Le fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (FGAS)

 L’octroi d’un crédit immobilier est sécurisé au minimum par deux fois : comme pour tout prêt, la banque procède à une analyse de la solvabilité des emprunteurs, et elle dispose en plus, en cas d’impayé, d’un recours sur le bien financé via la constitution d’une sureté réelle. Malgré ce double confort, compte tenu de la durée des crédits immobiliers et de leur poids dans le patrimoine (et la dette…) des ménages, tout un écosystème de garanties supplémentaires existe pour mieux sécuriser ces opérations et idéalement élargir la population de bénéficiaires à des catégories de risque plus élevées. Ceci explique que souvent ces garanties sont mises en place et/ou aidées par la puissance publique.
C’est ainsi que les assurances emprunteur prennent le relais en cas d’impayé suite à un « accident de la vie » (maladie, handicap, décès, parfois perte d’emploi). En principe facultatives, elles sont devenues en pratique partie intégrante d’un prêt immobilier.
Les assurances hypothécaires telles qu’elles existent au Royaume-Uni ou au Canada offrent un filet de sécurité supplémentaire aux préteurs si leur gage s’avère insuffisant pour couvrir la dette après revente. Cela peut faciliter le montage d’opérations avec un apport personnel faible ou nul.
Enfin, des systèmes plus complexes, moins répandus, vont, de fait, couvrir la totalité des risques, de l’insolvabilité des acheteurs à la valeur insuffisante du gage. Ce sont les cautions (une spécificité très française… qui va jusqu’à se substituer à la prise de sureté réelle) et les fonds de garantie, dont un exemple est le FGAS français, fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété.
L’objectif proclamé d’un fonds de garantie[1] de ce type est d’ouvrir l’accès au crédit de ceux qui auraient de la difficulté à en trouver sur le marché ou alors à des taux trop élevés, en accordant une protection supplémentaire à la banque prêteuse. La même logique existe pour les entreprises, avec en France les différents fonds de garantie pilotés par la BPI.
Le FGAS a été créé par les pouvoirs publics en 1993, en même temps qu’ils supprimaient le circuit spécialisé de prêts aidés (les PAP) distribués par des établissements spécialisés (Crédit foncier et Crédit immobilier de France) pour s’assurer que les emprunteurs qualifiés de modestes auraient toujours accès au crédit à des conditions identiques à celles accordées aux autres emprunteurs. Le FGAS serait le véhicule d’une garantie publique pour des prêts ciblant la clientèle à faible revenus : les Prêts d’accession sociale, ou PAS. Les concepteurs du produit n’étaient en effet pas certains que les banques commerciales auraient la volonté de capter une clientèle à revenus modestes, pouvant présenter un risque plus important et de plus peu susceptible de souscrire d’autres produits bancaires.
Dès sa création par la loi de Finances pour 1993, l’objectif a été de rechercher un équilibre entre incitation à prêter et préservation des intérêts financiers de l’Etat. Un autre objectif a été d’associer les banques au pilotage du système de garantie.
Après plus de 20 ans de fonctionnement, on peut résumer le bilan du FGAS en trois grands traits :

  • une place établie mais limitée dans le paysage bancaire,
  • des conditions de crédit qui sont devenues très accommodantes
  • et une très bonne qualité des crédits.

L’incitation à prêter

Le FGAS définit la clientèle éligible au prêt d’accession sociale (emprunteurs sous un certain niveau de ressources qui varie selon la taille de la famille et la localisation du bien acheté), et fixe quelques normes pour les prêts garantis : limitation de la durée (30 ans), encadrement du taux, qu’il soit fixe ou variable, pas de financement des frais de mutation, limitation à la résidence principale, exigence de souscrire une hypothèque. Il laisse entière liberté à la banque pour le choix de ses critères de solvabilité et pour la gestion de ses risques, tout au long de la vie du prêt, le FGAS ne se prononçant d’ailleurs pas sur les dossiers de prêt. Il n’existe ainsi pas de règle sur la valeur du bien financé, ou sur le montant d’apport personnel.
Enfin, depuis 2007, l’accès à la garantie est gratuit, ce qui n’est pas le cas du système néerlandais.
L’emprunteur n’est certes pas le bénéficiaire direct de la garantie, dont le bénéfice est réservé à la banque. Pour autant, il accède à des avantages directs et indirects :

  • avantages directs : les frais de dossiers perçus par la banque sont encadrés. L’hypothèque est exemptée de la taxe de publicité foncière (entre 0,6 et 0,7% de la valeur du bien).
  • avantages indirects : la souscription d’un prêt garanti donne accès à l’aide personnalisée au logement (APL), celle-ci venant réduire le montant des mensualités. L’accès n’est cependant pas automatique, l’APL ayant ses règles propres d’attribution, en particulier des plafonds de ressource distincts. La SGFGAS estime qu’en 2014 moins de 40 % des emprunteurs PAS bénéficient effectivement du versement d’une APL à la souscription. Celle-ci peut aussi être accordée ultérieurement, fonctionnant alors comme un filet de sécurité en cas de baisse des revenus des emprunteurs.

