont « capés » : la variation du taux est bornée, à la hausse et à la baisse, ou seulement à la hausse. Enfin, les prêts à double indexation ont un taux variable et des annuités indexées. Dans tous les cas, l’emprunteur peut en outre modifier dans certaines limites les échéances à son initiative ; on parle alors de prêt « modulable ».

Les prêts réglementés

La majorité des prêts à l’habitat sont désormais des prêts « libres », c’est-à-dire distribués dans des conditions concurrentielles. Cependant, l’Etat avait mis en place, après la seconde guerre mondiale, un système de financement fondé sur des circuits privilégiés qui ont durablement imprimé leur marque. Ses interventions se sont diversifiées, en termes de produits et de circuits, et seul le secteur locatif social conserve un mode de financement spécifique et un distributeur exclusif, la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

L’accession à la propriété

Le prêt à 0% (ou prêt à taux zéro –PTZ)

Créé en 1995, le PTZ a vu ses caractéristiques souvent modifiées. Fin 2020, il est accordé sous conditions de ressources aux primo-accédants pour l’achat ou la construction d’un logement neuf, l’achat d’un logement ancien avec travaux, mais seulement dans les zones B2 et C et à condition que le montant des travaux représente au moins 25% du coût total de l’opération, ou du logement social précédemment occupé. Son montant est limité à la moitié de la dette et à une proportion du coût de l’opération, 40% dans le neuf en zones A et B1, 10% pour les acquéreurs de leur logement social et 20% dans les autres cas. Le montant du prêt et le coût de l’opération pris en compte sont en outre plafonnés en fonction de la zone géographique et du nombre de personnes.  Les modalités de remboursement dépendent du revenu : la période de différé d’amortissement est 15, 10 ou 5 ans et la durée de remboursement de 10, 12 ou 15 ans, pour une durée totale de 25, 22 ou 20 ans, en fonction du revenu divisé par un coefficient familial spécifique. Il existe également un éco-PTZ destiné à financer certains travaux d’économie d’énergie. Les logements éligibles sont les résidences principales achevées depuis plus de deux ans.

Le PC (prêt conventionné)

Créé par la réforme de 1977, le PC tire son nom du fait qu’il peut être distribué par tout organisme qui a passé une convention avec l’Etat. Il peut financer toute construction ou acquisition de la résidence principale, ainsi que les travaux d’agrandissement ou d’amélioration de celle-ci, notamment l’adaptation au handicap et les économies d’énergie. Il n’a pas de plafonds de ressources et le taux d’intérêt, non bonifié, est fixé par le prêteur dans la limite de plafonds déterminés chaque trimestre. Mais, du fait de la baisse des taux de marché et de la création des PAS, l’écart de taux entre les PC et les prêts libres est devenu infime.

Le PAS (prêt à l’accession sociale)

Créé en 1993 pour inciter les prêteurs à financer les ménages à revenus modestes, le PAS est un PC « garanti », avec un taux plafond plus bas à l’origine de 0,6% mais identique depuis 2015, et des plafonds de ressources désormais alignés sur ceux du prêt à 0%.
En cas de défaillance de l’emprunteur, le Fonds de garantie de l’accession sociale (FGAS) prend en charge la perte éventuelle subie par le prêteur après mise en œuvre de la garantie hypothécaire. De plus, les emprunteurs bénéficient d’un plafonnement des frais de dossier et de réductions sur les frais de garantie et les émoluments du notaire

La location sociale et intermédiaire

Le PLUS (prêt locatif à usage social)

