Vente HLM : l’apport des chercheurs
C’est donc de façon tout à fait logique que la loi Elan du 23 novembre 2018 a assoupli les conditions de vente des logements du parc social en supprimant la nécessité de l’autorisation préfectorale pour les logements mentionnés dans le plan de mise en vente annexé à la convention d’utilité sociale[1].. En complément, la loi a prévu la création de sociétés de vente d’HLM dont l’objet est limité à l’acquisition et l’entretien, en vue de leur vente, de biens appartenant à des organismes de logement social. Toutefois, les communes déficitaires SRU ou susceptibles de le devenir peuvent s’opposer à la vente et aucune vente à des particuliers ne peut avoir lieu dans une commune carencée qui n’a pas conclu de contrat de mixité sociale
Malgré ces mesures, le nombre de ventes n’a que modérément augmenté. Il oscille depuis 2018 entre 10 000 et 12 000 par an[2], bien loin du niveau indiqué ci-dessus. La production nouvelle a sensiblement baissé, le nombre de décisions de financement passant d’environ 125 000 logements en 2016 à 82 000 en 2023.
Selon l’USH, la dynamique de hausse qui s’amorçait a été interrompue en 2020 par la crise de la Covid-19, puis perturbée en 2023 par la hausse des taux d’intérêt.
Le graphique ci-dessus montre également que la moitié des ventes concerne des maisons individuelles, alors que celles-ci ne représentent que 16% du parc HLM. Il est clair qu’elles sont plus facilement vendables que les logements collectifs : on a pu le constater avec le succès du right to buy au Royaume-Uni, où le parc social était majoritairement composé de maisons individuelles.
La cession des logements individuels ne pose guère plus de problème pour un logement du parc social que pour un logement privé. En revanche, la vente complète des logements d’un groupe immobilier est une affaire de longue haleine qui s’étale sur plusieurs années, souvent dix ans ou plus. L’organisme doit d’abord proposer aux locataires en place l’achat du logement qu’ils occupent. Ceux qui refusent doivent alors être relogés dans un autre logement social pour que le logement qu’ils occupaient puisse être mis en vente, car « un logement occupé ne peut être vendu qu’à son locataire, s’il occupe le logement depuis au moins deux ans » (article L443-11 du CCH). Ce n’est que lorsque le logement est devenu vacant qu’il peut être proposé à une autre personne physique, qu’elle soit ou non locataire HLM.
Pour les logements situés dans des immeubles collectifs, le transfert de la propriété de la quote-part correspondante des parties communes à l’acquéreur peut être différé pendant une période qui ne peut excéder dix ans à compter de la vente du premier lot de l’immeuble (ordonnance du 7 juillet 2019). L’organisme continue à assurer la gestion de l’immeuble jusqu’à la fin de ce délai et ce n’est qu’alors que s’applique le statut de la copropriété. Cette période transitoire a pour but de permettre à l’organisme de vendre la majeure partie, voire si possible la totalité des logements de l’immeuble et aux acheteurs de se préparer au passage à la gestion en copropriété. Coexistent donc dans l’immeuble, pendant cette période et souvent au-delà, des propriétaires occupants, des locataires de l’organisme et des locataires des nouveaux propriétaires. En effet la vente HLM ne comporte pas de condition d’occupation, de sorte que le nouveau propriétaire est libre de mettre son logement en location s’il le souhaite.
Sur tous ces aspects, y compris la localisation des ventes et leurs conséquences sur les inégalités socio-spatiales, les travaux réalisés dans le cadre du programme de recherche sur la vente HLM[3] fournissent des informations précieuses. Les développements qui suivent prennent largement appui sur les résultats de ces travaux.
Prix décotés
Les logements sont vendus à des prix nettement inférieurs aux prix du marché. La décote est en moyenne France entière de 29%[4], avec toutefois, autour de cette valeur centrale, une dispersion élevée et variable selon les territoires (16% dans la métropole lilloise et 46% dans l’Aisne). Ces taux de décote sont notablement inférieurs à ceux indiqués dans une étude portant sur l’Ile-de-France : en moyenne 37% pour les appartements et 42% pour les maisons vendus entre 2013 et 2020[5]. Les décotes observées sont en revanche plus faibles dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Les facteurs expliquant cette variabilité ne sont pas connus, mais on peut imaginer que l’état des logements et de l’immeuble, leur localisation et leur environnement, le coût des travaux réalisés en prévision de la mise en vente sont pris en compte dans la fixation des prix.
