Auteur/e
Habouzit Rémi
Discipline
Sociologie
Titre
La copropriété dégradée, le relogement et après ? Professionnels et habitants dans une opération rénovation urbaine
Université
Paris Saclay
Date de soutenance
30/06/2017
Directeur/trice de thèse
Laurent Willemez, Sandrine Nicourd
Résumé
Depuis 2003, plus de 400 quartiers populaires classés en Zones Urbaines Sensibles (ZUS) et 4 millions d’habitants sont devenus les destinataires d’un Programme de Rénovation Urbaine (PRU) instauré par la « loi Borloo » d’orientation et de programmation pour la ville. Dans un objectif de transformation des quartiers et de mixité sociale, ces programmes entraînent des opérations de démolition/reconstruction de logements, la réhabilitation du parc existant et la redéfinition des espaces urbains collectifs (voirie, espaces verts, etc.). Les communes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil en Seine-Saint-Denis font l’objet d’un de ces PRU. Tout en étant le plus important de France (en termes de budget et de logements détruits), il a aussi la particularité d’entraîner la démolition d’immeubles en copropriétés privées dégradées : les Bosquets à Montfermeil et la Forestière à Clichy-sous-Bois. À leur place, toutes les nouvelles constructions et les relogements se font dans le parc social. L’ensemble des habitants relogés passe donc du statut de propriétaires occupants ou locataires du parc privé à celui de locataires du parc social. Outre ce changement de statut résidentiel, cette situation s’accompagne de la mise en interactions régulières de ces « délogés » aux professionnels (de la ville, associatifs et des bailleurs) qui interviennent sur ce quartier, dans ces immeubles dans le cadre d’accompagnement pré et post relogement. Basée sur une enquête conduite par entretiens, observations et archives, cette thèse vise autant à saisir la genèse de cette politique, que les effets de la volonté de transformation des quartiers, par la généralisation du parc social, sur les pratiques professionnelles et les trajectoires des habitants relogés. Dans cette optique, les archives et les entretiens donnent à comprendre que la dégradation des anciennes copropriétés s’explique en priorité par leurs conditions de commercialisation, de production et de gestion. Or, toutes les mesures d’actions publiques, jusqu'à la signature du programme de rénovation urbaine, présentent systématiquement les habitants et leurs caractéristiques (populaires et immigrées) comme les principaux responsables de cette dégradation. L’ethnographie des pratiques professionnelles illustre ensuite comment dans les résidences neuves, ces acteurs se servent des interactions avec les habitants pour encadrer leurs manières d’habiter. Ce travail se faisant dans l’idée d’éviter une nouvelle dégradation des bâtiments. Enfin, les entretiens auprès des habitants (réalisés avant et après relogement) dévoilent comment le relogement et la rencontre avec les professionnels les déstabilisent dans leurs ancrages individuels et ébranlent le sens des hiérarchies internes à ce groupe social. Alors que les anciens propriétaires constituaient dans la copropriété la frange supérieure de ce groupe, ils sont aujourd’hui ceux qui se sentent le plus déclassés. À l’inverse, les locataires qui dans la copropriété occupaient les positions les plus dominées sont aujourd’hui les plus réhabilités. Au-delà des résultats empiriques, ces pistes analytiques situent les enjeux de la thèse à plusieurs échelles. D’abord, c’est dans une perspective constructiviste que ce travail illustre comment ces copropriétés et leurs occupants ont été construits comme un problème et une catégorie d’action publique. Ensuite, c’est en partant de la pratique des professionnels que cette thèse dévoile comment dans l’espace de la politique de la ville se maintiennent des formes d’encadrement et de domination à l’égard de certains publics cibles (ici issus des catégories populaires et immigrées). Enfin, cette thèse s’inscrit dans une sociologie des classes populaires autant attentives à leurs différences internes qu’aux modalités de réception variée d’une mesure d’action publique.
Mots-clés
Rénovation urbaine, copropriété, mobilité résidentielle, classe sociale, immigré, logement insalubre
Principales conclusions
Cette thèse interroge l’objectif de transformation des quartiers populaires à l’origine de la rénovation urbaine sur les pratiques des professionnels (ville, bailleurs, associations) et la trajectoire des habitants relogés d’une copropriété dégradée vers le parc social.
Pour ce faire, les données mobilisées s’appuient sur la réalisation d’une enquête ethnographique réalisée par entretiens et observations auprès des professionnels et des habitants dans le cadre du PRU de Clichy-sous-Bois Montfermeil en Ile-de-France.
Dans sa structure, la thèse présente d’abord les modalités de la construction problématique des copropriétés et de leurs habitants issus des catégories populaires et immigrées. Ensuite, on s’intéresse à la pratique des professionnels et à la façon dont ils font des interactions avec les habitants un moyen d’encadrer leurs manières d’habiter. Enfin, on questionne les effets du relogement et des interactions avec les professionnels sur la trajectoire des habitants et les hiérarchies internes à ce groupe social.
Accès en ligne
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01618732
Articles/WP liés à la thèse
- « Le relogement dans la rénovation urbaine : un vecteur de redéfinition des hiérarchies internes aux catégories populaires », dans Florence Bouillon, Agnès Deboulet, Pascale Dietrich-Ragon, Yankel Fijalkow, Les vulnérabilités résidentielles. Projet urbain, trajectoires, résistances, L’Aube, 2018 (à paraître)
- « Le logement social sinon rien : les inégalités face à la propriété des habitants relogés d’une copropriété dégradée », Espaces et sociétés, 2017, n°170, p 107-122. URL : https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2017-3-p-107.htm
- « Changer les villes pour changer les habitudes : les effets de la rénovation urbaine sur les manières d’habiter », dans Laurent Cailly et Françoise Dureau, Les espaces du logement : pratiques habitantes et politiques publiques, Paris, L’harmattan, 2016.
- « L’horizon vertical de la recherche, La socialisation de laboratoire(s) des apprentis chercheurs en sciences sociales », avec le collectif TMTC, Socio-logos, 2015, n°10.
- « La « banalisation » des quartiers populaires par la rénovation urbaine : entre tentatives de mixité sociale, encadrement et divisions de classe », Sociologia urbana e rurale, 2015, n° 108, p. 34-49.
Auteur/autrice
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Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.
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