Ce n’est que tardivement, au milieu du XIXe siècle que ce terme, désignant jusqu’alors un bien solidaire d’un fond, tendra à désigner une maison, généralement urbaine, composée d’un nombre d’étages relativement important.
La formation de la ville industrielle, la croissance démographique qui la caractérise et la condition salariée de cette population d’origine rurale favorisent l’apparition des maisons dites « à loyers » ou « de rapport ». Ce type d’habitation plurifamiliale, en se multipliant, supplante la maison urbaine monofamiliale qui dominait la ville antérieure, engendrant ce grand débat récurrent sur les avantages respectifs du collectif et de l’individuel.
Dans une ville contemporaine faite d’immeubles neufs, mais aussi d’immeubles très anciens, le recours à l’histoire est important: leur réhabilitation, souvent préférée à leur démolition, à la différence des années 60-70, appelle une bonne connaissance de l’histoire de leur formation comme type et de l’histoire de leur relation à la ville.
Le niveau urbain, puis le niveau domestique seront successivement examinés.
L’immeuble, « de l’îlot à la barre »
Dans la ville classique, l’immeuble, évolution de la maison urbaine, est édifié sur une parcelle qui borde une voie ou participe du découpage d’un îlot. L’économie du sol, dans une ville qui est encore close, invite à édifier de manière continue les rues. L’immeuble est donc généralement implanté en mitoyenneté de ses voisins.
L’urbanisme haussmannien contribuera à régulariser la configuration des îlots, le volume des cours intérieures que la densification du début du XIXe siècle avait réduites à de sombres puits, source d’une insalubrité combattue dès les années 1850. Une figure urbaine se consolide ainsi et s’améliore jusqu’à la grande guerre, par l’invention de « cours ouvertes » ou de « redents » facilitant la pénétration du soleil, sans remettre en cause l’alignement sur la rue qui distingue clairement l’espace public et l’espace privatif donnant sur la cour.
L’architecte Ph. Panerai et d’autres chercheurs ont montré comment la barre et la tour isolées, comme types d’immeubles caractéristiques de la conception du Mouvement moderne, avaient ensuite supplanté le système des immeubles organisés en îlot. La condamnation de ce dernier est inscrite dans la Charte d’Athènes qui dénonce la « rue corridor » et proscrit l’alignement au nom d’un ensoleillement optimal de l’immeuble, placé au centre de son emprise foncière. Il s’ensuit une perte de son orientation « topologique » (H. Lefebvre, 1970).
L’immeuble, entre diversité typologique et standardisation
La conception des appartements de l’immeuble, à sa naissance comme type collectif, est régie par des « conventions », qui structurent la distribution des appartements selon des types « consacrés » en rapport avec les habitants concernés, puis à partir d’élaborations plus réfléchies qui prennent en compte la qualité des espaces et leurs « usages ».
Dans le logement social des tous débuts (années 1900), on concevra, en fonction de l’origine rurale ou urbaine des locataires, des types prenant en compte des modes de vie jugés différents.
Le travail de rationalisation qui guide la conception et la production du logement pour le plus grand nombre par le Mouvement moderne, dans les années 1930, conduit vers des types standard. Leur surface est comptée au plus juste de l’« existence minimum ». Cette rationalisation des surfaces s’accompagne d’un long travail de mises au point techniques et normatives : l’exacte superposition des pièces d’eau d’un étage à l’autre conduira ainsi à une homogénéisation des travées d’immeubles-barres.
Cette standardisation s’imposera, lors de la construction des grands ensembles, comme mode d’optimisation du logement collectif, sans qu’on en mesure les effets pervers dans ses effets d’occupation sociale.
Depuis les années 1980, on a largement remis en cause le caractère unilatéralement techniciste de ce type de choix, tant pour le logement social que pour le logement non aidé, et on s’efforce de trouver aujourd’hui un équilibre entre les exigences économiques et les conduites de « distinction » des habitants, de façon à réaliser des immeubles plus divers dans leurs arrangements : ils entretiennent aujourd’hui un rapport plus varié avec l’espace public et plus diversifié en terme de configuration intérieure des appartements.
A cette attention portée à la qualité et à la diversité architecturale et urbaine, s’ajoutent, depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, des exigences d’économies d’énergie. Elles ont une incidence importante sur la conception technique, architecturale et urbaine des immeubles
Daniel Pinson
Mars 2015
→ îlot, logement