Le marché locatif aux Etats-Unis : le rêve américain n’est plus ce qu’il était

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Ce texte est un résumé du rapport « America’s Rental Housing 2020 » du “Joint Center for Housing Studies of Harvard University”. Il a été publié sur le site conversableeconomist.blogspot.com et traduit avec l’aimable permission de son auteur, Timothy Taylor, qui est également rédacteur en chef du « Journal of Economic Perspectives ».
Les intertitres sont de la Rédaction.

 Le marché américain du logement locatif est en pleine mutation, comme le souligne le Joint Center for Housing Studies de l’Université de Harvard dans son rapport « America’s Rental Housing 2020 » (janvier 2020). Voici quelques-uns de ces changements.
Le « taux de location » – la part des ménages qui louent – a fortement augmenté entre 2004 et 2016 environ, avant de se stabiliser ces dernières années.

Graphique 1 – L’augmentation du nombre de locataires ralentit et leur part se stabilise

La dépense de logement reste un lourd fardeau pour les locataires, malgré l’augmentation de la part de ménages aisés

De 2000 à 2010, la majeure partie de la croissance du marché de la location de logements provenait des personnes ayant des revenus relativement faibles. Mais au cours de la dernière décennie, la majeure partie de la croissance du marché du logement locatif provient de ceux qui ont des revenus relativement plus élevés. « Mais à 22 % en 2019, les taux de location des ménages gagnant 75 000 $ ou plus sont au plus haut niveau jamais enregistré. Même en tenant compte de la croissance globale des revenus, les taux de location des ménages du décile supérieur sont passés de 8,0 % en 2005 à 15,1 % en 2018, leur nombre ayant plus que doublé ».

Graphique 2 – Les ménages à hauts revenus ont tiré la croissance du nombre de locataires depuis 2010

Le loyer est un lourd fardeau pour beaucoup de ménages. Le rapport se penche sur les locataires qui sont « grevés par les coûts », c’est-à-dire ceux qui consacrent plus de 30 % de leur revenu au paiement du loyer. « Grâce à la forte croissance du nombre de locataires à revenus élevés, la part de ceux qui supportent des charges financières a diminué de manière plus sensible, passant d’un pic de 50,7 % en 2011 à 47,4 % en 2017, suivi d’une modeste augmentation de 0,1 point de pourcentage en 2018. … Entre-temps, 10,9 millions de locataires – soit un sur quatre – ont consacré plus de la moitié de leurs revenus au logement en 2018 ». Un autre changement important est l’augmentation du nombre de « locataires à coûts élevés » dans les groupes à revenus moyens (par exemple, 30 000 à 75 000 dollars par an de revenus annuels), en particulier dans les « grandes zones métropolitaines à coûts élevés ».

Vacance en baisse, loyers en hausse

Les taux de vacance des locations sont en baisse, et sont particulièrement bas pour les logements de moindre coût et de moindre qualité.

Graphique 3 – La taux de vacance diminue dans tous les segments, il est particulièrement bas pour les logements de moyenne et bas de gamme

En même temps, les loyers augmentent constamment plus vite que l’inflation.

Graphique 4

La valeur des immeubles d’habitation est également en forte hausse.