Le paiement par le FGAS de la garantie au préteur met fin aux poursuites contre l’emprunteur.
En cas de difficulté de paiement, la garantie intervient au profit de la banque quel que soit le motif de non-paiement. Elle peut ainsi être actionnée en cas de perte de revenu quel qu’en soit le motif, de surendettement, de divorce… Elle a en même temps un champ d’application large.
Elle couvre la perte en cas de revente du bien à un prix inférieur au capital restant dû : c’est ce que la procédure appelle « sinistre définitif ». De ce point de vue elle ressemble aux assurances hypothécaires existant au Royaume-Uni. La garantie couvrira les frais de procédure en cas de contentieux et les intérêts de retard.
Elle couvre également la perte actuarielle subie par le prêteur en cas de restructuration de la dette, que ce soit à l’initiative de la banque ou suite à l’intervention des commissions de surendettement. Ce sont les sinistres « provisoires », suite à suspension ou allongement des échéanciers, ou réduction du taux d’intérêt du prêt.
La garantie peut intervenir à plusieurs reprises sur une même opération : la banque qui a tenté de maintenir un emprunteur dans les lieux en modifiant son crédit peut ainsi revenir devant le FGAS en cas d’échec.
En tout état de cause, le choix du traitement du contentieux reste entièrement aux mains du prêteur, qui peut même en déléguer la gestion à un tiers s’il le souhaite.
La garantie de l’Etat a aussi pour avantages pour les préteurs de réduire la consommation de fonds propres exigée par les ratios prudentiels, et de faciliter la titrisation des prêts.
Au titre des règles de solvabilité européennes, un PAS est ainsi provisionné dans les comptes des banques à hauteur de 17,5% de son montant, contre 35% pour un prêt hypothécaire simple. Les PAS sont éligibles aux émissions d’obligations hypothécaires réalisées par la Caisse de refinancement hypothécaire (CRH), à 100 % de leur valeur, soit le meilleur ratio disponible.

La préservation des intérêts de l’Etat

Elle passe par deux exigences fortes et une contrainte de communication.
Première exigence, les prêts garantis doivent obligatoirement être confortés par une sûreté réelle : hypothèque de premier rang ou privilège de prêteur de denier. Compte tenu de la relative complexité de la prise d’hypothèque en France et du développement de la caution mutuelle, l’exigence de sûreté réelle est devenue un véritable frein à la distribution des prêts garantis.
Seconde exigence, le partage de risque entre l’Etat et les prêteurs. L’idée est de prévenir tout aléa moral, en faisant supporter aux prêteurs une part des risques qu’ils font naître. Les règles établies sont complexes et ont évolué au fil du temps. Elles comportent deux grands volets.
Premier volet, le fonds prévoit trois niveaux différents de sinistralité, correspondant pour chaque prêteur et pour chaque année de souscription (une génération de prêts, qui regroupe tous les prêts mis en force[2] une même année pour un prêteur).
Pour le premier niveau, dit zone de sinistralité normale, chaque appel de garantie ou sinistre est indemnisé à hauteur de 50 % par l’Etat, le prêteur conservant à sa charge le reste.
Pour un second niveau, dit zone de malus, le prêteur supporte seul les conséquences de chaque sinistre. Cette pénalisation a pour objectif de dissuader des prises de risque excessives.
Enfin, un troisième niveau assure au contraire une indemnisation à 100 %. Il correspond à la notion de risque systémique, de défaillances générales de marché hors du contrôle des établissements de crédit.
Des comptes de suivi établis pour chaque génération de prêt de chaque prêteur permettent à l’Etat et aux banques de suivre de façon très précise l’évolution de la sinistralité.
Second volet, le fonctionnement du premier niveau, qui a évolué au fil du temps.
Dans la première version (dite ancien FGAS), qui a fonctionné de 1993 à 2006, le partage de risque était assuré par anticipation grâce à l’alimentation paritaire, par les banques et l’Etat, d’un fonds de garantie, chaque nouveau prêt donnant immédiatement lieu à la perception de cotisations abondant le fonds et bloquées jusqu’au remboursement total du crédit. En cas de sinistre, les sommes placées sur le fonds permettaient d’indemniser les banques. Le fonds était géré par une société créée à cet effet, la société de gestion du FGAS (SGFGAS).
Les hypothèses de calcul des cotisations se sont révélées trop pessimistes et, compte tenu du petit nombre de sinistres déclarés, le fonds a été supprimé en 2006 et les sommes qu’il portait réparties entre l’Etat et les banques. En contrepartie de cette suppression, les sinistres correspondant aux prêts de la période 1993/2006 sont indemnisés à 100 % au lieu de 50 %.
Pour les prêts à partir de 2007 (le nouveau FGAS), le partage de risque se matérialise à chaque sinistre déclaré, qui est indemnisé à hauteur de 50 % de la perte constatée dans la tranche de sinistralité normale.
A ces règles de partage a été ajoutée une règle de communication : les prêteurs ne peuvent pas communiquer sur la garantie de l’Etat associée aux PAS, afin là aussi de prévenir tout aléa moral de la part de l’emprunteur. Une telle restriction est spécifique à la France.

