La colocation est définie comme « la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur », à l’exception des personnes mariées ou pacsées, par l’article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, écrit par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et modifié par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (CAECE).
Des contours qui restent à préciser
On peut toutefois dépasser cette acception juridique en considérant que la colocation est le partage d’un logement par plusieurs personnes, dont une au moins a un statut de locataire. Cette définition ouverte doit cependant être précisée, afin de tenir compte à la fois de la diversité des situations qu’elle recouvre et des points de vue sur ces situations. Ces questionnements se déclinent selon quatre critères principaux.
Le premier est relatif au statut d’occupation. Si le terme « colocataire » indique l’association entre locataires, son utilisation est parfois plus large. En effet, il est fréquent, lorsqu’un locataire sous-loue une chambre de son logement ou lorsqu’un propriétaire loue une chambre de son logement, que ces situations soient considérées comme des colocations. Elles correspondent, en effet, à des modalités de partage du logement et à des modes de vie qui peuvent être proches, voire similaires.
Le second porte sur la nature des liens entre les habitants. Doit-on, par exemple, considérer comme colocataires des personnes entretenant des liens familiaux ? Jusqu’à quel point ? Des frères et sœurs qui cohabitent sont-ils colocataires ? Exclut-on seulement du champ les ménages composés de couples et/ou de parents et enfants ? La définition juridique accepte les concubins comme colocataires, mais pas les couples mariés ou pacsés.
Le troisième critère concerne les modes de vie. Les colocations correspondraient à certains modes d’organisation de la vie entre habitants vivant dans le même logement dans lequel, par exemple, ils partageraient la cuisine sans prendre leurs repas en commun, ou encore en conservant des budgets séparés.
Enfin, un dernier critère de déclinaison de la définition repose sur les caractéristiques du logement lui-même et les pièces qui sont partagées. Ainsi, des personnes habitant seules dans un espace comprenant chambre, salle de bains et kitchenette, mais qui partagent une salle de sport ou un espace de coworking, comme dans les produits commercialisés sous l’étiquette de « coliving », peuvent-ils être considérés comme des colocataires ? Dans un registre différent, on ne considère généralement pas comme des colocations les pensions de famille ou les foyers et résidences sociales où sanitaires et cuisines sont pourtant partagés.
Les contrats de colocation
D’un point de vue juridique et en se fondant sur la définition de l’article 8-1 de la loi de 1989, dans le parc privé, deux formules de colocation sont possibles.
Le bail unique, que l’on appelle également bail collectif ou bail solidaire, est signé entre le bailleur et l’ensemble des locataires. Il contient généralement une clause de solidarité entre les locataires. Chacun d’entre eux est responsable du paiement du loyer pendant toute la durée du bail. Ainsi, si l’un des locataires cesse de payer son loyer, le propriétaire peut obliger les autres à payer à sa place. Cette solidarité n’était pas limitée dans le temps jusqu’à la loi ALUR. Celle-ci met fin à la solidarité pour un locataire sortant s’il est remplacé, ou, à défaut, à partir de six mois après son départ.
La deuxième formule est celle des baux multiples, aussi appelés baux individuels ou baux séparés. Dans ce cas, le propriétaire signe un contrat avec chaque locataire. Les colocataires ne sont alors responsables que du paiement de leur part du loyer et les contrats ne sont souvent pas synchronisés.
Pour les bailleurs sociaux, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (MoLLE) accordait la possibilité de louer des logements, meublés ou non, pour des durées d’un an, à un public spécifique : un ou plusieurs étudiants, des personnes de moins de 30 ans ou des apprentis, au moyen de baux collectifs. Cette possibilité a été supprimée par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). Une colocation universelle l’a remplacée, accessible à tous les publics du parc social et pour laquelle les baux sont individuels et les locataires bénéficient du droit au maintien dans les lieux. Ainsi, toutes les personnes louant à plusieurs un logement social sont considérées comme des colocataires, à l’exclusion des personnes en situations de couple, des membres d’une même fratrie et des ascendants et descendants. Ces personnes relèvent du régime de la cotitularité dans lequel les baux sont multiples. La colocation dans le parc social est parfois vue par les pouvoirs publics comme un bon moyen d’adapter facilement l’offre de grands logements, parfois difficiles à louer, à la demande de petits ménages.
Choisie ou subie ?
Il est souvent question de distinguer la colocation choisie de la colocation subie. En effet, la colocation peut constituer un moyen de se loger à moindre coût dans le parc privé ou d’augmenter ses revenus en sous-louant une chambre dans son appartement. La colocation est également un moyen de lutter contre la solitude, de partager son quotidien, de vivre en communauté. Ainsi, la colocation apparaît comme positive lorsqu’elle est perçue comme « un projet de vie » par les colocataires qui rechercheraient le partage et la convivialité. Au contraire, on peut l’analyser plus prosaïquement comme une solution subie par les ménages à revenus faibles ou instables, rencontrant des difficultés à se loger. Il s’agit pour eux de se loger à moindre coût dans les villes les plus chères où les loyers ont beaucoup augmenté au cours des dernières décennies.
Pour les propriétaires privés, la colocation peut être vue comme un produit rentable puisque les grands logements, généralement achetés moins chers au mètre carré, sont mieux valorisés en étant loués à plusieurs colocataires à des prix proches de ceux des petits logements. La rotation forte, caractéristique de la colocation, rend possible par ailleurs des augmentations de loyer plus régulières qui compensent les pertes de recettes générées par la vacance partielle du logement. Il semble également que la colocation permette de louer plus rapidement les logements dans les villes au marché peu tendus.
Une quantification difficile
Il est difficile de quantifier la colocation à partir des données de la statistique publique puisque celles-ci n’identifient pas spécifiquement ce mode d’habitation. Le recensement et l’enquête logement de l’Insee distinguent toutefois les « ménages complexes » qui comportent une sous-catégorie intitulée « personnes sans lien de couple ou de filiation », qui inclut a priori ce que l’on peut appeler « colocation ». Cette sous-catégorie représentait 500 000 ménages en 1999 et 750 000 en 2013. On peut donc supposer que la colocation se développe en France depuis les années 1990. Cependant, cette quantification rapide ne distingue pas la colocation du cologement (partage d’un logement mais avec le statut de propriétaire), ni des situations d’hébergement chez un tiers.
De récentes dispositions (lois MoLLE, ALUR, CAECE et ELAN) ont donc apporté un début de clarification à la définition et aux modalités de la colocation. Cet effort s’accompagne de l’émergence d’acteurs spécialisés et d’une professionnalisation de l’offre. C’est le cas d’associations accompagnant des modes spécifiques de colocation (intergénérationnelle, de sénior, avec des personnes handicapées, des femmes enceintes), d’agences immobilières spécialisées, de plateformes en ligne de mise en relation de colocataires ou de services de bailleurs sociaux. Originellement le fait de pratiques spontanées, la colocation tendrait ainsi à s’institutionnaliser. Quels sont les raisons de cette institutionnalisation ? Implique-t-elle une modification des pratiques de colocation ?
Alice Graceffa
Mars 2023
→ bail, locataire, loyer