Les programmes des candidats à la primaire de la Gauche

Manuel Valls, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Sylvia Pinel, François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias se sont exprimés sur leurs intentions en matière de politique du logement, en réponse aux questions d’Explorimmo[1].

Bilan du quinquennat Hollande

Les candidats tirent un bilan plutôt positif du quinquennat qui s’achève, à l’exception de B. Hamon qui le juge « plutôt négatif » : il pointe des carences en matière de lutte contre la précarité énergétique, fustige le financement de la politique du logement par défiscalisation et les ponctions des bailleurs sociaux, et va jusqu’à parler d’un triple échec. Les autres anciens membres du gouvernement lui accordent un satisfecit (Valls, Peillon, Pinel, et Montebourg avec quelques réserves) et entendent poursuivre dans la même voie, avec des amodiations d’importance diverse. Quant à de Rugy et Bennahmias, ils en retiennent surtout la loi ALUR, jugée positive, avec toutefois des réserves pour le second.

Programmes

Il s’agit plus d’inflexions, plus ou moins prononcées selon les candidats, que de changements d’orientation, y compris pour B. Hamon.

Encadrement des loyers

Aucun des candidats ne parle de l’abroger. Cependant la différence est sensible entre Hamon et Montebourg d’une part, qui souhaitent l’étendre aux treize métropoles, et Bennahmias d’autre part qui n’en voit la nécessité qu’à Paris. Les autres proposent de l’appliquer avec discernement, le plus réservé étant Valls qui juge que c’est « d’abord un sujet local ».
Tous ou presque estiment nécessaire d’améliorer la connaissance des marchés en développant les observatoires.

Fiscalité

Peu d’idées nouvelles et pas de grande réforme en vue. La plupart des candidats veulent réviser les bases de la taxe foncière (la dernière révision date de 1970 !). Plusieurs ont l’intention de fixer pour la durée de la mandature le cadre fiscal (Valls, Montebourg, Pinel) afin de donner une meilleure visibilité aux acteurs, de Rugy plaide également pour la stabilité.
Les projets de réforme portent pour l’essentiel sur la fiscalité locale : les plus ambitieux concernent le mode de calcul la taxe d’habitation (Peillon), de la taxe foncière (Montebourg) ou des deux (de Rugy), qui devrait selon eux mieux prendre en compte la situation (notamment le revenu) des contribuables. S. Pinel préconise de réduire progressivement les droits de mutation à titre onéreux. B. Hamon veut doubler la taxe sur les logements vacants.
Plusieurs candidats (Montebourg, Pinel) souhaitent faire évoluer la fiscalité des terrains constructibles pour la faire porter sur la rétention plutôt que sur la cession, afin de faciliter la mobilisation des ressources foncières. Enfin, Peillon préconise de revoir en profondeur la fiscalité des successions, dans le but de réduire les inégalités de patrimoine.
Les incitations fiscales à l’investissement locatif dans leur forme actuelle ne sont guère remises en cause et la plupart des candidats entendent les reconduire. Seuls Montebourg et surtout Hamon émettent des réserves, sans pour autant les condamner avant qu’une évaluation de leur efficacité ait été réalisée.
Concernant le statut du bailleur, les positions sont assez floues : personne ne s’y oppose franchement, personne non plus ne s’engage dans cette voie. L’impression qui prévaut est que la plupart des candidats n’ont qu’une idée assez vague des propositions des professionnels, ainsi B. Hamon le confond avec les dispositifs de conventionnement du type « Louez solidaire ».

Aides à la pierre

Aucun des candidats ne se démarque explicitement du dogme des 500 000 logements neufs par an, de peur sans doute de paraître insuffisamment volontariste. Certains éludent la question, d’autres jugent que c’est un objectif atteignable, seuls Valls et Pinel estiment qu’un niveau de 440 000 – 450 000 est satisfaisant. Plusieurs précisent que l’important est moins le nombre que la localisation et l’accessibilité financière des logements construits.
Si personne, donc, ne remet en cause les aides à la pierre, les positions diffèrent quant aux cibles des aides. Pour certains (Hamon, Montebourg, Peillon, Pinel), les aides à la pierre semblent ne concerner que le locatif social. Les autres défendent une vision plus équilibrée, mais personne, à l’exception de de Rugy, n’évoque les aides à l’accession à la propriété. De même, la question de la rénovation du parc existant n’est soulevée que de façon incidente. Il est vrai que le questionnaire ne l’abordait pas explicitement.

La loi SRU plébiscitée

L’article 55 de la loi SRU fixe des objectifs obligatoires de logement social à certaines communes. Tous les candidats estiment qu’il a déjà permis d’obtenir des résultats tangibles, en dépit de la résistance de certaines d’entre elles. Presque tous insistent sur la nécessité de veiller à ce qu’il soit appliqué partout en appliquant avec rigueur les sanctions prévues, voire (Hamon) en renforçant l’arsenal de mesures coercitives.

Régionalisation des politiques du logement

Encore un point sur lequel les positions sont assez peu précises, peut-être parce que le terme de « régionalisation » est ambigu. Tous les candidats sont à peu près d’accord sur la nécessité d’impliquer davantage les collectivités locales, notamment les intercommunalités, mais dans un cadre défini et, pour l’essentiel, financé au niveau national.

En résumé

Au-delà de certains effets rhétoriques, il ne ressort pas de divergences marquées des réponses des sept candidats. Tous sont grosso modo d’accord sur les objectifs et sur les moyens. Certains d’ailleurs ne semblent pas avoir élaboré un projet très abouti, qui proposent dans leurs mesures phares de réunir une « conférence » (Hamon) ou des « Etats généraux » (Bennahmias) du logement, sans doute pour se donner le temps de définir les grands axes de leur politique.
Enfin, aucun des candidats n’évoque dans ses réponses les aides personnelles. Il est vrai qu’aucune question n’y avait trait, mais le sujet est d’une telle importance, en termes notamment de charge budgétaire, qu’il est étonnant que personne n’y ait fait la moindre allusion.

Jean Bosvieux
Janvier 2017


[1] Le dossier figure aussi dans le Figaro Immobilier : http://immobilier.lefigaro.fr/article/immobilier-les-propositions-des-candidats-a-la-primaire-de-la-gauche_65b2703a-d750-11e6-a484-5498a0c44dd8/

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.