L’acquisition d’un bien immobilier recouvre de multiples formes. Elle renvoie au fait de devenir propriétaire d’un bien moyennant une contrepartie (à titre onéreux) ou sans contrepartie (à titre gratuit), entre personnes vivantes (entre vifs) ou du fait du décès d’une partie (à cause de mort). Elle peut découler d’un contrat (vente, échange, donation…), de la volonté d’une seule personne (legs par testament) ou de la loi (usucapion, accession, succession…).
La vente
Le plus fréquent de tous les modes d’acquisition de la propriété est la vente. Il s’agit d’un contrat qui opère transfert de propriété d’un bien moyennent le versement d’un prix par l’acquéreur (dans un certain délai – vente à crédit – ou immédiatement – vente au comptant). En matière immobilière, elle se réalise généralement en deux temps. Dans un premier temps, les cocontractants concluent une promesse synallagmatique de vente (dite encore « compromis de vente »). L’acte est généralement dressé par un notaire ou un agent immobilier et il détermine les conditions de l’opération telles que la désignation du bien vendu, le prix, les éventuelles conditions suspensives (en particulier la condition d’obtention d’un prêt bancaire par le candidat à l’acquisition ; la condition de non acquisition du bien par les éventuels titulaires de droits de préemption tels qu’une commune, la SAFER etc.)… Dans un second temps, et une fois les conditions suspensives réalisées, les cocontractants réitèrent la vente par acte authentique. La rédaction de cet écrit par le notaire est nécessaire pour se ménager la preuve du contrat de vente en cas de litige. Elle s’impose également afin de mentionner la mutation au service de la publicité foncière.
La vente immobilière peut même prendre une forme plus sophistiquée. Notamment, elle peut correspondra à une VEFA ou vente en l’état de futur achèvement, par laquelle le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes, les ouvrages à venir devenant la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution et l’acquéreur payant le prix à mesure de l’avancement des travaux.
Il peut également s’agir d’une location-accession, par laquelle le vendeur s’engage envers un accédant à lui transférer, après une période de jouissance à titre onéreux (location) la propriété d’un immeuble moyennant le paiement (fractionné ou différé) du prix de vente et le versement d’une redevance jusqu’à la date de levée de l’option par laquelle le locataire se porte acquéreur du bien.
L’échange
L’échange permet aussi d’acquérir la propriété d’un bien immobilier. Les deux parties à l’échange (dénommées copermutants) se donnent respectivement un bien pour un autre. L’opération se réalise donc sans versement d’un prix. Toutefois, si les valeurs des deux biens échangés ne sont pas équivalentes, le copermutant qui reçoit plus que l’autre lui versera une somme d’argent dénommée « soulte » afin de rétablir l’équilibre. En matière immobilière, l’échange se rencontre le plus souvent dans le domaine rural : en particulier, les échanges de parcelles interviennent dans le cadre d’opérations de remembrement afin de reconstituer des domaines agricoles.
La donation
Comme la vente et l’échange, la donation est un contrat translatif de propriété qui produit ses effets du vivant des parties. Elle repose sur l’accord du donateur, qui donne, et du donataire, qui reçoit. Mais à la différence du vendeur ou du copermutant, le donateur se dépossède du bien au profit du donataire sans contrepartie et dans une intention libérale (gratuite). La donation développe donc des conséquences importantes : elle dépossède un propriétaire sans contrepartie ; elle peut porter atteinte à la réserve héréditaire (c’est-dire à la part de patrimoine que la personne doit laisser à certains de ses héritiers à son décès) etc. C’est pourquoi la loi impose sa passation par acte authentique, spécialement par acte rédigé devant notaire, puisque celui-ci est à même d’expliquer ses incidences aux signataires. Toutefois, il arrive que la donation soit « déguisée ». Tel est le cas lorsque l’acte gratuit prend l’apparence d’un acte onéreux. Par exemple, la donation du bien immobilier est dissimulée derrière une vente immobilière afin d’échapper au paiement des droits de mutation à titre gratuit. Dans cette dernière hypothèse l’Administration fiscale requalifie l’opération et opère un redressement fiscal.