Les occupants bénéficient d’une décote un peu plus forte que les autres acheteurs, ce qui corrobore le constat fait pour l’Ile-de-France dans l’étude précitée.
Des acheteurs majoritairement extérieurs au monde HLM
Les anciens locataires HLM sont assez nettement minoritaires parmi les acheteurs : de l’ordre de 35% en Ile-de-France dans la période 2017-2020, alors que leur part était de 58% en 2009-2012. Le constat est analogue pour les opérations étudiées dans d’autres régions. Certains locataires qui pourraient être intéressés sont dans l’incapacité de financer l’opération faute de pouvoir obtenir un prêt, soit parce que leur apport personnel et/ou leur revenu est insuffisant, soit, pour certains, en raison de leur âge. D’autres ne voient pas l’intérêt d’acheter alors qu’ils peuvent continuer à bénéficier d’un logement à loyer modique.
Une majorité d’acheteurs est donc issue du parc privé. Ces ménages étaient précédemment locataires ou propriétaires occupants, à l’exception d’un petit nombre de décohabitants.
Les chercheurs ont établi, pour l’Ile-de-France, une typologie des acheteurs[6] qui distingue quatre groupes :
- l’accession-ancrage (33 des ménages de l’échantillon), qui regroupe les ménages qui considèrent avoir saisi une opportunité et n’ont pas de projet de déménagement. Ils sont relativement âgés mais leur profil social est assez diversifié ;
- l’accession passerelle (15 ménages), groupe sociologiquement proche du précédent mais qui s’en distingue par le fait que les ménages qui le composent, ayant pris conscience de la possibilité de réaliser une plus-value à la revente, projettent de déménager dans les années suivant l’achat ;
- l’accession-tremplin (16 ménages) caractérise des ménages plus jeunes (35 ans en moyenne), plus aisés que ceux des groupes précédents, avec une prédominance de cadres. Beaucoup d’entre eux sont des acheteurs de seconde main (ils ont acheté à un propriétaire ayant acheté au bailleur) et envisagent dès le départ la possibilité d’une revente avec plus-value. Leur achat représente une étape dans un parcours résidentiel en vue de l’acquisition ultérieure d’un logement familial ;
- l’accession-investissement rassemble un petit nombre de ménages (8) pour qui l’acquisition constitue le point de départ d’un parcours d’investissement immobilier. Le logement acquis pourra être loué et, le cas échéant, revendu si l’opportunité de réaliser une plus-value se présente. Il s’agit en majorité de cadres, assez jeunes et bien informés sur le fonctionnement du marché immobilier.
Cette typologie n’est vraisemblablement pas spécifique de l’Ile-de-France, mais le poids des différents groupes varie d’une région à l’autre. Ainsi, « l’analyse des fichiers fonciers entre 2009 et 2019 montre que, deux ans après les premières ventes, 22% des logements HLM vendus dans l’Aisne et 27% dans la Métropole européenne de Lille (MEL) sont devenus locatifs », la mise en location ayant dans la plupart des cas eu lieu dès la première vente (« au gré des reventes, la part de propriétaires bailleurs n’augmente pas »). « Les logements qui rejoignent le parc locatif privé sont nettement plus petits que la moyenne : 61% des logements locatifs privés issus de la vente HLM dans la MEL mesurent moins de 60 m² contre 40% en moyenne ». Toutefois « cette surreprésentation est moins significative dans l’Aisne »[7].
Des reventes nombreuses
Conformément à ce que suggère la typologie, nombre d’acquéreurs ne conservent le logement que quelques années. Plus d’un quart des logements acquis en 2010 en France hexagonale ont été revendus dans un délai de moins de 10 ans. Une part non négligeable des reventes a même lieu au cours des cinq années suivant l’achat, c’est-à-dire avant l’expiration de la clause anti-spéculative (cf. encadré). L’application effective de cette clause nécessite que l’organisme s’informe du prix de vente, or il n’est pas certain que ce soit toujours le cas.