Réservé au financement des logements locatifs sociaux des HLM, des SEM, aux collectivités territoriales (sous conditions) et à certains organismes agréés et distribué par la seule CDC, le PLUS a une durée de 15 à 40 ans, qui peut même atteindre 80 ans pour la charge foncière en zone tendue, et un taux révisable en fonction de la variation du taux du livret A. La ressource provient en effet des fonds collectés par les réseaux bancaires et centralisés au sein des Fonds d’épargne de la CDC qui recueillent la majorité des dépôts sur les livrets défiscalisés : Codevi, LDDP (Livret de Développement Durable), Livret Jeune et Livret Bleu du Crédit mutuel. Le taux du PLUS est égal au taux du livret A majoré de 0,60%, soit 1,10% fin 2020. Les logements financés font l’objet d’un conventionnement APL qui ouvre le droit à une subvention de l’Etat, au taux minimum de 5% en neuf et 10% en acquisition-amélioration (en France métropolitaine hors Corse), au bénéfice du taux intermédiaire de TVA (10%) en général, ou réduit (5,5%) dans le cadre du nouveau plan national de renouvellement urbain, et d’une exonération de taxe foncière (TFPB) de 25 ans, portée à 30 ans sous conditions de qualité environnementale.

Le PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) et le PLUS-CD (construction-démolition)

Ces deux variantes conservent les caractéristiques générales du PLUS mais elles bénéficient d’avantages spécifiques, le PLAI parce qu’il s’adresse à des populations très modestes (ses plafonds de ressources sont au maximum égaux à 60% de ceux du PLUS) et le PLUS-CD parce qu’il finance des opérations particulièrement coûteuses. L’un et l’autre bénéficient de ce fait de subventions majorées (20% et 12% respectivement) et, pour le seul PLAI, d’un taux minoré (livret A – 0,20%, soit 0,30% fin 2020). Les opérations financées en PLAI ainsi que les opérations de démolition situées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville bénéficient du taux réduit de TVA (5,5%).

Le PLS (prêt locatif social) et le PLI (prêt locatif intermédiaire)

Le PLS et le PLI financent la construction ou l’acquisition de logements locatifs avec des contraintes de loyers et de ressources allégées par rapport au PLUS : les plafonds de ressources du PLS sont ceux du PLUS majorés de 30% et ceux du PLI sont plus élevés et égaux à ceux du dispositif Pinel. Seul le PLS jouit des mêmes avantages fiscaux que le PLUS, sous condition de la signature d’une convention APL, mais il n’ouvre pas droit à une subvention de l’Etat. Le PLI, initialement réservé aux marchés tendus, reste soumis à une autorisation administrative préalable en zone C. PLS et PLI sont distribués par la CDC ou par les établissements de crédit qui ont signé une convention annuelle de refinancement avec la CDC. Ils sont financés sur les Fonds d’épargne sur lesquels sont allouées chaque année deux enveloppes distinctes, une pour la CDC et une pour les autres distributeurs. Le taux des prêts aux organismes de logements sociaux ainsi que le taux maximum des prêts aux autres emprunteurs sont les mêmes quel que soit l’établissement prêteur : le taux minimum du PLS est égal au taux du livret A + 1,11%, celui du PLI au taux du livret A + 1,40% (soit, fin 2020, 1,61% et 1,90% respectivement). Le taux maximum est égal au taux minimum majoré de 0,25% pour les personnes morales et de 0,30% pour les personnes physiques. Leur durée peut atteindre 40 ans pour le PLS et 30 ou 35 ans pour le PLI (50 ans pour le financement de la charge foncière).

La location-accession

Le PSLA (Prêt social de location-accession)

Depuis 2004, une nouvelle forme de location-accession est développée à travers le prêt social de location-accession (PSLA). Ce dispositif permet à des ménages sous plafond de revenus (inférieurs à ceux du PTZ), d’acquérir un logement neuf dans des conditions financières avantageuses et sécurisées.
Le PSLA est accordé à un opérateur (HLM, SEM, ou promoteur privé). Il a les caractéristiques d’un PLS et bénéficie des mêmes avantages fiscaux : TVA à 5,5 % et exonération de 15 ans de taxe foncière sur les propriétés bâties, transférée au ménage pour la durée restant à courir. Le PSLA peut se cumuler avec un PTZ si l’emprunteur est le premier occupant à la date de la levée d’option. Ce dernier bénéficie en outre des garanties de relogement et de rachat du logement en cas d’échec du projet d’accession.