L’usucapion (ou prescription acquisitive)
L’usucapion (également dénommée, par les juristes, « prescription acquisitive ») est une autre manière d’acquérir la propriété immobilière. Dans cette hypothèse, la possession pendant une longue durée d’un bien immobilier (par exemple une parcelle de terre) peut aboutir à son acquisition. D’abord, il est nécessaire que la possession soit suffisamment consistante et non ambigüe. Le possesseur exerce à la vue de tous, sans actes de violence, sans interruption longue, des actes matériels réguliers sur le bien (par exemple, des actes de défrichage, clôture, exploitation) alors que son statut ne le lui permet pas en principe (il n’agit ni en qualité de propriétaire, de membre d’une indivision, de copropriétaire… ni en qualité d’usufruitier, de fermier, de locataire…). Ensuite, la possession doit se prolonger un certain temps, la durée requise par la loi étant plus ou moins longue selon les circonstances. Lorsque le possesseur du bien d’autrui sait qu’il exerce des actes de possession sur le bien d’autrui, il est regardé comme de mauvaise foi et doit donc posséder le bien pendant au moins 30 ans pour pouvoir l’acquérir par usucapion. Lorsqu’il est de bonne foi et agit en vertu d’un titre (par exemple un acte de vente) qu’il croyait émané du véritable propriétaire, ce délai est réduit à 10 ans. A moins qu’avant l’expiration du délai requis, le véritable propriétaire ne réagisse et n’agisse en revendication contre le possesseur pour empêcher le jeu de l’usucapion et récupérer le plein usage de son bien.
L’accession
Autre mode d’acquisition de la propriété qui ne découle pas d’un contrat, l’accession est une extension du droit de propriété d’un bien aux accessoires de ce bien. En matière immobilière, elle est dite tantôt « artificielle » tantôt « naturelle ». Elle est « artificielle » lorsqu’elle postule l’action de l’homme. Ainsi, les constructions édifiées et les plantations cultivées sur un terrain appartiennent au propriétaire du terrain (le propriétaire de dessous est propriétaire de dessus). Des constructions édifiées et des plantations cultivées sur le terrain d’autrui vont donc appartenir à autrui. Par exemple, un époux finance l’édification d’une maison sur le terrain qui appartient à con conjoint ; celui-ci devient propriétaire de l’ensemble immobilier (à la fin du mariage, l’époux appauvri aura toutefois droit à un dédommagement monétaire). L’accession est « naturelle » lorsqu’elle résulte du seul fait de la nature. Par exemple, sous l’effet de courants changeants, les alluvions d’une rivière se déposent le long d’un terrain et appartiennent au propriétaire de ce fonds riverain qui se trouve ainsi agrandi.
Le testament (et legs)
L’acquisition d’un bien immobilier peut aussi découler de la volonté d’une personne. Par le testament, un testateur opère un legs : il dispose de l’un de ses biens en faveur d’une autre personne (dite légataire), sans contrepartie. A l’inverse de la donation, le testament est l’œuvre de la seule volonté du testateur et il n’est destiné à produire son effet qu’à son décès : c’est un acte unilatéral de disposition à cause de mort. Pour cette raison, la libéralité (le fait de transférer gratuitement à autrui la propriété du bien) qui en résulte est en principe révocable par son auteur jusqu’à son propre décès (il peut revenir sur sa décision). En outre, le testament est un acte solennel ; il doit respecter certaines conditions de forme : « olographe », il est écrit, daté et signé de la main du testateur ; « mystique », il est rédigé par le testateur et remis par lui au notaire sous forme de papier clos ; « authentique », il est dicté par le testateur au notaire. Le testament présente également des variantes quant à son objet. Il peut porter sur un ou plusieurs biens déterminés, par exemple un terrain déterminé (legs à titre particulier) ; ou sur une certaine quotité de ses biens, par exemple tous ses immeubles (legs à titre universel) ; ou sur la totalité de ses biens (legs universel). Dans ce dernier cas, s’il se trouve face à des héritiers réservataires qui viennent à la succession ab intestat du défunt, le légataire n’a toutefois vocation à recueillir les biens du testateur que dans la limite de la quotité disponible (la part du patrimoine du testateur décédé qui n’est pas réservée aux héritiers que la loi dits réservataires).
La succession
La succession (dite ab intestat) est un mode d’acquisition à cause de mort et à titre gratuit de la propriété mais, à la différence du legs par testament, elle est entièrement régie par la loi. En effet, au décès d’une personne, son patrimoine mobilier ou immobilier ainsi que ses dettes sont dévolus, en pleine propriété ou en usufruit, à une ou plusieurs personnes désignées par la loi selon leur lien de parenté avec le défunt. Certaines de ces personnes sont « héritiers réservataires » : le défunt ne peut pas les exclure de sa succession.
Brigitte Lotti
Novembre 2018