L’étymologie du mot, « petite maison », corrobore l’idée selon laquelle la cabane serait à l’origine de l’architecture. De Vitruve à Laugier, toute une littérature est d’ailleurs allée dans ce sens, combattue au XIXème siècle par le courant romantique, Schlegel et Colleridge en tête, mais aussi par Hegel refusant l’idée d’une origine naturaliste de l’architecture qui s’appuierait sur la doctrine classique de l’imitation.
Les cabanes qui, néanmoins, s’enracinent incontestablement dans un mythe d’origine ou de refondation – voir Robin Crusoe de W. Defoe (1719) ou Walden de H.D. Thoreau (1854) – n’ont en effet pas grand-chose à voir avec l’architecture. Edifiées le plus souvent à partir de matériaux de récupération ou d’éléments naturels sommairement ouvragés, leur construction n’obéit à aucun plan et tient davantage du bricolage que du « projet ». Elles ont davantage à voir avec le jeu, et avec un espace psychique assez caractéristique de l’enfance, qu’avec l’espace physique proprement dit.
Les cabanes sont des lieux où l’on passe mais où l’on n’habite pas. Ce sont des haltes ou des refuges, précaires et toujours temporaires, à la différence des maisons ou demeures. D’ailleurs, elles n’ont pas vraiment d’intérieur : elles sont plutôt traversées par la dynamique d’un parcours ou d’un rêverie. Enfin, souvent les cabanes sont davantage liées à la nature qu’aux milieux urbains en marge desquels elles se situent quand elles ne sont pas dans les forêts. Il est pourtant significatif que ces marges puissent se trouver au cœur des villes, en certains lieux interstitiels et d’usage réservés, où les sans domicile fixe peuvent construire des cabanes en bois et en carton reconstituant une sorte de nouvel état sauvage.
Gilles Tiberghien
→ autoconstruction, cabanon, caravane, « Formes du logement et mots de la maison »