A propos de l’article de Mathilde Poulhès “Le poids du logement : une comparaison France-Allemagne”
Dans son commentaire l’auteure passe en revue les raisons qui peuvent expliquer un tel écart et distingue “les mauvaises raisons”, les explication partielles et celles qui n’en sont pas. Parmi les explications partielles est mentionnée celle qui tient aux différences de statut, c’est-à-dire aux proportions différentes entre locataires et propriétaires entre les deux pays: 64% de propriétaires en France contre 53% en Allemagne (calculés ici au niveau individuel et non au niveau des ménages, comme le fait Eurostat et à la différence de la présentation généralement retenue en France ). Cet écart est en effet bien documenté, et souvent invoqué pour expliquer les différences observées entre les deux pays pour le fonctionnement du marché immobilier et le niveau des prix. On peut tenter d’évaluer l’incidence de ce facteur sur l’écart de taux d’effort à partir des chiffres fournis par la note de Mathilde Poulhès : on calcule ce que serait le taux d’effort moyen allemand si on appliquait à chaque catégorie les taux d’efforts observés en Allemagne, mais en les pondérant avec les proportions françaises. En sens inverse, on peut calculer ce que serait le taux d’effort moyen français si on appliquait à chaque catégorie les taux d’efforts observés en France, mais en les pondérant avec les proportions allemandes. C’est ce qui est fait dans le tableau ci-dessous :
Calcul de l’incidence des différences de statuts sur les différences de taux d’effort France/Allemagne
Ainsi, selon le sens dans lequel se fait le calcul, l’incidence va de 1,21% à 2,92%, part dans les 2 cas réduite de l’écart global de 10 points dont on cherche l’explication. Il ne semble pas que les autres explications partielles qui sont repérées dans la note (surface des logements, dépenses énergétiques ou structure démographique) soient dans des ordres de grandeur qui pourraient expliquer au moins 7 points d’écart. Aussi, les résultats, surprenants, restent largement inexpliqués.
D’autres éléments ajoutent à la perplexité : tout d’abord le taux d’effort indiqué en Allemagne pour les propriétaires non accédants : 22%. Est-il crédibles que les propriétaires allemands ne supportant plus la charge d’emprunt consacrent encore aux seuls frais de maintenance et d’entretien plus de 1/5ème de leur revenu ( 9% dans le cas français) ?
Dans le même sens, l’évolution observée sur la courbe chronologique entre les années 2005 et 2006 pour l’Allemagne pose problème. Le taux d’effort est un ratio entre deux termes de forte inertie, le revenu des ménages et le coût du logement. Il ne peut donc, à définition constante évoluer que lentement. Une variation entre 2005 et 2006 de plus de 10% pour la moyenne et de 8% pour la médiane recouvre à coup sûr une aberration.
Au total, on ne peut qu’accentuer les réserves que formule l’auteure sur la portée et la signification des chiffres diffusés par Eurostat, et considérer qu’une comparaison solide entre les situations allemandes et françaises, qui serait riche d’enseignements, nécessite encore bien des travaux.
Arnaud Bouteille
Janvier 2019
Le poids du logement : une comparaison France-Allemagne, par Mathilde Poulhès