Les organismes de foncier solidaire (OFS) sont des organismes sans but lucratif institués en 2014 par la loi ALUR du 24 mars. Ils sont situés dans le code de l’urbanisme parmi les organismes d’exécution de l’aménagement urbain (Art. L 329-1). En revanche, leur outil principal, à savoir le bail réel solidaire, est présenté dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH) aux articles L 255-1 et suivants. Les OFS peuvent être des personnes morales de droit privé ou de droit public, préexistantes ou non. La création de ces organismes repose sur le postulat que la propriété telle qu’elle est conçue est un frein au logement de certaines franges fragiles de la population. Pour y remédier, on a conçu un montage juridique et économique innovant qui vise à dissocier la propriété du terrain de celle du bâti. Les bénéficiaires doivent respecter des conditions de ressources.
Les organismes de foncier solidaire sont agréés par le représentant de l’Etat dans la région. Tout ou partie de leur activité est consacrée à acquérir et gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs pour satisfaire les objectifs déclinés à l’article L 301-1 du Code de l’habitation et de la construction (CCH) qui concerne la politique d’aide au logement.
L’OFS est donc propriétaire des terrains et consent dans le cadre d’un bail de longue durée, qui peut aller de 18 à 99 ans, des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété des logements. Le terrain est loué aux occupants du logement qui acquittent une redevance modique. Alors que les propriétaires du logement sont liés avec l’OFS par un bail réel solidaire, ils sont locataires du terrain et propriétaires du bâti qu’ils achètent. Le montage juridique consiste à concevoir le droit de propriété sous un jour nouveau, moins absolu que précédemment.
Les organismes de foncier solidaire ont été pensés à partir de l’exemple des community land trusts américains qui ont pour particularité de permettre une démarchandisation du foncier associée à un encadrement conventionnel des droits des propriétaires sur le logement. La formule a été retenue et reprise en France en 2014 dans l’objectif de dissocier l’acquisition du foncier de celle du bâti. Le procédé vise à offrir une alternative à la propriété privée du sol et à limiter les effets de la hausse du prix du foncier pour les ménages concernés. Pour les futurs locataires ou propriétaires il s’agit surtout de démocratiser l’accession à la propriété d’un logement et de lever l’obstacle financier pour y accéder. Le bail réel solidaire constitue, à ce titre, une nouvelle modalité juridique d’accession à la propriété. Le portage du foncier est assuré de manière institutionnelle et le logement peut être privatisé. Sur le long terme, il sera intéressant de se pencher sur les conséquences d’un portage foncier par des institutions prévues à cet effet.
Pour les aspects juridiques, le procédé des OFS, offrant des baux réels solidaires, assure, en quelque sorte, un démembrement de la propriété mais, qui par l’intervention du bail réel solidaire, ne se résout pas en une définition d’un nu-propriétaire et d’un usufruitier. En effet, le preneur peut très bien revendre son bien, c’est-à-dire le bâti. L’organisme de foncier solidaire reste propriétaire du foncier et consent au nouvel acheteur, dans le cadre d’un bail de longue durée des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété des logements. Il est possible que l’utilisation du logement soit mixte. En effet, il peut être à usage exclusif d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale. Dans tous les cas, les acheteurs doivent respecter un plafonnement des ressources, des loyers comme d’un prix de cession le cas échéant. Ces droits réels peuvent être consentis, s’il y a lieu, avec obligation de construire ou de réhabiliter les constructions existantes.
L’OFS garantit la pérennité des baux réels solidaires grâce au caractère rechargeable de ceux-ci, il s’agit d’une autre particularité de ce bail si on le compare au bail emphytéotique classique. Enfin, on peut relever que le premier OFSD, celui de Lille, a été créé dans une zone tendue caractérisée par une population fragile et constitue un test modèle pour une généralisation de ces organismes. En mars 2020, 19 OFS avaient fait l’objet d’un agrément et 22 autres étaient en projet. La croissance est importante puisqu’en novembre 2022, 113 OFS étaient dénombrés comme agréés. On peut donc en conclure que la formule rencontre un certain succès, même si elle devra faire ses preuves dans la durée.
Florence Lerique
Avril 2023