L’épargne-logement et Action Logement apportent des financements complémentaires aux opérations d’accession ou d’investissement locatif. Cf. entrées respectives.

Les garanties exigées

Crédits aux particuliers

Les établissements prêteurs exigent presque toujours une garantie « réelle », c’est-à-dire assise sur un bien : hypothèque conventionnelle ou privilège du prêteur de denier (pour l’achat d’un bien existant seulement). Devant le coût élevé et la lourdeur de la mise en œuvre de ces garanties, les prêteurs français ont développé un système original : la caution. L’organisme de caution, qui est généralement détenu par un ou plusieurs établissements de crédit, indemnise le prêteur en cas de défaillance de l’emprunteur et entame le recouvrement en inscrivant une hypothèque. Ainsi, en France, les prêts « hypothécaires » ne constituent qu’une petite moitié des crédits à l’habitat ; à l’étranger, non seulement ils en représentent la quasi-totalité ([1]), mais ils peuvent aussi parfois avoir d’autres objets que l’habitat, c’est « l’hypothèque rechargeable », brièvement mise en œuvre en France entre 2006 et 2014.
Cependant, les prêteurs français accordent moins d’attention à la valeur du gage (ils n’exigent aucune expertise de valeur) qu’à la solvabilité de l’emprunteur. Celle-ci est appréciée à l’aide deux ratios : le taux d’effort initial, rapport entre la charge de remboursement, à laquelle s’ajoutent les autres engagements connus du prêteur (prêts à la consommation, pensions alimentaires, etc.), et la quotité du prêt, rapport entre le montant total emprunté et le prix d’acquisition. Encouragé par la jurisprudence, le prêteur attache une importance particulière à la stabilité du revenu et à sa pérennité. Il exigera une assurance décès-invalidité qui restreint, voire interdit l’accès au crédit pour les personnes âgées ou gravement malades, ainsi qu’une assurance sur le bien financé, et conseillera la souscription d’une assurance perte d’emploi.
Les banques généralistes qui prêtent à leurs clients disposent des comptes courants et exigent la domiciliation des revenus. Connaissant les flux d’entrée et de sortie de ces comptes, elles peuvent apprécier la capacité de leur titulaire à faire face dans la durée à ses engagements. Elles peuvent aussi recourir aux techniques de « credit scoring » qui visent à déterminer cette capacité en croisant des informations sur le comportement passé des candidats à l’emprunt. Dans certains pays, un examen approfondi des engagements déjà souscrits par leurs clients et de leurs habitudes de remboursement est rendu possible par l’existence de fichiers « positifs » à l’aide desquels des sociétés spécialisées attribuent une note aux emprunteurs, équivalent du « rating » des entreprises et des collectivités. En France, il n’existe qu’un fichier « négatif » qui recense les seuls incidents de paiement.

Crédits aux organismes de logement social

Les logements locatifs sociaux, leurs propriétaires et leur mode de financement sont d’une nature particulière ; les garanties des emprunts souscrits par les bailleurs sociaux auprès de la CDC sont également spécifiques. Ces emprunts sont majoritairement garantis par les collectivités locales. Cependant, pour des raisons diverses, excès d’engagements notamment, une garantie subsidiaire peut être accordée par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). La CGLLS est un établissement public national à caractère administratif, dont le conseil d’administration est composé à parts égales de représentants de l’Etat et des organismes d’HLM et SEM, ainsi que d’une personnalité qualifiée.
La garantie de la CGLLS peut couvrir tous les types de prêts accordés par la CDC sur les Fonds d’épargne aux opérateurs de logement social pour leurs opérations de construction, d’acquisition-amélioration et de réhabilitation de leur parc de logements locatifs sociaux. Elle n’est gratuite que pour les PLAI et les PLU (Prêt locatif pour le logement d’urgence) ; son coût est de 2% du capital emprunté pour tous les autres prêts.

Claude Taffin
Novembre 2020

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[1] Au point que le mot anglais « mortgage » désigne aussi bien la garantie que le prêt.

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