Des coûts de construction très différents selon le type d’immeuble

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Le coût de construction est, à côté de celui du terrain, une composante décisive dans la formation du prix du logement neuf. Beaucoup de facteurs influent sur les valeurs qu’il peut prendre. Le coup de projecteur présenté ici vise à éclairer comment ce coût varie avec le type d’immeuble construit, maison ou immeuble collectif dans leurs principales variantes en se plaçant du point de vue du maître de l’ouvrage.

Que recouvrent les coûts de construction ?

Les montants indiqués sont donc ceux qui ressortent des comptes du donneur d’ordre, à l’initiative de la construction d’un nouvel immeuble.
Pour éviter des confusions souvent rencontrées, on doit se donner une définition stricte de ce qui est recouvert par les données observées. Celle ici retenue correspond à ce qui est appelé “coûts techniques” chez beaucoup de professionnels et qui recouvre la somme de ce que le maître d’ouvrage doit payer à des prestataires spécialisés, les “locateurs d’ouvrage”, pour que, sur un terrain qui lui appartient, soit conçu et construit un nouvel immeuble. Cela comprend donc :
– les missions confiées à des prestataires intellectuels, pour concevoir le nouvel immeuble et conduire sa réalisation : architectes, bureaux d’études techniques, maître d’œuvres d’exécution, pilotes de chantier, contrôleurs techniques ;
– les marchés de travaux passés avec des entreprises de BTP, que ceux-ci soient passés « en entreprise générale” – c’est à dire globalement à une entreprise principale qui sous-traite à des corps d’états spécialisés – ou « par corps d’état séparés”- le maître d’ouvrage a alors un lien de droit direct avec chacun des corps d’état qui interviennent.
Cela ne contient donc pas les autres frais du maître d’ouvrage, qui peuvent être considérables :
– les taxes liées à la construction et les droits forfaitaires exigés pour le raccordement aux réseaux ;
– les prestataires assistant le maître d’ouvrage pour des tâches qui ne sont pas directement liées à la construction de l’immeuble (comptables, conseils divers, courtiers) ;
– les assurances relevant du maître d’ouvrage (mais celles des prestataires sont inclues dans leurs marchés) ;
– les frais financiers ;
– les frais commerciaux, pour les maîtres d’ouvrage qui construisent pour vendre ;
– la TVA. L’incidence de la TVA varie selon la nature des maîtres d’ouvrage et leur place dans le processus de production. Pour neutraliser cette source de différence, les montants présentés sont tous exprimés hors taxes ;
– les frais généraux du maître d’ouvrage.
La construction de maisons “à l’unité” nécessite une définition particulière. En effet, dans ce cas, qui représente toujours plus de la moitié de la surface de plancher neuve construite chaque année en France, le maître d’ouvrage stricto sensu est le particulier qui est, ou se rend, propriétaire du terrain et y fait construire une maison. Pour cette construction, dans la très grande majorité des cas, il a recours à un constructeur de maisons individuelles, professionnel spécialisé appelé CMI dans le jargon professionnel – “pavillonneur” par ceux qui ne l’aiment pas. Celui-ci n’est pas, à proprement parler, un entrepreneur de bâtiment, il ne dispose pas de personnel de chantier ni de matériel technique mais c’est un ensemblier, qui prend la responsabilité globale de la construction et a lui-même recours aux entreprises et locateurs d’ouvrages. Il y a alors, entre lui et le particulier qui “fait construire”, passation d’un contrat de construction de maison individuelle, dont la plupart des clauses sont fixées par la loi et d’ordre public. Ce contrat définit une obligation globale de résultat pour le CMI, recouvrant pour une part des coûts qui relèvent des autres frais du maître d’ouvrage dans les autres processus, promotion immobilière ou construction par un bailleur locatif. Retenir dans l’analyse le montant global de ce contrat fausserait donc la comparaison. Aussi, dans ce cas de la maison à l’unité avec intervention d’un CMI, les coûts de construction sont observés dans les comptes du CMI, considéré comme le maître d’ouvrage d’un point de vue économique.
Reste, pour les maisons, le cas des particuliers qui n’ont pas recours à un CMI, et passent effectivement des contrats distincts avec les locateurs d’ouvrage. Ils sont très minoritaires, le montant de leur projet est généralement plus élevé et les sources d’information sur les prix pratiqués sont très incertaines. Ils ne sont pas pris en compte dans les résultats présentés ici dont le champ, nonobstant cette lacune dont le volume est restreint, couvre plus de 90 % de la construction neuve de logements.
La qualité des prestations incorporées à l’immeuble construit a une incidence sur le coût. Pour rendre les choses comparables, les chiffres présentés sont calés sur les standards les plus courants intégrant les évolutions réglementaires des dernières années, et en particulier :
– isolation et systèmes de chauffage remplissant les obligations de la réglementation thermique RT 2012 ;
– pas de climatisation ;
– hauteurs sous plafond standard de 2,50 m, sols en parquets collés ou équivalent dans les pièces de vie, carrelages dans les pièces humides .
– équipement standard des salles d’eau. Pas de cuisine “équipée”, ni aucun ameublement.
A noter que l’observation porte sur des logements familiaux classiques, en maison ou en appartement, en excluant les résidences spécialisées et les différentes formes de logements-foyers. En outre les coûts intègrent l’obligation que le nouvel immeuble offre une place de stationnement de véhicule par logement, minimum exigé comme condition d’obtention du permis de construire jusqu’à une date récente (dans de très nombreux cas, c’est davantage). Depuis la loi ALUR cette contrainte, qui est une composante importante du prix, s’est allégée pour certains maîtres d’ouvrage, et dans certaines localisations. Cet assouplissement est trop récent et reste trop exceptionnel pour être intégré dans les chiffres présentés. Pour en ramener l’incidence à la surface construite, les résultats exposés prennent en compte 1 place pour 105 m² pour les maisons, et 1 place pour 60 m² pour les appartements en immeuble collectif, en considérant les surfaces moyennes des logements dans chacun de ces cas.

