Conventionnement

L’une des pièces maîtresses de la réforme de l’aide au logement de la loi du 3 janvier 1977. Son principe est simple : pour donner droit à l’aide personnalisée au logement (APL), les logements locatifs doivent être couverts par une convention signée entre l’Etat et le bailleur.
Dans les autres logements, c’est le régime de l’allocation logement qui s’applique.
Cette convention doit être conforme à un texte type annexé au code de la construction et de l’habitation. Le nombre de ces conventions types varie sans cesse en fonction des produits immobiliers concernés (logements ordinaires neufs, améliorés ou acquis, logements-foyers, résidences pour personnes âgées…) et de la nature de contractants (personnes physiques, organismes d’HLM, SEM). Nous nous contenterons ici d’évoquer le conventionnement des logements sociaux et ceux détenus par les  propriétaires-bailleurs personnes physiques.

Le conventionnement HLM et la pérennité du parc social

Le conventionnement du parc social est né de la volonté de l’Etat d’encadrer au mieux les modalités de gestion du parc locatif social. En échange de l’ouverture du droit à l’APL pour les locataires des logements concernés, les conventions, signées par immeuble ou groupe d’immeubles, fixent les obligations du bailleur à l’égard de l’Etat (droits de réservation, information sur les travaux et les projets de session) et surtout des locataires (respect des plafonds de ressources, établissement du bail, droit au maintien dans les lieux, respect d’un loyer fixé dans la convention et des modalités de sa révision). Depuis la réforme de 1977, c’est donc la convention qui énonce les règles spécifiques au logement social pour la durée de sa validité.
Dans un premier temps, le conventionnement ne s’est appliqué qu’aux logements construits ou acquis et améliorés après la réforme, ainsi qu’à ceux ayant donné lieu à une opération d’amélioration ayant bénéficié du financement PALULOS (prime à l’amélioration des logement à usage locatif et à occupation sociale, supprimée en 2009). C’est ainsi que jusqu’en 1988 a cohabité dans le secteur HLM un parc récent ou amélioré ouvrant droit à l’APL avec un parc ancien non-conventionné, aux loyers moins élevés, mais dont les locataires ne bénéficiaient pas d’un régime aussi favorable d’aide à la personne. En ouvrant la possibilité de conventionnement sans travaux, le « bouclage » de l’APL entrepris à partir de 1988 a permis d’unifier presque totalement le statut du parc HLM, puis les barèmes des aides personnelles. Près de 95% des logements détenus par les organismes d’HLM sont désormais conventionnés et, depuis 1998, les organismes peuvent signer avec l’Etat des conventions cadres couvrant en un seul document l’ensemble de leur patrimoine situé dans un département.
Depuis 2002, date de l’unification des barèmes d’aide à la personne, le conventionnement n’influe plus sur le montant de l’aide au locataire.
L’une des questions que ce système soulève est celle de la pérennité du statut de ce parc. Elle est partiellement réglée par le fait que les conventions doivent durer au moins jusqu’à l’achèvement du remboursement du dernier prêt souscrit pour l’immeuble concerné et sont ensuite tacitement reconduites par périodes triennales. Mais les craintes soulevées par les pratiques de non-renouvellement des conventions par certains bailleurs ont conduit le législateur à introduire dans la loi solidarité et renouvellement urbains du 14 décembre 2000 des dispositions visant à rendre définitive, au-delà de la validité des conventions, l’application des plafonds de ressources, de l’encadrement des loyers et du droit au maintien dans les lieux pour les logements détenus par des organismes d’HLM, même en cas de vente des immeubles à un autre bailleur. Le seul moyen de faire sortir du secteur social un logement HLM est donc désormais de le vendre à un acquéreur qui ne soit pas un bailleur social.
La loi sur les Libertés et responsabilités locales d’août 2004 prévoyait la mise en place d’un conventionnement global de patrimoine par lequel les conventions classiques, groupe immobilier par groupe immobilier auraient été remplacées par une convention unique signée par le bailleur avec l’État, sur la base d’un « plan stratégique de patrimoine (PSP) ». Les difficultés de mise en œuvre de cette démarche ont conduit l’État à revenir sur cette obligation en lui substituant, à partir de la loi Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite « loi Molle », du 25 mars 2009) les conventions d’utilité sociale (CUS) pour une durée de 6 ans. Une deuxième vague de CUS a été menée en 2019 et 2020.
La CUS a pour objet de préciser :
– la politique patrimoniale et d’investissement de l’organisme (plan de mise en vente des logements, constructions, amélioration) ;
– la politique sociale de l’organisme, développée dans le cahier des charges de gestion sociale, (plan d’actions pour l’accueil des populations sortant des dispositifs d’accueil, d’hébergement et d’insertion … ) ;
– la politique de l’organisme pour la qualité du service rendu aux locataires.
Dans son acception majoritaire, le système français des HLM repose donc sur un conventionnement pérenne reconduit sans limite tant que le logement appartient à un organisme de logement social. Dans ce modèle majoritaire, la rupture de la convention ne peut intervenir que lorsque le logement est vendu à un autre type de propriétaire. Seul le système de l’usufruit locatif social (ULS) s’apparente à une notion de « logement social à durée déterminée », via un démembrement de la propriété d’une durée de 15 à 30 ans.
Le conventionnement du parc locatif privé relève également de cette logique de « logement social à durée déterminée ».