Graphique 5 – Le prix des appartements a plus que doublé depuis 2010

Un parc locatif en pleine évolution

Certains facteurs contextuels évoluent également. Sur le marché de l’immobilier locatif, le parc a augmenté dans deux domaines au cours des 15-20 dernières années : les maisons individuelles et les immeubles collectifs de 20 logements ou plus. Ces changements représentent une évolution du marché du logement locatif, qui s’éloigne des propriétaires individuels pour s’orienter vers la propriété collective des locations. Dans le domaine des maisons individuelles, par exemple, un certain nombre d’investisseurs institutionnels ont acheté des maisons en tant que propriétés locatives à la suite de la chute des prix du logement vers 2010. C’est ce qu’indique le rapport :
« La propriété des logements locatifs a connu un changement notable entre 2001 et 2015, les propriétaires institutionnels tels que les organismes à responsabilité limitée[1] et les foncières[2] détenant une part croissante du parc. Pendant ce temps, la propriété individuelle a diminué dans les immeubles locatifs de toutes tailles, mais surtout dans les immeubles de 5 à 24 logements. En effet, la part des appartements de taille moyenne détenus par des particuliers est passée de près de deux tiers en 2001 à environ deux cinquièmes en 2015. Étant donné que les logements de ces immeubles sont généralement plus anciens et ont des loyers relativement bas, les investisseurs institutionnels peuvent les considérer comme des candidats de choix pour l’achat et la modernisation. Ces changements de propriétaires ont donc contribué à maintenir les loyers à la hausse. »

Des locataires plus stables

Un autre changement est que de nombreux locataires semblent plus heureux d’être locataires et moins susceptibles de considérer une location comme une étape à court terme sur le chemin de l’accession à la propriété. Les locataires restent également plus longtemps sur place. C’est ce que note le rapport :
« L’évolution des attitudes à l’égard de l’accession à la propriété peut amener certains ménages à continuer à louer plus tard dans leur vie. La dernière enquête de Freddie Mac sur les propriétaires et les locataires indique que la part des locataires genX (âgés de 39 à 54 ans en 2019) n’ayant aucun intérêt à devenir propriétaires est passée de 10 % en mars 2017 à 17 % en avril 2019. […] Au total, 75 % des locataires, et 72 % des locataires de genX, ont déclaré que la location correspondait le mieux à leur mode de vie actuel. »
Les locataires restent plus longtemps dans les mêmes logements. Entre 2008 et 2018, la proportion de locataires ayant vécu dans leur logement pendant au moins deux ans est passée de 36 % à 41 % chez les moins de 35 ans, et de 62 % à 68 % chez les 35-64 ans. De même, la National Apartment Association a fait état d’un taux de rotation de 46,8 % seulement en 2018, soit le taux de déménagement le plus faible depuis le début de l’enquête en 2000.

Le taux de propriétaires en baisse

Le taux de propriétaires aux États-Unis a souvent été de l’ordre de 63 à 65 %, dépassant cette fourchette pendant le boom immobilier aux alentours de 2006, redescendant ensuite, puis rebondissant un peu ces dernières années.  En examinant les tendances à long terme du vieillissement, du mariage/de la parentalité et des revenus, le ministère américain du logement et du développement urbain a organisé il y a quelques années un symposium « pour ou contre » sur la question de savoir si la proportion de propriétaires aux États-Unis sera tombée à moins de 50 % d’ici 2050.
Les taux de propriétaires des jeunes adultes et des Noirs sont particulièrement faibles. Le taux de propriétaires aux États-Unis était à peu près moyen selon les normes internationales il y a 20-25 ans, mais il est aujourd’hui inférieur à la moyenne.
En ce qui concerne la question sociale plus large des prix de location si élevés pour un si grand nombre de personnes, la réponse économique est simple. Pour les personnes à très faibles revenus, aidez-les à payer le loyer. Mais pour le marché dans son ensemble, le moyen d’obtenir des prix plus bas est d’augmenter l’offre. Par exemple, il est intéressant de se demander pourquoi le nombre de propriétaires a diminué et dans quelle mesure cette baisse est due à des coûts supplémentaires administratifs, réglementaires et de zonage imposés au niveau de l’État et au niveau local. Il me semble possible que nous soyons au milieu d’un changement social dans lequel de nombreux ménages de différents niveaux de revenus accordent moins d’importance à la propriété du logement – ce qui, à son tour, signifie une plus grande attention du public aux conditions de l’offre et de la demande sur les marchés de la location.

Timothy Taylor
Février 2020


[1] LLC (limited liability company) et LLP (limited liability partnerships)

[2] REIT (real estate investment trusts)

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