Une typologie selon la hauteur et la complexité

Pour mettre en évidence les différenciations, les observations sur les prix sont rattachées à une typologie simplifiée comportant 6 types d’immeuble. Ces types sont sommairement décrits à la figure 1, et l’on voit qu’ils correspondent, dans le sens croissant de la numérotation, à des hauteurs et donc généralement à des densités croissantes des constructions. Directement liées à ces densités, les solutions pratiques de stationnement diffèrent selon les types, car les densités auxquelles correspondent les types de rang les plus élevés imposent que la réalisation des parkings nécessaires soit faite en sous-sol, sur un ou plusieurs niveaux selon les cas.
Est également précisé dans la typologie ce qui concerne les accolements des immeubles (accolements parfois improprement appelés “mitoyennetés”). En effet, on relève que le fait que la construction nouvelle comporte un côté accolé à un immeuble préexistant, avec l’obligation de préserver sa stabilité et de conduire le chantier sans trop nuire à son usage, est un facteur d’augmentation des coûts, augmentation croissant rapidement avec le nombre de niveaux de sous-sols de la construction nouvelle. Ce facteur d’augmentation est évidemment amplifié lorsque le nouvel immeuble est accolé des deux côtés à des immeubles préexistants, cas très fréquent des “dents creuses” en zone urbaine.
Le choix a en outre été fait de rapporter les coûts observés au mètre carré habitable, c’est à dire à la surface privative intérieure des logements, déduction faite de l’emprise des cloisonnements. Ce choix doit être gardé à l’esprit, car d’autres études retiennent d’autres paramètres de mesure, comme la surface hors œuvre nette (la fameuse SHON), ou encore la surface de plancher (SDP) depuis son introduction dans la réglementation en 2011. Ces paramètres ont certes l’avantage d’être facilement accessibles dans les études statistiques car figurant toujours dans les autorisations administratives, mais ils intègrent les surfaces de plancher correspondant aux parties communes des immeubles collectifs hors celles de stationnement. Ces parties communes sont donc celles correspondant aux entrées d’immeubles, aux couloirs et coursives de distribution avant d’arriver à la porte de chaque lot privatif. Elles sont donc inexistantes pour la maison individuelle, et pour les immeubles collectifs elles sont d’autant plus importantes au regard de la surface habitable privative que l’immeuble est de grande taille et surtout que sa forme est contrainte par la configuration du parcellaire. Il semble clair que la surface habitable privative et intérieure de chaque lot (on dit parfois la surface balayable) est la grandeur qui exprime le plus justement le service ressenti par l’habitant quant à la taille de son logement. Accessoirement ce choix affranchit, pour les études conduites sur de longues périodes, de la rupture de définition induite par la nouvelle réglementation de 2011.
On doit s’arrêter sur les sources des données chiffrées qui sont présentées : pour les immeubles collectifs, elles sont issues de « balances financières par programme” que la pratique professionnelle conduit pratiquement tous les maîtres d’ouvrage à établir pour chaque projet, et qui sont examinées et discutées dans les comités d’engagement ou comités d’investissement, qu’il s’agisse de promoteurs privés ou de bailleurs sociaux. Une source complémentaire est constituée par les dossiers détaillés et justifiés que les promoteurs sont amenés à présenter pour obtenir les prêts à court terme dits “prêts d’accompagnement”, qui leur sont indispensables pour acheter le terrain et financer les travaux en attendant que les appels de fonds auprès des acquéreurs ne prennent le relais. Ces prêts sont délivrés par des banquiers spécialisés, ou par des départements spécialisés de grandes banques généralistes qui, pour évaluer les demandes de crédit qui leur sont faites, ont progressivement imposé des standards de présentation, ce qui explique que ces “balances financières prévisionnelles”, se retrouvent sous des formes très voisines et comparables chez presque tous les promoteurs. Les dossiers exploités couvrent les différentes régions, exclusivement en France métropolitaine, et des observations sur près de 3 décennies, pour des maîtres d’ouvrage diversifiés, aussi bien des bailleurs sociaux que des promoteurs privés, observations toutes ramenées en valeur 2018 en utilisant l’indice INSEE du coût de la construction (ICC). Pour les maisons construites par des CMI, les données sont issues de l’analyse de leurs catalogues, et de contrats de CMI effectivement réalisés, rapprochés de l’analyse de leurs comptes d’exploitation pour évaluer le poids de leurs coûts directs dans la formation de leurs prix de vente. Que ce soit pour les immeubles collectifs ou pour les maisons, on est donc très loin d’un échantillonnage de représentativité contrôlée, mais ce qui est présenté est le reflet des pratiques et références des acteurs professionnels et des points de repère qui guident leurs décisions dans chacune de leur spécialité. Il s’agit donc de données « à dire d’expert”, dont il serait inapproprié de tirer médianes, moyennes ou écarts-types, mais dont on ne doit considérer que les ordres de grandeur. C’est pourquoi dans les résultats présentés, sont seulement indiquées les plages de valeur selon les types d’immeubles, plages à l’intérieur desquelles se rencontrent les observations. Cette information « rustique” n’est significative que du fait des différences très marquées qui ressortent à l’intérieur de la typologie présentée.

