Une note du Trésor : « Peut-on répondre aux besoins en logements en mobilisant le parc existant ? »

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Note de lecture de « Peut-on répondre aux besoins en logement en mobilisant le parc existant ? », par Maël Forcier, Trésor-Eco n°347 de juillet 2024

La « remise sur le marché » des logements vacants fait partie des poncifs de la politique du logement. Malgré les nombreux études et rapports administratifs[1] sur le sujet montrant que « les logements vacants ne sont pas tous disponibles »[2], que rares sont les propriétaires qui se privent délibérément d’un possible revenu locatif, que nombre de ces logements souffrent d’obsolescence et ne répondent pas à la demande, en dépit du fait que les expériences tentées se sont systématiquement soldées par des échecs, la Direction du Trésor revient sur le sujet dans une note intitulée « Peut-on répondre aux besoins en logements en mobilisant le parc existant ? ».
Le terme de mobilisation – plutôt incongru s’agissant d’un bien par essence immobile – évoque le rappel des réservistes en cas de guerre, lorsque les jeunes recrues ne suffisent plus. Dans le cas du logement, la chose est toutefois plus difficile car il ne suffit pas d’une décision pour que cette mobilisation soit effective. Encore faut-il que les logements ainsi « mobilisés » rencontrent une demande.
Or la notion de demande est quasiment absente de la note. La première partie porte sur « la nécessité d’objectiver et de territorialiser les besoins ». Comme souvent, les besoins sont ici confondus avec la demande, bien que l’INSEE ait remplacé ce terme il y a une trentaine d’année par celui de demande potentielle. Or la distinction entre besoins et demande n’est pas une simple question d’élégance rédactionnelle : pour qu’un logement puisse satisfaire un besoin, il faut qu’il corresponde à une demande. Or ce n’est manifestement pas le cas pour une large part des logements vacants. Cette question n’est pas évoquée par l’auteur qui, constatant que « au sein de plusieurs communes peuvent coexister des nouvelles constructions (signe d’une certaine attractivité de la commune) et l’apparition dans le même temps de logements vacants structurels supplémentaires », estime, sans étayer cette affirmation, que « dans ce cas, certains logements vacants semblent, a minima du point de vue de leur localisation, mobilisables pour répondre à la demande dans la commune ». Toujours sans le moindre argument, il estime que « la hausse du nombre de logements vacants représente un vivier potentiel de l’ordre de 20 % de la construction chaque année » : pourquoi pas 5% ou 50% ?
Si nombre de ménages choisissent le neuf plutôt que l’ancien, éventuellement réhabilité, ce ne doit pas être sans raison, sauf à considérer qu’ils sont totalement dépourvus de rationalité. De même, si les propriétaires de logements vacants ne les louent pas ou ne les vendent pas, c’est sans doute parce que ces logements ne rencontrent pas une demande soit en raison de leur localisation, soit du fait de leur état ou de leur obsolescence, ces différents facteurs pouvant se cumuler. Certains d’entre eux pourraient, moyennant une réhabilitation, trouver preneur à condition qu’ils puissent offrir, une fois les travaux effectués, un service équivalent à celui d’un logement récent. Cette condition exclut ceux qui souffrent d’une obsolescence rédhibitoire, que même des travaux très lourds ne pourraient corriger.
En outre, cette possibilité théorique s’assortit d’une condition économique. Un propriétaire n’acceptera d’engager une réhabilitation que si l’opération est rentable ou, au moins, non déficitaire. Or le coût des travaux nécessaires est en général élevé, jusqu’à, dans certaines localisations, dépasser la valeur vénale du logement. A cela s’ajoute, dans bien des cas, la difficulté de trouver des entreprises compétentes pour réaliser les travaux. Dans ces conditions, sauf à envisager de mobiliser des aides publiques d’un montant considérable – ce que la note se garde bien de faire, il est peu vraisemblable que le « vivier des logements vacants mobilisables » soit très important.
Si les déterminants de la vacance de longue durée sont assez bien connus, notamment grâce à une étude récente du SDES[3] qui s’appuie sur l’exploitation du recensement de la population et de sources produites à partir de données fiscales, les données statistiques sur le parc de logements vacants ne permettent pas d’évaluer la part de ceux qui pourraient être réellement remis sur le marché à un coût compatible avec la contrainte économique.
Rien ne permet donc d’affirmer que la « mobilisation » des logements vacants peut contribuer de façon significative à la satisfaction de la demande de logements.


[1] Voir par exemple Les déterminants de la vacance de longue durée. Service des données et études statistiques du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires – Décembre 2023

[2] François Fabre et Christian Nicol, « Les logements vacants ne sont pas tous disponibles », Economie et Statistique, 1979

[3] Béatrice Boutchenik et Benoit Mathieu, « Les déterminants de la vacance longue durée des logements détenus par les personnes physiques », SDES, décembre 2023.

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.

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