Titre
Héberger les vulnérables, éloigner les indésirables : trajectoires de prise en charge des familles immigrées sans abri à Paris
Université
Paris 1
Date de soutenance
26/11/2019
Directeur/trice de thèse
Patrick Simon
Résumé
Cette thèse a pour objet la prise en charge des familles immigrées en situation de sans-abrisme, qu’elles aient ou non recours aux dispositifs de l’urgence sociale parisiens. Cette recherche répond à plusieurs objectifs. Premièrement, elle propose une analyse des expériences de sans-abrisme des familles immigrées à Paris, objectivées à partir d’enquêtes quantitatives et d’entretiens avec des familles. La thèse éclaire les processus de disqualification sociale dont ces familles font l’objet. En effet, les familles immigrées ne disposent pas des mêmes ressources que les autres familles sans abri, et s’inscrivent dans des trajectoires différenciées, à la fois du fait de leurs dispositions constituées dans le pays d’origine et de leur traitement institutionnel. C’est tout particulièrement le cas des familles étiquetées comme Roms, dont les conditions d’existence, associées à un fort stigmate ethnoracial, réduisent considérablement les probabilités d’obtenir un hébergement pour échapper à la rue. Les difficultés à trouver une place en hébergement sont fortement conditionnées par le contexte institutionnel qui les singularise. Deuxièmement, cette recherche analyse l’évolution des politiques sociales à destination des populations sans abri, et notamment des familles immigrées. La segmentation des dispositifs d’hébergement s’inscrit dans des politiques de gestion de la pauvreté, qui ont longtemps oscillé entre aide sociale et répression. L’embolie chronique des dispositifs de prise en charge pour sans-domicile affaiblit le principe d’inconditionnalité d’accès à l’hébergement et condamne son application. Face au manque de place, les logiques de tri et de hiérarchisation des familles reposent sur une évaluation de la vulnérabilité dans laquelle le stigmate culturaliste a un effet négatif dans la prise en charge. Enfin, ce travail analyse les rapports sociaux et les tensions qui se nouent autour de la prise en charge de ces populations dites vulnérables. Les familles sans abri, considérées comme des acteurs sociaux, se débrouillent avec les compétences acquises au cours de leurs trajectoires. En effet, les marges d’autonomie dont elles disposent face à l’absence de logement et leurs moyens de négociation avec les institutions dépendent en partie des capitaux économiques, sociaux et culturels détenus, ainsi que du temps passé dans la carrière de survie. Entre volonté d’insertion et renoncement, les familles, notamment roms, n’adhèrent pas de la même façon aux dispositifs.
Mots-clés
Sans abri, roms, immigration, pauvreté, vulnérabilité