Spéculation

La spéculation «  consiste à faire des choix qui engagent sur le futur, en anticipant certaines évolutions, et en prenant le risque que ces anticipations ne se réalisent pas. C’est pourquoi le spéculateur attend une rentabilité importante de son engagement, pour rémunérer le risque qu’il prend. Il n’investit pas, il engage des fonds en vue de revendre et de réaliser une plus-value ».

Cette définition extraite du Portail de l’économie et des finances s’applique parfaitement aux marchés financiers et des matières premières, dont la forte volatilité des cours et l’efficience (information sur les prix, brièveté et faible coût des processus de transaction) autorise des  espoirs de profits substantiels à très court terme. En revanche, les transactions immobilières  se prêtent mal à la spéculation en raison de leurs délais de réalisation (deux à trois mois) et de leur coût élevé : le total de la rémunération du notaire et des droits de mutation représente environ 7% du prix de vente, sans compter la commission d’agence (environ 4 à 5 %) si un intermédiaire intervient. Les opérations d’achat-revente rapide sont de facto réservées aux marchands de biens et ne concernent qu’une part infime du marché du logement. L’image du spéculateur immobilier qui achèterait des logements qu’il laisserait vides en attendant que les prix montent correspond, au mieux, à une réalité anecdotique.
La spéculation foncière est souvent rendue responsable de l’augmentation des prix des terrains à bâtir, qui se répercute sur ceux des logements. L’expression s’applique au comportement des détenteurs de terrains qui, face à une offre d’achat, refusent de vendre au prix proposé parce qu’ils anticipent une hausse. Il faudrait plutôt parler de rétention foncière, car il n’existe pas à proprement parler de marché des terrains à bâtir : le propriétaire n’a en général pas acheté le terrain pour le revendre avec un profit, il le détient le plus souvent depuis longtemps et attend qu’un acheteur se présente. Il se contente donc d’encaisser une rente foncière la plus élevée possible, sans prendre aucun risque.
Le classement d’un terrain en zone constructible dans le Plan local d’urbanisme (PLU) lui confère une valeur sans commune mesure avec celle d’un terrain agricole. Des personnes informées à l’avance d’un changement de classement peuvent donc être tentées d’acheter des terrains qui deviendront constructibles pour les revendre avec profit. Si le mot de spéculation est parfois employé pour décrire ce type de comportement, c’est à tort : il s’agit en fait d’un délit d’initié sanctionnable par les tribunaux.
Dans une acception plus large, le mot de spéculation peut s’appliquer à toute décision motivée par l’anticipation d’une variation de prix. Ainsi, l’accédant à la propriété qui décide d’avancer la réalisation d’un projet, de crainte de ne pouvoir le réaliser plus tard du fait de la hausse des prix, a un comportement spéculatif. Ce type de comportement qui, lui, n’est en rien anecdotique, est à l’origine de la formation de bulles immobilières : la hausse des valeurs constatée provoque une augmentation de la demande qui, à son tour, contribue à la poursuite, voire à l’accélération de la hausse.

Jean Bosvieux
Février 2015

Investissement immobilier, Plus-value immobilière, Rente foncière

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.