Les coûts de construction augmentent très fortement avec la hauteur et la complexité

Sous l’éclairage de ces préliminaires, les plages de valeurs selon les types sont les suivantes :

On doit remarquer d’abord l’amplitude de chacune des plages : pour un même type d’immeuble le rapport entre le montant le moins élevé et le plus élevé est au minimum de 1,4 – maison de plain pied – , il est croissant avec la hauteur et la complexité et atteint 1,7 pour le type 6. Cela traduit une forte dispersion des coûts pour un même type, dispersion qui reflète des particularités locales de l’organisation du BTP, mais aussi le rôle d’autres paramètres non pris en compte dans la typologie retenue. Ainsi de la nature du sol, de la configuration du parcellaire, de certains choix constructifs.
Pour autant, cette grande dispersion des coûts pour un même type s’accompagne de différences très tranchées d’un type à l’autre, et c’est le résultat essentiel de cette approche. Comparées entre elles, les plages présentent en effet un recouvrement limité, voire pas de recouvrement du tout, ce qui met en évidence une croissance continue et forte avec la hauteur de l’immeuble et sa complexité. Ainsi, les valeurs planchers du coût de construction au m2 habitable se multiplient par un facteur 2,5 en passant du type 1 au type 6, de la maison de plain-pied au collectif urbain dense. Le multiplicateur est de 3 si on considère les valeurs plafonds.
Si la progression du coût est continue d’un type à l’autre, on remarque en outre une division entre deux groupes, les types 1 à 3 d’une part et les types 3 à 6 d’autre part, chacun relativement homogène mais fortement différenciés par la forte hausse constatée entre le type 3 et le type 4. Cette forte hausse coïncide avec l’apparition de la contrainte que les parkings nécessaires soient construits en sous-sol, confirmant que ce paramètre joue un rôle important dans la progression décrite.

Les liens avec la densité : construire dense, c’est construire cher

Si on retient que dans la typologie retenue, la numérotation croissante des types est globalement liée à des formes urbaines dont la densité est croissante, le constat fait sur les prix de construction se relie bien avec ce qu’on a observé par au cours des dernières décennies dans l’évolution des tissus urbains et les marchés immobiliers. Dans la mécanique de formation des prix du foncier et des marchés immobiliers, la façon dont ces coûts de construction croissant avec la densité influencent le jeu des acteurs est complexe, mais on peut en repérer les traits essentiels : le prix total d’un immeuble neuf, ramené au m² habitable, est principalement déterminé par la somme du coût de construction analysé ci-dessus, et l’incidence du prix du foncier, également ramenée au m² habitable. Le premier terme, on l’a vu, croît avec la densité. Le second, pour un prix de terrain donné, décroît évidemment avec la densité. Plus le nombre de m2 habitables est élevé, moins l’incidence foncière pèse sur le prix total ramené au mètre carré de surface habitable.