Clauses anti-spéculatives
Extrait de « Ventes HLM – Modifications intervenues depuis la loi ELAN », Gilletta de Saint Joseph, Notaires Paris
Avant la loi Elan les règles étaient les suivantes :
Lorsqu’une personne physique achète un logement dans le cadre d’une vente HLM à un prix inférieur au prix évalué par les domaines :
– si elle revend ce logement dans les 5 ans, elle doit reverser au vendeur la plus-value réalisée. Toutefois, la somme reversée est plafonnée à l’écart entre le prix évalué par les domaines et le prix de revente ;
– si elle loue ce logement dans les 5 ans, le loyer demandé ne peut pas excéder le montant du loyer acquitté par le précédent locataire ».
Or, depuis le 25 novembre 2018 (loi ELAN), le prix de mise en vente du logement est fixé librement par le vendeur, sans avis des domaines. Par conséquent, la référence au prix évalué par les domaines est remplacée par le prix de mise en vente fixé librement par le vendeur. Ainsi, les règles de reversement de la plus-value et de plafonnement du loyer ne s’appliquent que si la vente est conclue à un prix inférieur au prix de mise en vente, c’est-à-dire s’il y a eu négociation :
– si elle revend ce logement dans les 5 ans, la personne physique doit reverser au vendeur la plus-value réalisée. Toutefois, la somme reversée est plafonnée à l’écart entre le prix de mise en vente et le prix de revente ;
– si elle loue ce logement dans les 5 ans, le loyer demandé ne peut pas excéder le dernier montant du loyer acquitté. »
Du fait de la décote appliquée sur le prix initial, la revente génère presque toujours une importante plus-value. Au bout de cinq ans, les logements vendus sont en effet devenus des logements du parc privé et leurs propriétaires sont libres de les utiliser comme ils l’entendent : en faire leur résidence principale ou secondaire, les louer ou les revendre aux conditions du marché. Ce constat conduit certains des groupes de recherche à souhaiter des dispositions qui permettraient de leur conserver un caractère social. En clair, il s’agirait d’assortir la vente HLM de clauses anti-spéculatives plus contraignantes. La vente en BRS le permet, et son développement est souhaité par de grandes collectivités territoriales, mais elle suscite, semble-t-il, des réticences de la part des organismes. Dans le BRS, le terrain reste en effet propriété de l’organisme de foncier solidaire (en l’occurrence, le plus souvent, de l’organisme HLM) et le produit de la vente du bail est inférieur à celui de la vente en pleine propriété. D’autre part, les acheteurs attirés par une perspective de plus-value feraient sans doute défaut, or nous avons vu qu’ils sont nombreux. Autrement dit, l’utilisation du BRS sur une grande échelle semble peu compatible avec la volonté politique de développer la vente HLM.
Une autre voie est suggérée : « Dans la mesure où les organismes Hlm développent leurs compétences en matière de gestion d’opérations mixtes, il pourrait être intéressant d’envisager plus fréquemment la cession partielle de résidences Hlm. Certaines collectivités territoriales demandent déjà aux organismes Hlm de ne vendre qu’une partie des logements de résidences identifiées comme étant cessibles. Cela permet aux organismes Hlm de rester copropriétaire au sein de la résidence au long terme, ce qui représente une garantie contre la tentation du désengagement et une assurance contre les risques de dégradation de la copropriété. La cession partielle permet aussi le maintien durable d’une part de logements Hlm au sein des quartiers souvent valorisés dans lesquels les ventes sont pratiquées »[8]. Reste à savoir comment les organismes envisagent une telle éventualité.
Impact socio-spatial et stratégie des organismes
« En volume, les maisons ou les grands logements, ayant 20 à 40 ans, détenus par une entreprise sociale pour l’habitat (ESH) et financés par un prêt locatif à usage social (PLUS) sont les plus vendus. Moins nombreux, les logements financés par un prêt locatif intermédiaire (PLI) ont cependant sept fois plus de chances d’être mis sur le marché[9]. En Isère, ceux-ci représentent 7% du parc, mais 17% des ventes, et dans le Rhône respectivement 13 % et 35%.
