Si la formule « Tous propriétaires » n’est en France qu’un slogan électoral, la priorité à l’accession à la propriété n’est pas un vain mot au Royaume-Uni, du moins pour le gouvernement conservateur. En témoigne le contenu de la nouvelle loi sur le logement (housing bill 2015) récemment présentée au parlement et qui devrait être adoptée début décembre.
Selon le ministre du logement Brandon Lewis, cette loi marque le début d’une « croisade (sic) pour transformer une génération de locataires en une génération de propriétaires » en donnant « aux familles qui travaillent dur et aspirent à devenir propriétaires l’opportunité de le faire ».
La loi comporte deux volets principaux concernant d’une part l’accession dans le neuf, d’autre part la vente de logements sociaux aux occupants.
L’accession dans le neuf
Une part de la production de logements neufs sera destinée à la primo-accession des moins de 40 ans (starter homes). Pour cela, injonction est faite aux collectivités locales de faire en sorte qu’une part significative de tous les programmes de logements neufs d’une certaine importance soit proposée à un prix d’au moins 20% inférieur au prix du marché, plafonné à 450 000 livres à Londres et 250 000 livres dans le reste du territoire (soit respectivement 641 000 et 356 000 €). Elles ne pourront autoriser un projet de promotion que si l’exigence en matière de starter homes est satisfaite. Le dispositif, dont le détail doit être précisé par voie réglementaire, devrait comporter l’exigence d’une certaine proportion de starter homes dans les nouveaux programmes, assortie d’une pénalité à verser à l’autorité locale de planification si les objectifs fixés ne sont pas atteints. Les exigences pourront varier selon la localisation. Les collectivités doivent également veiller à ce que les nouvelles dispositions soient intégrées dans les documents de planification.
L’ambition du gouvernement est de produire 200 000 starter homes d’ici à 2020.
L’extension du right to buy
La loi vise à étendre aux locataires des housing associations (HA) le droit d’acheter le logement qu’ils occupent aux mêmes conditions que les locataires des logements des collectivités locales, c’est-à-dire avec la même décote par rapport aux valeurs de marché : jusqu’à 103 900 livres à Londres et 77 900 livres ailleurs. Le gouvernement parie sur une adhésion « volontaire » des HA à cette démarche et estime qu’il ne sera pas nécessaire d’adopter une législation contraignante. Il prévoit en effet le versement par l’Etat (ou par la Greater London Authority pour Londres) de subventions compensatrices aux HA qui s’y engageront.
Selon l’argumentation officielle, il s’agit ainsi non seulement de favoriser l’accession à la propriété, mais aussi de permettre aux HA de disposer de ressources supplémentaires pour construire plus de logements sociaux.
Interrogations
Dans son état actuel, le texte suscite des interrogations car il renvoie à plus tard la définition précise de certains points importants. Ainsi, l’aspect budgétaire n’est pas évoqué, et certains craignent que les indemnités compensatrices ne soient pas suffisantes pour permettre aux HA de construire autant de logements qu’elles en vendront. On peut également s’interroger sur les instruments dont disposent les pouvoirs publics pour réguler l’offre foncière, alors que le Royaume-Uni souffre depuis de longues années d’un déficit chronique de construction. Cette loi vise-t-elle, comme l’écrit le Guardian, à tuer le locatif social ? Il est vrai qu’elle s’intéresse exclusivement à l’accession à la propriété. Gardons toutefois à l’esprit que le Right to buy institué par Margaret Thatcher n’a finalement pas produit les catastrophes annoncées.