Caravane

Si la toile de tente est la plus ancienne forme d’abri utilisée par les peuples nomades ou sédentaires depuis l’aube de l’humanité, la caravane, dont la roulotte semble l’ancêtre (on pense aux marchands ambulants, aux troupes de cirque ou de théâtre itinérant qui l’utilisent à la fois comme moyen de transport et logement), représente elle aussi un mode d’hébergement à la charnière entre deux mondes : celui du tourisme et du loisir d’une part, celui du logement d’autre part. Ce sont précisément ces deux dimensions que l’anglicisme « caravaning » désigne, sans préciser le caractère provisoire ou permanent de cette pratique, soit comme activité de loisir et de tourisme soit comme pratique résidentielle, en seconde résidence ou logement principal.
La caravane, véritable pratique résidentielle pour les caravaniers qui l’utilisent la moitié de l’année comme seconde résidence, bénéficiant de normes de confort proches de celles de l’habitat traditionnel (aménagement intérieur et services extérieurs) et dont l’usage se caractérise par le fait d’éliminer tout élément rappelant son caractère mobile ou itinérant (supprimer ou cacher les roues, clôturer, habiller l’ensemble de bois..) — elle l’est bien différemment pour les résidents permanents qui élisent domicile à l’année dans certains campings dont on estime le taux moyen d’occupation à environ 20% (en caravane ou mobil-home). L’usage de la caravane comme unique habitation donne à voir différents cas de figures qui s’échelonnent alors sur la chaîne du logement depuis la fonction d’hébergement d’urgence (après une rupture professionnelle et surtout familiale), de résidence transitoire (en attendant de trouver un vrai logement) jusqu’à celle de résidence principale « choisie » parce que conviviale et proche de la nature.
L’accroissement de la sédentarisation des caravanes et de la domiciliation en camping est un phénomène qui se développe notamment dans le sud de la France où certains terrains deviennent de véritables parcs de logements non mobiles. Nouveau visage de la précarité et de la pression immobilière, ce type d’habitat dit non traditionnel (sous entendu, hors norme), quelle que soit la forme qu’il prend (tente, caravane, tipi, yourte, abri) concerne plus d’un million de personnes vivant dans des solutions de logement éphémères ou mobiles, en tous les cas atypiques, et oblige à s’interroger sur la signification de ce phénomène moins récent qu’il n’y paraît.
Alors que la domiciliation en camping ne bénéficiait jusqu’en 2014 d’aucun autre cadre juridique que celui de la règlementation du tourisme (associant les campeurs permanents à des personnes « sans domicile fixe »), la loi ALUR adoptée en février 2014 reconnaît le statut de résidence principale aux formes d’habitat non bâtis ou légers que sont les caravanes, mobil homes et autres tipi ou yourte. Habiter et vivre à l’année en camping, qui était une pratique illégale mais tolérée par les municipalités, devient ainsi un mode d’habiter visible et reconnu parce que légal (où ancrage durable donne accès aux droits communs) qui concerne plus de 100 000 personnes aujourd’hui en France appelées campeurs sédentarisés.

Benoîte Decup-Pannier
Juin 2015

gens du voyage, documents d’urbanisme« L’hospitalité », migration

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.