Les bailleurs, en priorisant les « bijoux de famille » dans la vente Hlm, vendent ainsi ce qui a le plus de valeur, mais tendent vers une sorte de résidualisation de leur parc. Néanmoins, ils rechignent à mettre en vente ce type de bien dans les territoires urbains les plus recherchés, se sachant incapables de les reconstituer par le produit de la vente. Ils excluent inversement les logements des résidences déjà fragiles, notamment des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV): à titre d’exemple, 27% du parc Hlm isérois et 33% du parc rhodanien sont en QPV, mais seulement 15% des ventes y sont recensées dans les deux cas. Il en va autrement en milieu rural, où certains bailleurs mettent sur le marché des biens difficiles à louer, dispersés. Les volumes sont faibles, mais ces ventes contribuent à la raréfaction du secteur Hlm déjà peu présent dans ces territoires »[10].
Ces observations, portant sur les régions lyonnaise et grenobloise, recoupent largement celles faites dans les Bouches-du-Rhône, où « les logements mis en vente se concentrent majoritairement dans des zones socialement valorisées, soient parce qu’elles se situent dans des cadres environnementaux de qualité, par exemple dans des petites villes proches de la Sainte Victoire (c’est le cas des maisons individuelles), soit parce qu’ils se situent dans des [immeubles] collectifs proches de nombreux équipements (accès autoroutiers, écoles, services publics…). Ainsi, alors que les petites villes étudiées – correspondant à des territoires valorisés – ne représentent que 4% du parc locatif, elles totalisent près de 40% des ventes. À l’inverse, Marseille, qui représente 31% du patrimoine, ne compte que pour 2% des ventes »[11].
Constat analogue dans les Hauts-de-France : « dans la MEL, plus on se situe dans les quartiers aux statuts socio-résidentiels élevés, plus la vente est proportionnellement importante par rapport à l’offre existante et plus on vend des logements à bas loyers. Dans l’Aisne, la vente se concentre dans les quartiers et communes disposant de peu de logements sociaux. Dans les deux cas, les ventes sont surreprésentées dans des quartiers où l’offre sociale représente moins de 15% du parc total ». L’analyse menée dans cette région révèle en outre que « la vente de logements sociaux se traduit par une réduction de l’offre à bas loyers. […] Si entre 10 % et 20% des logements vendus présentaient des loyers inférieurs au niveau PLAI, seuls 4 % à 14% des nouveaux logements présentent de tels niveaux de loyers. […] Ainsi, dans l’Aisne et la MEL, malgré la production d’une offre nouvelle, la vente Hlm se traduit par une réduction nette de l’offre à très bas loyers (inférieure à 4 €/m²)». De plus, « les ventes ne participent pas aux efforts de rééquilibrage territorial du parc social, mais, au contraire, contribuent à sa spécialisation » [12].
Cet effet est-il la conséquence de la disposition de la loi ELAN qui a assoupli les conditions de vente ? Il est certain, en tout cas, que la suppression de l’autorisation est vue d’un mauvais œil par certains élus des métropoles. Toutefois, les organismes peuvent difficilement se permettre d’ignorer leurs souhaits, notamment dans les périmètres où ils projettent d’investir.
La perspective d’une vente ultérieure peut en effet les conduire à intégrer ce paramètre dans le choix de la localisation, et même dans la conception des opérations nouvelles. Cela semble bien être le cas, du moins pour certains d’entre eux : « Pour certains, principalement les offices publics de l’habitat (OPH), la vente est avant tout un moyen de compenser les effets de la réforme de la réduction du loyer de solidarité (RLS) mise en œuvre depuis 2018, tandis que, pour d’autres, notamment les ESH, la vente est un outil au service du développement de l’offre et de conquête de nouveaux marchés résidentiels plus valorisés ou situés dans d’autres métropoles »[13]. « Les bailleurs sociaux anticipent également la demande, aidés par une connaissance fine du profil des acquéreurs potentiels que sont leurs locataires, ce qui leur permet de cibler les résidences mises en vente. Certains bailleurs rhodaniens intègrent même la vente future de lots dès la conception de programmes neufs de maisons locatives »[14].
De l’immeuble de logement locatif social à la copropriété
Toutes les équipes de recherche se sont intéressées, dans le cas de la vente de logements collectifs, au processus qui conduit à la mise en copropriété et à ses conséquences pour les ménages concernés. L’une d’elles en a fait le thème exclusif de sa recherche : c’est de la synthèse de ses travaux[15] que nous tirons les observations qui suivent.
Dans les quatre copropriétés étudiées, où les premières ventes ont eu lieu entre 2011 et 2014, les acheteurs se répartissent entre anciens locataires en place (ou leurs conjoints, ascendants ou descendants), autres locataires de l’organisme et ménages « extérieurs ». Il subsiste dans chacune d’elles un pourcentage important (de 25 à 50%) de logements HLM. Cette diversité peut être source de difficultés dans les rapports entre les habitants de l’immeuble et dans le fonctionnement de la copropriété. Le passage d’une gestion par l’organisme au statut de copropriété est un processus de longue durée, au cours duquel l’organisme peut être à la fois copropriétaire et gestionnaire (il peut s’imposer en tant que syndic tant qu’il représente 40% des millièmes) et se désengage progressivement de la gestion. Pendant cette période, il conserve, qu’il assume ou non la fonction de syndic, un pouvoir bien supérieur à celui des autres propriétaires et peut imposer certaines décisions. « Dans les quatre copropriétés enquêtées, les habitants associent la vente Hlm à un désengagement des bailleurs de la gestion locative. Les bailleurs se montrent moins réactifs face aux demandes des locataires, y compris à l’intérieur des parties privatives. Les bailleurs rencontrés minimisent ce désengagement, en insistant sur la « continuité de service » assurée auprès des locataires. Ils se montrent par ailleurs confiants sur la capacité des organes de la nouvelle copropriété à prendre le relais, tout en reconnaissant que la réactivité d’un syndic ne peut être équivalente à celle d’un organisme de logement social. Le retrait des bailleurs de la gestion locative a pourtant des conséquences très perceptibles dans le quotidien des locataires Hlm comme des copropriétaires (retrait des gardiens, dysfonctionnement des services d’entretien, désengagement dans la gestion des conflits de voisinage, rallongement des délais d’intervention, etc.) ainsi que sur les relations sociales qu’ils entretiennent entre eux (conflits d’usage non régulés, défaut de communication, etc.) ».
Les organismes sont donc conduits à développer la fonction de syndic, mais comme le notent les chercheurs, « L’engagement dans la gestion de copropriétés est cependant loin d’être anodin […]. Ces transformations chamboulent les pratiques et les positionnements des organismes. Elles induisent d’importantes réorganisations et génèrent des coûts qui questionnent la rentabilité de la vente Hlm ». D’autant que « Notre enquête suggère que ces syndics sociaux ne disposent pas forcément de ressources humaines et financières suffisantes pour garantir une meilleure qualité de service qu’un syndic privé. Les gestionnaires de copropriété sont confrontés aux mêmes problématiques de surcharge de travail, de turnover et de difficultés de formation et de recrutement, amplifiées par le développement continu et rapide des portefeuilles et des équipes ».