Un pilotage associant l’Etat et les prêteurs.

Le choix a été fait, dès la création du FGAS, d’un pilotage associant l’Etat les banques prêteuses (qui étaient aussi à ce moment les contributeurs au fond de garantie). Pour cela, la Loi de finances pour 1993 a créé une société de gestion du FGAS (la SGFGAS), sous forme de société anonyme dont les seuls actionnaires sont les banques de la place accordant des prêts garantis. De façon symétrique, seuls peuvent accorder des prêts garantis les actionnaires de la société.

Les missions de la SGFGAS sont :

  • le suivi des souscriptions de prêts garantis et des risques : chaque prêt est déclaré informatiquement à la société, qui peut ainsi établir et suivre les comptes de suivi de chaque prêteur et produire des statistiques et des études pour l’Etat et les banques. Les bases de données sont également accessibles aux organismes de recherche ;
  • la définition des règles de gestion des sinistres et de fonctionnement de la garantie ;
  • l’indemnisation des sinistres ;
  • l’assistance juridique aux établissements de crédit, qui se matérialise par une documentation en ligne ;
  • le contrôle du respect de la règlementation par des inspections dans les établissements préteurs ;
  • la concertation entre l’Etat et les banques, qui se matérialise par la tenue de comités de suivi trimestriels auxquels participent représentants de l’Etat et des banques : ce comité traite de l’application de la réglementation des prêts, de ses adaptations, de son interprétation et des règles d’indemnisation.

L’Etat n’est pas actionnaire, mais intervient dans la gestion de la Société de plusieurs manières :

  • il désigne le Président du Conseil d’administration, qui est nommé par arrêté ministériel. La pratique a été établie que le Directeur Général est désigné par le Conseil sur recommandation de l’Etat
  • il dispose au Conseil de deux Commissaires du Gouvernement, un pour le Ministère du logement et un pour le ministère des Finances, qui ont droit de veto sur les délibérations importantes
  • il assure le paiement des frais de gestion de la société, dans le cadre d’une convention avec elle.

 Quel bilan faire du PAS après plus de 20 ans ?

Les PAS, à la différence d’autres produits publics comme le Prêt à taux zéro, ont peu évolué et sont bien établis dans le paysage bancaire. En pratique, seuls les plafonds de ressources ont évolué au fil des années.
La part du PAS dans la production de crédit immobilier des banques reste limitée, elle varie selon les années entre 5 et 10 %, pour un nombre d’opérations entre 60 et 70 000/an. Trois raisons expliquent ce niveau relativement bas : l’exigence d’hypothèque et des contraintes qu’elle entraîne, la concurrence de la caution mutuelle (qui assure aux prêteurs une couverture totale de leurs risques) et le peu de communication publique autour de PAS.
Les conditions financières des PAS se sont parfaitement alignées sur celles des prêts de marché : la clientèle à faible revenu bénéficie ainsi de durées longues, parfois même supérieures à celles de prêts de marché, à des taux d’intérêt similaires à ceux des autres clients.
La qualité des risques de crédit a été très bonne, avec un taux de défaillance très faible (2 pour mille) et là encore en ligne avec ce qui est constaté sur le reste du marché. Ce bon résultat découle à la fois de la priorité accordée par les ménages au paiement de leur logement, et par la politique de souscription des banques : respect d’un ratio mensuel échéance sur revenus, et priorité accordée aux emprunteurs disposant de ressources stables.

François de Ricolfis
Novembre 2015

→ Assurancegaranties d’emprunt

 [1] Il en existe aussi aux Pays Bas ou au Maroc

[2] La mise en force se produit au premier décaissement sur un prêt accepté

Auteur/autrice