Hiver 2022-2023 : ce que la crise énergétique a changé dans le logement
Un hiver pas comme les autres
L’hiver 2022-2023 n’a pas laissé les Français indifférents. Le contexte d’inflation a marqué les comportements : près de 80% d’entre eux répondent oui à la question « Au cours des derniers mois, du fait de l’augmentation du coût de la vie, diriez-vous que vous avez dû réduire certains postes de consommation de la vie quotidienne ? ». Ils sont même un tiers à déclarer avoir réduit leur consommation de façon importante. Le chauffage et l’énergie arrivent après les dépenses de loisirs, l’alimentation et l’habillement. 38% des Français déclarent avoir limité leur consommation de chauffage, 29% d’énergie dans le logement hors chauffage. Les retraités sont parmi ceux qui déclarent avoir le plus restreint ces consommations.
Si la campagne de communication du gouvernement n’a touché que 39% de la population, la présence du sujet dans les médias a clairement contribué à partager l’information sur la crise. 69% déclarent connaître l’outil Ecowatt, mis en place par RTE pour alerter sur des tensions sur le réseau électrique, et les trois quarts de ceux qui connaissent l’outil déclarent qu’ils avaient bien l’intention de réduire leur consommation en cas d’alerte Ecowatt.
La manière dont les Français ont interprété la crise relève de deux registres contrastés :
- D’un côté, le registre écologique (les français sont 69% à considérer que la mise en place du plan de sobriété a été « La preuve qu’on n’a pas investi dans les énergies renouvelables autant qu’il aurait fallu » et « Une preuve de sagesse : il faut réduire durablement notre consommation d’énergie »).
- De l’autre, le registre du déclin : ils sont 62% à déclarer que cet hiver a été « Un signe de déclin de la France : nous sommes maintenant sous la menace de coupures d’électricité comme dans certains pays en développement ».
Qu’on fait concrètement les Français ?
76% des Français déclarent avoir fait des efforts sur leur consommation d’énergie cet hiver. Le chauffage a été un poste particulièrement investi. 70% déclarent avoir baissé la température de consigne de leur chauffage. La consigne des 19°C semble être particulièrement bien passée, puisque c’est le geste qui arrive en premier. Un quart des Français ont commencé, cet hiver, à régler leur consigne de chauffage à 19°C. Viennent ensuite le fait de ne pas chauffer des pièces non occupées, puis de ne pas chauffer la nuit. C’est chez les retraités que ces actes sont les plus fréquents. Ils semblent avoir été fait sans appui technique : seuls 9% déclarent avoir installé un thermostat programmable. Au total, moins de la moitié des Français ont un thermostat programmable, ce qui souligne le potentiel encore important lié à leur développement.
D’autres mesures ont été prises cet hiver. par les ménages. 27% d’entre eux ont commencé à faire attention aux veilles des appareils électroménagers, 22% à adopter des pratiques de cuisson plus économes. Un tiers déclarent avoir systématiquement décalé l’utilisation de leurs appareils électroménagers (lave-linge, lave-vaisselle, sèche-linge) en dehors des heures de pic de consommation (8h-13h / 18h-20h). Le décalage des consommations de cuisine, ou le décalage au weekend de certains usages a été moins répandu.
Et après ?
Ces gestes perdureront-ils ? Il est difficile de se prononcer à partir des résultats du sondage.
- D’un côté, ces gestes ont été vécu comme subis, et donc très liés au contexte. C’est avant tout pour des raisons économiques qu’ils ont été mis en place. 79% des répondants disent avoir agi en réaction au prix de l’énergie. Viennent ensuite des raisons plus citoyennes (« Par civisme, afin d’économiser de l’énergie pour éviter les coupures de courant » et « Parce que le gouvernement a émis des consignes en ce sens »), puis écologiques (20% déclarant avoir agi pour limiter leur impact sur le changement climatique) et géopolitiques (9% pour limiter l’importation d’énergie en provenance de Russie). 22% des Français déclarent que les efforts qu’ils ont fournis ont été particulièrement difficiles.
- De l’autre, cependant, quelques éléments laissent à penser qu’une partie de la société pourrait adopter durablement ces nouveaux comportements. Par exemple, parmi les ménages qui ont commencé à mettre en place des mesures d’économie cet hiver alors qu’ils ne le faisaient pas auparavant, ils sont environ 2/3 à déclarer être prêts à les poursuivre dans les années à venir. Le terme de sobriété lui-même est connoté de façon plutôt positive. 79% des Français déclarent qu’il s’agit de faire mieux avec moins, et seuls 41% associent le terme à un retour en arrière.
Des perspectives pour la sobriété immobilière
Au côté de la sobriété du quotidien, la notion de sobriété immobilière fait son chemin depuis quelque temps, fondée sur un constat de sous-occupation de nos bâtiments. Le sondage IPSOS pour RTE vient tout d’abord conforter le constat issu des Enquêtes Logement de 2013 et 2020 et du recensement. On y constate des différences marquées d’espace disponible selon l’âge, le statut d’occupation ou le type de logement. Les personnes âgées, propriétaires, vivant en maison individuelles, en couple sans enfants, vivent ainsi dans des logements plus grands que la moyenne.
Cet enjeu en loin d’être anodin pour la transition écologique. En effet, au cours des 30 dernières années, dans le secteur résidentiel, les gains en émissions de gaz à effet de serre liés à la rénovation et à l’arrivée dans le parc de logement neufs plus efficaces (en phase d’usage) ont été absorbés par l’augmentation de la surface par personne, qui est passée de 23m² à 40m². Les données du recensement montrent par exemple qu’environ 700 000 ménages vivent seuls dans des logements de 6 pièces ou plus.
Une des questions introduites dans le sondage est à cet égard particulièrement intéressante : « Personnellement, envisagez-vous sérieusement de déménager un jour dans un logement plus petit (une pièce en moins, ou des surfaces par pièce plus petites) ? ». En réponse, 5% des Français déclarent l’avoir déjà fait et 25% l’envisager sérieusement. Parmi ceux-ci, les 60-69 ans sont un peu plus nombreux que la moyenne à déclarer être prêts à déménager, ce qui ouvre des perspectives intéressantes sur l’accompagnement de ce temps bien particulier qu’est le passage à la retraite.
Les raisons principales mises en avant sont d’ordre financier (économiser sur le loyer ou sur les charges d’entretien viennent en tête des raisons pour lesquelles ces 30% de français envisagent sérieusement de déménager). Chez les plus jeunes (moins de 34 ans), l’idée de profiter d’équipements mis en commun arrive en seconde position après les arguments économiques. L’idée qu’il pourrait s’agir d’un geste en faveur de l’environnement est, pour sa part, très peu ancrée dans les représentations.
Albane Gaspard
Juin 2023