Le conventionnement du parc locatif privé

Tout bailleur a la possibilité de conclure avec l’Anah (Agence nationale de l’habitat) une convention par laquelle il s’engage, pour une durée minimale de 6 ou 9 ans, à louer son logement en respectant certains plafonds de loyers, de ressources des locataires et, le cas échéant, certaines conditions de choix des locataires. Il bénéficie en contrepartie d’un avantage fiscal dit initialement “Borloo ancien”, puis “louer abordable”, voire “Cosse ancien”, et depuis février 2022 « Loc’Avantages » d’autant plus important que le plafond de loyer qu’il accepte est plus bas.
Les conventions peuvent être signées à l’occasion de travaux bénéficiant par ailleurs d’aides de l’Anah, ou sans travaux. L’avantage fiscal est fonction du niveau de conventionnement (intermédiaire, social ou très social, correspondant à des plafonds de ressources et de loyers différenciés). Les logements conventionnés Anah social ou très social sont comptabilisés dans les obligations des communes en matière de logement social, dans le cadre de l’article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbains (14 décembre 2000)
La décision de conventionner est très liée à la situation du marché locatif local ; elle donne lieu à un calcul économique par lequel le propriétaire mesure les avantages et inconvénients à bénéficier de l’avantage fiscal. Les collectivités territoriales impliquées dans les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) abondent parfois ces aides pour favoriser le conventionnement.
Ces avantages et conditions n’ont pas véritablement conduit à la création massive d’un nouveau secteur privé à vocation sociale. En 2022, l’Anah a signé un peu moins de 6 500 conventions Loc’Avantages sociales et très sociales. Dans la grande majorité des cas, les propriétaires ne trouvent en effet pas leur compte dans l’équilibre entre aide fiscale et contraintes de loyers.

Jean-Claude Driant
Février 2023

agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, aide à la personne, « Le financement du logement », « Le logement social », opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH), programmation (des aides à la pierre)

Auteur/autrice

  • Jean-Claude Driant

    Professeur émérite à l'Ecole d'urbanisme de Paris (Université Paris-Est Créteil). Spécialiste de l'habitat, Jean-Claude Driant consacre l'essentiel de ses recherches et enseignements à la socio-économie du logement, aux politiques nationales et locales de l’habitat, au parc locatif social et au fonctionnement des marchés immobiliers. Avant d'intégrer l'enseignement supérieur, il a travaillé pendant six ans pour un bureau d'études spécialisé, parallèlement à la préparation d'une thèse sur les conditions d'habitat dans les quartiers populaires de Lima (Pérou).Travaillant régulièrement en coopération avec des services de l'État, des collectivités territoriales et divers acteurs du logement, il est l'auteur d’ouvrages, et d’articles consacrés au logement en France. Ses travaux actuels et futurs portent principalement sur les articulations entre le fonctionnement des marchés locaux du logement et la mise en œuvre des politiques territoriales impliquant l'habitat. Il est membre de la commission nationale des Comptes du Logement, du conseil de l'Observatoire national de la Pauvreté et de l'Exclusion sociale (ONPES), du conseil de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) ; il participe à divers travaux du Conseil national de l’information statistique (CNIS) et aux conseils d’administration de divers organismes du domaine du logement. Il participe au comité de pilotage du rapport annuel sur le mal logement de la Fondation Abbé Pierre.