La question SDF, de Julien Damon.

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Julien Damon, « La question SDF », PUF, janvier 2021

Julien Damon a publié récemment la troisième édition de son ouvrage écrit il y a vingt ans sur « La question SDF », la précédente datant de 2012.
De qui parle-t-on ? Comment expliquer le phénomène, quelle forme prend l’action publique dans le champ de la protection sociale pour y répondre ? Telles sont les principales questions auxquelles l’ouvrage a tenté de répondre dès la première édition. Forte de ce travail d’analyse historique et sociologique simultanée des politiques publiques menées et des publics concernés, la troisième édition, comme celle parue en 2012, signale les évolutions qui ont marqué ces 20 dernières années.
Si l’auteur estime qu’il n’y a pas eu de rupture dans les politiques menées, il montre en revanche que le public concerné s’est considérablement modifié, notamment avec une proportion croissante de personnes issues de pays situés hors de l’union européenne. C’était le cas de 78% des sans-abri hébergés en 2019 en Ile-de-France, si l’on se réfère à la seule enquête fiable menée pendant une nuit d’hiver[1].
Les structures d’hébergement destinées à leur venir en aide se sont développées, la dépense de l’Etat a considérablement progressé pour atteindre plus de 3 milliards d’euros, les instances de prévention, d’orientation, de préconisations, de concertation entre l’Etat et le secteur associatif se sont multipliées. Malgré ces efforts considérables pour mieux assister les personnes, force est de constater que l’on est loin de l’objectif zéro SDF.
Sans nier l’importance et les effets des actions menées, Julien Damon émettait cinq recommandations qui conservent leur pertinence à ses yeux :
– décentraliser la politique de prise en charge des sans-abri : une stratégie nationale par objectifs mais des réponses par des offres d’hébergement territorialisées,
– simplifier l’offre d’hébergement et de logement en trois niveaux : l’urgence, le logement accompagné et le logement social,
– créer une agence européenne du sans-abrisme pour traiter notamment de la situation des ressortissants de pays non-européens,
– clarifier les relations entre l’Etat et le secteur associatif compte tenu de leur interdépendance pour mener les actions en faveur des SDF,
– se fixer des objectifs quantifiés pour cadrer et mesurer l’efficacité des actions menées.
Cette dernière recommandation peut surprendre, dès lors que malgré des efforts considérables dans l’assistance aux personnes, on est toujours aussi loin de l’objectif zéro SDF. S’agit-il pour autant d’un slogan électoral ? C’est peut-être que certaines politiques ne peuvent se juger qu’en fonction de résultats « intermédiaires ». Tous ceux qui travaillent dans ce domaine rencontrent la même difficulté et certaines expériences, comme aux États-Unis prennent appui sur une notion de « zéro fonctionnel », traduisant le fait que le nombre de personnes sans domicile fixe est inférieur au nombre de personnes qui sont logées avec succès au cours d’un mois moyen[2].

Ce n’est là qu’un trop bref aperçu d’un ouvrage très riche qui reste une référence pour quiconque s’intéresse à la « question SDF ».

Frédérique Lahaye et Bernard Vorms
Février 2021


[1] « Les personnes accueillies dans le dispositif hivernal en Ile-de-France », Lettre des études de la DRIHL, janvier 2019.

[2] « How Many Americans Are Homeless ? No One Knows ». The New-York times, 28 janvier 2021.

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