[typography font= »Cantarell » size= »14″ size_format= »px »]Repérer des causes ?[/typography]
[typography font= »Cantarell » size= »14″ size_format= »px »]Le présent papier est centré sur les coûts observés. Il ne propose pas une explication de la différenciation que cette observation met en évidence. Celle-ci est parfois considérée comme contre-intuitive. Beaucoup s’attendent en effet à ce que la multiplication des niveaux construits permette de mieux répartir les coûts de fondation ou de toiture. Ou encore que des chantiers plus importants en collectif permettent de dégager des économies d’échelle.
Sans être en mesure d’énumérer toutes les causes qui aboutissent à des réalités en sens inverse, ni de quantifier leurs poids respectif, on peut repérer quelques éléments déterminants :
– ce ne sont pas les mêmes profils d’entreprise qui interviennent. La construction des maisons, et dans une certaine mesure des petits collectifs est le champ exclusif d’intervention d’entreprises artisanales ou quasi artisanales. Ces entreprises connaissent des coûts de structure plus faibles que les entreprises plus importantes, seules à même de traiter les marchés de collectifs ;
– on ne voit guère d’économie d’échelle dans le bâtiment, les “séries” sont sans commune mesure avec ce qui dégage ce type d’économie dans l’industrie. L’exception pourrait être l’amortissement des installations de chantier, mais ces installations sont presque inexistantes pour la maison à l’unité ;
– la construction courante s’est progressivement modernisée par le recours accru aux composants proposés par l’industrie, et c’est là que se rencontrent les économies d’échelle. Ainsi des menuiseries, des cloisonnements, des huisseries, des pieuvres électriques, d’une partie de la plomberie, des équipements de chauffage etc…, et ces composants sont également accessibles aux petites entreprises comme aux grandes. Ces dernières ne disposent pas de technologies dont l’accès leur soit réservé ;
– l’obligation de disposer d’un parking par logement, et d’en incorporer le coût à celui de la surface habitable correspond à une réalité encore incontournable. Elle pèse très lourd dans la formation du coût de construction dès qu’elle nécessite un ou plusieurs sous-sols.
• Le fait de ramener les coûts à la surface habitable plutôt qu’à la surface de plancher construite. Les immeubles complexes doivent développer des parties communes plus importantes, dégradant le ratio surface habitable/surface de plancher. Cette dégradation peut être fortement aggravée dans les zones denses dans le cas, très fréquent, de parcelle biscornues ;
– le fait enfin de situer la comparaison au bon niveau, celui des comptes des maîtres d’ouvrage et pour la maison celui des CMI.
La prise ne compte des trois derniers points est essentielle. Ainsi un travail relativement récent du CGDD (Bastien Virely et Bruno Vermont « Un habitat plus compact et moins énergivore : pour quels coûts de construction? » Etudes et documents du CGDD n°135 Déc.2015), travail fondé sur un appareil statistique élaboré et contrôlé, paraissait aboutir à des conclusions différentes de celles ici proposées. La discussion approfondie de ce travail avec les auteurs, discussion reprise dans La Revue Foncière (n°12  – juillet-août 2016), a montré que les conclusions ci-dessus n’étaient pas contredites, dès lors que l’on adoptait le même calage.
Enfin, les références ici données sont étroitement hexagonales. Pour autant des exemples repérés à l’étranger, notamment en en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, donnent à penser que, autour d’un niveau général de coûts des construction propre à chacun de ces pays, les différenciations selon les types se présentent de façon analogue.
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Le graphique ci-dessous représente de façon très simplifiée comment ces deux facteurs se combinent pour aboutir au prix total, pour un terrain au prix de 100 €/m2. De façon schématique et évidemment très approchée, on a admis que la croissance observée du coût de construction avec la hauteur et la complexité se traduisait par une croissance linéaire de ce même coût de construction avec la densité. Le coût total, addition des incidences du foncier et du coût de construction, varie donc lui aussi avec la densité. Il passe  par un minimum, qui correspond alors  à une densité optimale d’un point de vue économique. Dans l’exemple présenté qui correspond à un prix très modéré de terrain constructible cette densité optimale  est un peu inférieure à 0,5. Si on présentait les mêmes graphiques pour des valeurs supérieures du foncier, on verrait que dans chaque cas  se présente un minimum de coût total, mais que le point où il se produit se déplace, au fur et à mesure que le prix du terrain augmente, vers la droite et vers le haut. Cela met en évidence que, pour chaque valeur de foncier, existe un optimum de coût total, pour lequel l’augmentation du coût de construction est compensée au mieux par la réduction de l’incidence foncière. A un coût de foncier plus élevé correspond un optimum de densité plus élevé. La densité optimale est croissante avec le prix du foncier mais alors, ce coût foncier “optimisé“ ramené à la surface habitable se combine avec un coût de construction augmenté, ce qui aboutit alors à un prix total lui-même rapidement croissant.

