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Du bon usage des statistiques. Ventes de logements anciens : la méthode change, le nombre augmente

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Dénombrer les mutations à titre onéreux de logements anciens (au sens fiscal, c’est-à-dire soumis aux droits d’enregistrement et non à la TVA) ne va pas de soi. On dispose en effet de deux sources complémentaires :

  • Les résultats de l’enregistrement fournis par les systèmes MEDOC et Fidji de la DGFiP (Direction Générale des Finances Publiques) qui sont exhaustifs en montant mais ne permettent pas de distinguer entre les divers types de biens (garages, locaux d’activité, immeubles entiers, terrains…) ;Des informations en provenance des bases de données notariales : la base BIEN, gérée par PNS (Paris Notaires Services), qui couvre l’Ile-de-France (un peu moins de 20 % des transactions) et la base Perval, gérée par l’ADSN (Association pour le développement du service notarial) pour le CSN (Conseil supérieur du notariat), qui couvre le reste de la France sauf Mayotte (un peu plus de 80 % des transactions).

Les bases notariales distinguent les divers types de biens mais elles n’étaient pas exhaustives jusqu’à une date récente. En effet, jusqu’à fin 2016, la transmission des données par les notaires s’effectuait sur la base du volontariat. Une loi de 2011 qui confie au notariat une nouvelle mission de service public oblige depuis le 1er janvier 2017 les notaires à alimenter les bases. Le taux de couverture des bases a donc augmenté progressivement : s’il n’était encore estimé fin 2017 qu’à environ 60 % en moyenne (75 % en Ile de France et 55 % en province), il a (presque) atteint l’exhaustivité à l’été 2021.
Cela a permis de modifier la méthode de calcul des volumes de transactions. Cette modification est effective à compter du cumul annuel du troisième trimestre 2022 (qui correspond au cumul des transactions qui ont eu lieu entre octobre 2021 et septembre 2022). Elle induit une légère rupture de série à cette date. Cette nouvelle méthode a été mise en œuvre lors de la publication de l’Informations Rapides de l’Insee du 27 mai 2025, simultanément avec une révision de la série historique. Elle est exposée dans une note méthodologique disponible sur le site de l’Insee ([1]).
Le calcul précédent utilisait la base MEDOC qui fournit département par département le produit des droits de mutation, à partir duquel on peut reconstituer l’assiette des droits en divisant le produit par le taux. Avant la réforme des droits de mutation de 1999 qui a uniformisé les taux entre les différents types d’immeubles (habitation, biens ruraux, bureaux, etc.), l’existence d’un régime spécifique applicable aux mutations de logements anciens permettait  de reconstituer le nombre de transactions de logements anciens avec une assez bonne précision. Depuis cette date et jusqu’au 1er avril 2025, les logements étaient soumis au taux de droit commun ; il fallait donc recourir à une hypothèse supplémentaire ([2]). Depuis le 1er avril 2025, les départements ont la faculté d’augmenter le taux applicable d’un demi-point (5% au lieu de 4,5%) mais doivent en exclure les primo-acquéreurs, ce qui rend tout calcul conjoncturel impossible. Le changement de la méthode de calcul intervient donc à point nommé.
Dans la nouvelle méthode, les volumes de transactions de la Base des Références Immobilières (BRI, données notariales) sont utilisés bruts pour calculer le cumul des droits sur 12 mois pour la France hors Alsace-Moselle ([3]). Le recours systématique aux données fiscales pour redresser les données des bases notariales n’est plus nécessaire à partir de l’été 2021 et donc pour le cumul annuel du 3ème trimestre 2022 (premier point pour lequel le recul temporel est suffisant pour calculer chaque mois un cumul annuel avec cette nouvelle méthode).
Ce changement de méthode de calcul s’accompagne d’un changement de définition. A l’approche fiscale qui définissait les logements anciens comme achevés depuis plus de 5 ans, est substituée l’approche « métier » des notaires ; en particulier, les biens vendus par les marchands de biens sont désormais considérés comme anciens. En 2023, ils représentaient 3 % du total des ventes dans l’ancien ainsi défini.
En outre, lors de la publication de l’Informations Rapides du 27 mai 2025, la série historique a été révisée pour prendre en compte différentes corrections sur le passé. En particulier, le redressement mis en place pour tenir compte de la surreprésentation des transactions de logements par rapport aux autres types d’actes dans les bases notariales a été progressivement supprimé entre août 2020 et juillet 2021 ; la quasi-exhaustivité des bases notariales à partir de septembre 2021 rend en effet cette correction inutile. L’écart entre la série corrigée et l’ancienne série publiée est très faible avant septembre 2021 ; il est de l’ordre de 46 000 transactions à cette date, soit 4% du cumul annuel, puis les deux séries évoluent de la même manière (cf. courbes A et B du graphique). Ainsi le pic du 3ème trimestre 2021 augmente-t-il de 1 202 000 à 1 248 000 transactions.
A partir du 3ème trimestre 2022, l’écart entre les séries B et C permet quant à lui d’apprécier l’impact du changement de méthode de calcul des volumes mis en place à cette date. L’écart entre les deux séries est minime (13 000 au maximum) et de sens variable. Si la nouvelle série (C) s’établit à un niveau nettement supérieur à l’ancienne (A), c’est surtout aux corrections mentionnées ci-dessus qu’on le doit : lors de la dernière publication de l’ancienne série (A), au 3ème trimestre 2024, l’écart atteignait 53 000 unités avec les séries B et C qui, elles, coïncidaient. En effet, en plus du problème spécifique à l’Alsace-Moselle, qui semble en voie de résolution, une partie des actes transmis en version papier par les offices notariaux à la DGFiP n’est pas comptabilisée ; cette part est estimée à moins de 2 % du nombre total d’actes en 2024. Il reste donc un peu de chemin à parcourir avant que la série du nombre de transactions de logements anciens puisse prétendre à l’exhaustivité.

Claude Taffin
Juin 2025


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/documentation/Methodo_Indices-notaires-Insee-mai2025.pdf.

[2] Les détails de la méthode utilisée en fonction de la date du calcul sont exposés sur le site de l’IGEDD (Inspection générale de l’Environnement et du Développement durable). Voir notamment :  J. Friggit, « Estimation du nombre de transactions de logements anciens à finalité conjoncturelle », Version 3 – Août 2008.

[3] Du fait de spécificités territoriales, les données notariales ne sont pas encore exhaustives en Alsace-Moselle. Le redressement à l’aide des données fiscales sur les valeurs de transactions y reste donc en vigueur.

 

Auteur/autrice

  • Claude Taffin

    Diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique, ancien administrateur de l’INSEE, Claude Taffin est consultant en économie du logement, notamment pour la Banque Mondiale. Il était auparavant (2011-16) directeur scientifique de l’association DINAMIC, créée par le Notariat pour développer l’exploitation de ses bases de données immobilières. Après l’INSEE (1974-91) où il a notamment dirigé la division «logement», il a été directeur de l’Observatoire Foncier et Immobilier du Crédit Foncier (1991-2000) puis des Etudes Economiques et Financières de l’Union Sociale pour l’Habitat (2000-08), avant de rejoindre la Banque Mondiale comme spécialiste senior en financement de l’habitat (2008-2011).

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