Contrat de vente par lequel un individu, appelé crédirentier, échange un bien immobilier (ou mobilier ou un capital), contre une rente que lui devra jusqu’à sa mort un individu appelé débirentier.
La vente en viager est réglementée par les articles 1964 à 1983 du Code civil ainsi que par la loi du 29 mars 1949. Comme le contrat d’assurance, le jeu et le pari, elle appartient à la catégorie des contrats « aléatoires ». Sa spécificité première tient à ce caractère aléatoire : « Sans caractère aléatoire, il n’y a pas de rente viagère » (Cass. civ., 5 mai 1982). En l’occurrence, c’est la durée de vie du vendeur qui constitue l’aléa, d’où le nom de cette transaction (en vieux français, « viage » signifie durée de vie) et sa réputation de pari sur la mort.
Spécifique, la vente en viager l’est aussi en raison de son caractère successif : le paiement du bien doit, pour l’essentiel, être effectué sous forme de versements échelonnés : les arrérages. C’est ce qui en fait une « aliénation à fonds perdu » (à la mort du vendeur, il n’y a plus rien dans la succession, « ni chose, ni rente ») et lui vaut sa réputation de pratique anti-familiale. Dans la plupart des cas, le vendeur perçoit comptant une partie de la valeur de son bien : le « bouquet ».
Le montant de la rente est fixé en fonction de trois éléments : la valeur du bien, son taux de rendement et l’espérance de vie du crédirentier. C’est pourquoi la vente en viager est, en fait sinon en droit, réservée à des personnes âgées. Il est fréquent que le viager soit pris sur la tête des deux membres d’un couple ce qui offre au conjoint survivant une certaine sécurité. La rente, assimilée à une dette d’aliments, jouit à ce titre d’une forte protection juridique. La vente en viager d’un bien immobilier se caractérise enfin par le démembrement du droit de propriété qui l’accompagne dans l’écrasante majorité des cas, le vendeur continuant à occuper son logement sur lequel il a conservé un droit d’usage et d’habitation ou un droit d’usufruit. Cette situation entraîne une minoration de la rente.
La vente en viager, qui permet à une personne âgée de se constituer un complément de revenu tout en restant chez elle, répond aux besoins d’une partie de la population âgée, détentrice d’un patrimoine immobilier mais dépourvue de revenus suffisants. Elle entre ainsi dans le cadre des diverses réponses possibles au problème du financement des retraites. Quant à l’acheteur, le viager constitue pour lui une stratégie de moyen ou long terme qui lui permet de se constituer progressivement un capital immobilier sans mise de fonds importante et en échappant aux contraintes des circuits classiques de crédit ; plus l’inflation et les taux d’intérêt bancaires sont élevés, plus le viager est attrayant pour lui. Le décès prématuré du crédirentier peut en outre transformer son achat en bonne affaire.
Le marché du viager se caractérise par sa faiblesse numérique (quelques milliers de ventes par an), sa concentration géographique (l’essentiel des transactions concerne la région parisienne et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur) et enfin par son déséquilibre (c’est un marché où la demande l’emporte largement sur l’offre). C’est aussi un marché de particuliers. Les vendeurs ne peuvent être que des personnes physiques puisqu’une personne morale n’est pas susceptible de décéder. Quant aux acquéreurs, on n’en rencontre guère parmi les marchands de biens qui craignent les difficultés de gestion d’un patrimoine acquis en viager.
Férial Drosso
2003