Le Conseil d’Etat a rejeté, par une décision du 16 octobre 2017, une requête émanant notamment du conseil supérieur du notariat, de la chambre des notaires des Hauts-de-Seine et de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, visant à faire annuler l’arrêté du 16 septembre 2016 pris pour l’application de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron.
La création des nouveaux offices devrait ainsi être bientôt effective, sauf nouveau recours qui n’est bien sûr pas à exclure. En effet, si les notaires en place sont mécontents de la loi (dont le contenu est pourtant resté bien en-deçà de ce que préconisait un rapport de 2013 de l’Inspection des Finances), les candidats à l’installation ne sont pas non plus satisfaits, notamment depuis qu’un décret[1] a autorisé les sociétés civiles professionnelles de notaires (SCP) à candidater pour les nouveaux offices.
Une mise en œuvre laborieuse
L’article 52 de la loi dispose que « Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.
Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, parmi lesquels une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés. »
Prévoyant que le nombre de demandes pourrait être élevé, le décret d’application du 20 mai 2016 a institué une procédure de tirage au sort dont les modalités ont été définies par un arrêté.
Les textes, décrets et arrêtés d’application, ont fait l’objet de plusieurs recours devant le Conseil d’Etat. Ce dernier a suspendu, en décembre 2016, le tirage au sort d’attribution des nouveaux offices, au motif que les garanties prévues par cet arrêté pour s’assurer de la régularité du tirage au sort étaient insuffisantes. Il a fallu un nouvel arrêté, pris en janvier 2017, pour qu’il puisse reprendre. Le dernier recours en date, portant sur l’arrêté du 16 septembre 2016, qui définit, sur proposition de l’Autorité de la concurrence, les zones d’installation libre de nouveaux offices et le nombre d’offices à créer dans chacune d’elles, vient donc d’être rejeté, le Conseil d’Etat considérant que la procédure de délimitation des zones avait été conduite conformément à la loi.
Cet arrêté définit 247 zones d’installation libre et 60 zones d’installation contrôlée, représentées sur la carte ci-après.
L’Autorité de la concurrence a estimé entre 3 500 et 4 000 le « potentiel d’installations libérales » d’ici à la fin de 2024. A l’horizon 2018, « afin d’assurer un rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels », L’objectif fixé par l’arrêté est la création dans les zones d’installation libre de 1 002 nouveaux offices notariaux permettant l’installation de 1 650 notaires.
Une concurrence accrue : quelles conséquences ?
Un premier pas va donc être franchi et, bien qu’elle demeure strictement encadrée, l’ouverture de la profession est donc réelle. Une concurrence accrue devrait donc s’établir, d’autant que les notaires ont désormais une certaine latitude pour fixer le tarif des actes : le décret du 26 février 2016 les autorise en effet à accorder une remise pouvant aller jusqu’à 10% du tarif plafond fixé par arrêté.
En tout état de cause, que les notaires fassent on non usage de cette possibilité, leur chiffre d’affaires moyen va diminuer du fait de l’augmentation du nombre d’offices. On peut donc s’attendre à ce qu’ils soient de plus en plus nombreux à développer une activité d’intermédiation dans les transactions immobilières, dans laquelle ils n’occupaient jusqu’à présent qu’une position marginale, limitée pour l’essentiel à certaines régions comme le Nord ou la Bretagne et, ailleurs, aux zones rurales. Cette activité était encadrée : le montant de leurs honoraires était fixé par arrêté et la publicité des offres limitée. Le décret précité leur donne désormais toute latitude pour le fixer. Quant à la publicité, elle se fait aujourd’hui pour l’essentiel par le biais de plateformes internet, de sorte que les limites imposées sont devenues largement inopérantes.
Dans la concurrence qu’ils pourraient ainsi faire aux agences immobilières, les notaires ont des atouts. Ils sont en mesure d’offrir un service complet, comprenant notamment la rédaction des précontrats, alors que la part des agences immobilières qui rédigent les compromis de vente s’est fortement réduite ces dernières années. En outre, ils disposent d’un outil d’évaluation fondé sur les données recueillies lors des transactions.
Jean Bosvieux – novembre 2017
[1] Décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire