Façon dont les individus choisissent de vivre ensemble.
En termes statistiques, c’est le passage de l’unité individu à l’unité ménage, ou résidence principale. A la limite on pourrait concevoir que chaque adulte dispose d’une résidence : il n’y aurait aucune cohabitation et le parc de logements serait égal au nombre des adultes. Chacun pourrait aussi avoir deux résidences, une principale, une secondaire. Le parc de logement serait alors le double de celui du nombre d’adultes. A l’autre extrême, plusieurs générations peuvent cohabiter sous un même toit : le parc ne sera qu’une fraction de la population adulte. La taille des logements offerts a aussi une influence. Dans la France de 1999, il y avait 0,46 logement par habitant (y compris résidence principale, hors logements vacants), 0,61 logement par adulte de 20 ans et plus. La plupart des individus vivent 7 jours sur 7 dans leur résidence principale, ils ne sont que 2 à 3% à vivre aussi régulièrement chaque semaine ailleurs. Le plus gros contingent provient de ceux qui logent aussi en collectivité (577 000, essentiellement des enfants en internat), suivis de ceux qui sont hébergés chez quelqu’un (376 000) ; ceux qui se déplacent pour leur travail (153 000) ou occupent une autre résidence occasionnellement sont moins nombreux (147 000).
La tendance historique est à la dé-cohabitation : la taille des ménages (le nombre moyen d’habitants par résidence principale) est passé de 3,1 dans les années 60, à 2,6 en 1990 et 2,4 en 1999. 12,6% des individus vivent seuls, contre moitié moins (6,1%) en 1962. L’augmentation de la vie en solo, forte depuis 1975, se fait sentir à tout âge, mais surtout chez les jeunes qui partent moins de chez leurs parents pour vivre en couple. Au delà de 30 ans les ruptures d’union expliquent l’augmentation. En fin de vie, les veuves âgées, plus autonomes, en meilleure santé et plus riches que dans le passé, sont moins dans la nécessité de cohabiter avec leurs enfants. On a cependant une opposition entre les générations anciennes qui cohabitent moins avec leurs enfants et les plus récentes qui prolongent la vie chez leurs parents. Mêmes évolutions opposées entre jeunes et vieux pour la vie en couple, retardée chez les jeunes, en partie à cause de l’allongement des études et du chômage, elle est prolongée chez ceux qui ont plus de 60 ans.
Les deux-tiers (65,6%) des occupants des résidences principales sont personne de référence, ou conjoint de la personne de référence. Sinon, ils sont des descendants (32,5%, enfants ou conjoints des enfants), ou, mais en très petit nombre (0,75%) des ascendants. Les autres sont en proportion infime. Si on ôte les pensionnaires, sous-locataires ou salariés logés (0,2%), il ne reste que 0,97% des individus, soit 558 000 personnes, classées comme ami ou autre parent dans un ménage.
On distingue les individus qui cohabitent de ceux que l’on peut qualifier d’hébergés. Dans la cohabitation la relation entre individus est soit égalitaire (dans un couple, entre colocataires), soit dissymétrique, sans qu’on sache toujours qui héberge qui (entre parents âgés et enfants adultes, il faudrait connaître l’histoire de la famille, la propriété du logement ou les revenus de chacun) ; la cohabitation peut aussi sembler « normale », entre parents et jeunes enfants. On réserve le terme d’hébergement pour la parenté plus éloignée, des amis, des salariés logés, ou aussi des enfants adultes qui seraient partis, puis revenus habiter chez leurs parents. En ce sens on a (hors 101 000 pensionnaires, sous-locataires ou salariés logés) 192 000 hébergés de moins de 60 ans en 1996. 74 000 d’entre eux sont étudiants (sept fois sur dix des étudiantes). Si on considère que la situation de ces derniers n’est pas de déprivation, on aboutit à 118 000 hébergés en situation de dépendance. Les deux-tiers d’entre eux (les hommes dominent) semblent en situation contrainte. Le problème pour eux est souvent celui de la non-qualification et du chômage.
Parmi les enfants des ménages, ceux qui sont hébergés envisagent davantage de quitter leurs parents que les enfants adultes cohabitants (jamais encore partis), qui sont plutôt des étudiants. Les raisons du retour des enfants hébergés sont variées; la plus fréquente est la rupture d’une union ; vient ensuite la perte d’emploi, puis le simple changement d’emploi. Sur les 415 000 enfants hébergés, jusqu’à 60% semblent en difficultés financières.
Anne Laferrère
→ décohabitation, mobilité résidentielle, filtrage social, « Evolution de la famille et modes d’habiter : les grandes évolutions depuis les années cinquante », « Les relations de voisinage »,