Les conséquences qui en résultent se recoupent bien avec l’observation :
– dans les agglomérations où se trouve en périphérie accessible une relative disponibilité foncière, l’investissement d’habitat le plus économique, terrain plus construction, est la maison individuelle. On a là un facteur explicatif fort du développement de l’habitat péri-urbain ;
– lorsque, dans la ligne aujourd’hui encouragée ou imposée par les évolutions législatives, les règles d’urbanisme sont modifiées pour autoriser des densités plus fortes, cette faculté n’est utilisée par les nouveaux projets qu’en restant dans la limite de l’optimum correspondant au marché immobilier local. Dans les marchés immobiliers de prix modérés cet optimum est bas, ce qui explique que dans cette configuration, beaucoup de demandes de permis de construire n’utilisent pas toute la densité autorisée. C’est ce qu’on observe en particulier dans nombre de zones centrales d’agglomération de taille moyenne, ou encore dans la première couronne des agglomérations métropolitaines, hors Paris où les prix immobiliers très élevés concernent aussi la première couronne ;
– on ne construit dense (par exemple densité parcellaire supérieure à 2) que dans les zones où les prix de l’immobilier construit sont déjà élevés, et très dense (densité parcellaire supérieure à 3) que dans les zones très chères.

Ces mécanismes économiques, qui sont la conséquence des différenciations de coûts de la construction selon la hauteur et la complexité de l’immeuble, pèsent donc fortement sur les modalités selon lesquelles se font le développement et le renouvellement de l’espace bâti résidentiel. Ils ne sont certes pas les seuls à prendre en compte dans les décisions touchant à la politique urbaine et à l’habitat, mais les ignorer expose à de graves mécomptes. Le bilan des décennies de politiques visant à s’opposer au développement périurbain en est un exemple.

Arnaud Bouteille
Décembre 2019

 

 

Auteur/autrice

  • Arnaud Bouteille

    Ingénieur ETP (IG 64), DES Economie du CNAM, diplômé ICH, Arnaud Bouteille a plusieurs décennies d’expérience dans la construction, l’aménagement et la promotion immobilière à des postes de direction, au sein de structures importantes para-publiques ou purement privées. Il a créé en 1997 et animé jusqu’en 2016 FIDERIM, opérateur de construction original, intervenant principalement en partenariat avec des promoteurs indépendants, en leur apportant des compléments de moyens financiers et de savoir-faire. FIDERIM a réalisé près de 100 programmes depuis sa création. Depuis 2008 administrateur bénévole d’un important bailleur social.

3 réflexions sur “Des coûts de construction très différents selon le type d’immeuble

  • 9 décembre 2019 à 09:32
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    Merci pour cet article très intéressant, par ses données et par ses conclusions.
    Je vois deux questions absentes de la démonstration alors qu’elles ont part au problème :
    1° Le prix du foncier est donné dans l’article comme une variable exogène, indépendante de la densité projetée par le constructeur ; pourtant la théorie postule une relation (via le compte-à-rebours) entre la constructibilité d’un foncier et sa valeur marchande.
    2° Quel est le calcul du promoteur ? Cherche-t-il systématiquement à maximiser le bénéfice au m2 habitable, ce qui devrait l’amener à préférer « l’optimum » de densité modélisé dans l’article ? Ou bien peut-il préférer construire davantage, avec un bénéfice au m2 moindre, par exemple pour amortir des coûts de structure, ou bien pour d’autres motivations pas forcément strictement utilitaristes au sens économique ?

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  • Ping : Plaidoyer pour des maisons modestes distanciées dans les campagnes | Politique du logement.com

  • 5 mars 2023 à 18:59
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    Une erreur logique dans ce schéma, est que le prix du foncier est accroché à la réglementation de l’urbanisme: plus on peut construire, plus le foncier qui n’est pas réglementé dans ce pays, est cher. Ne peuvent échapper à cette règle que les réserves foncières de la collectivité, actuellement bradées aux spéculateurs. Cherchez l’erreur.

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