La gestion d’un immeuble en copropriété est régie par des règles complexes et nécessite un minimum d’engagement et d’implication des copropriétaires. Or ce n’est pas toujours le cas dans les copropriétés existantes, où les rapports entre copropriétaires ne sont pas toujours idylliques et où certains d’entre eux se désintéressent de la gestion. Le syndic est parfois taxé d’inefficacité. Les copropriétés issues de la vente HLM ne font évidemment pas exception. Cela ne signifie pas qu’elles ne connaissent pas de difficultés spécifiques liées au processus de transformation : « Bien évidemment, la plupart de ces tensions s’observent dans le fonctionnement social de copropriétés non issues de la vente Hlm. Toutefois, la vente crée des configurations de voisinage et de gestion spécifiques propices aux conflits. D’une part, elle diversifie les statuts résidentiels coexistant dans un même immeuble avec la présence de locataires Hlm et en complexifie la gouvernance avec la coprésence d’un bailleur social et de propriétaires individuels. D’autre part, la vente Hlm contribue à une recomposition du sens des trajectoires résidentielles, aussi bien pour les locataires restés locataires qui vivent la mise en copropriété comme une dépréciation de leur trajectoire résidentielle, que pour les propriétaires, très sensibles à l’image de leur résidence qu’ils perçoivent comme porteuse de risques de dévalorisation de leur investissement ».
*
La vente HLM n’est pas une opération anodine. Comme le montrent les recherches, elle a des conséquences sur l’offre de logements sociaux, sa localisation, l’offre de logements à très bas loyers et sur les ménages concernés, notamment les occupants des logements vendus. Ces conséquences restent limitées, voire invisibles au plan national tant que le nombre de ventes reste limité, très en deçà des très ambitieux objectifs gouvernementaux. Elles pourraient ne plus l’être si ces objectifs étaient atteints : tout dépend du choix des logements mis en vente et du caractère plus ou moins social des nouveaux investissements.
L’impact sur l’accession à la propriété est faible. Si le discours officiel tend à présenter la vente HLM comme un moyen de permettre à des ménages qui n’en auraient pas eu les moyens de devenir propriétaires, force est de constater que le nombre de locataires HLM qui en bénéficient n’est pas très élevé. Les autres doivent être relogés dans le parc des organismes, ce qui contribue à renforcer la pression de la demande de logements sociaux.
[1] Avant la loi Elan, la vente était soumise à l’autorisation du préfet ou, dans les métropoles qui en ont pris la compétence, du président du conseil de la métropole.
[2] Source : les HLM en chiffres, édition 2024. Le document précise qu’ « il faut ajouter à ce total les ventes réalisées par l’Opérateur National des Ventes (ONV, créé en 2019), soit environ 300 logements vendus ». Par ailleurs, ces chiffres ne prennent pas en compte les ventes des organismes n’ayant pas le statut HLM (SEM pour l’essentiel). L’enquête RPLS recense 11 400 ventes pour l’ensemble du parc social au cours de l’année 2023.
[3] Les synthèses de résultats sont accessibles à https://www.recherche-ventehlm.fr/ressources
[4] Chiffre cité par deux des équipes de recherche, source non indiquée.
[5] « La vente HLM en Ile-de-France, entre injonction et réalité de terrain », note rapide de l’Institut Paris Région n°948, juin 2022.
[6] « Les organismes d’HLM et leurs locataires face au marché immobilier francilien », équipe Géographie-cités, Programme de recherche vente HLM, décembre 2024.
[7] Les citations de ce paragraphe sont extraites de « Transformer le parc social en marchandise : une enquête dans les Hauts de France », Latts et Clersé, Programme de recherche vente HLM, décembre 2024.
[8] « Les organismes d’HLM et leurs locataires face au marché immobilier francilien », op. cit.
[9] Rien d’étonnant à cela puisque les logements locatifs intermédiaires pouvant être vendus au bout de dix ans, le montage repose dès l’origine sur l’anticipation de la revente.
[10] « La vente HLM dans les régions lyonnaise et grenobloise : quelles valorisations », équipe Environnement Ville Société, Programme de recherche vente HLM, décembre 2024.
[11] « Profils et trajectoires des ménages devenant propriétaires de logements sociaux », Lassa, Programme de recherche vente HLM, décembre 2024.
[12] « Transformer le parc social en marchandise : une enquête dans les Hauts de France », op. cit.
[13] Ibid.
[14] « La vente HLM dans les régions lyonnaise et grenobloise : quelles valorisations », op. cit.
[15] « Vente Hlm et copropriétés mixtes: gestion et fonctionnement social », Équipe Institut de droit public, sciences politiques et sociales (IDPS) – Espaces et Sociétés (ESO), Programme de recherche vente HLM, décembre 2024.