A propos du contrôle des loyers

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S’il est un sujet qui fait consensus parmi les économistes, c’est bien celui du contrôle des loyers[1]. Analyses théoriques et études de cas convergent pour conclure à la nocivité des mesures de contrôle s’apparentant à un blocage, dites de première génération, par opposition aux restrictions moins contraignantes imposées dans nombre de pays à l’évolution du loyer en cours de bail. Pénurie d’offres locatives, éviction des nouveaux arrivants, dessous de table et autres pratiques occultes, doubles marchés, absence d’entretien des logements : telles sont les dérives décrites par les observateurs qui se sont intéressés à la question. En France, la situation apocalyptique du marché locatif au lendemain de la seconde guerre mondiale, après plus de 30 ans de blocage des loyers, a été exposée en détail par B. de Jouvenel dans un article paru aux Etat-Unis[2].
La publication en 2011 par Métropolitiques d’un article de Loïc Bonneval remettant en cause le consensus sur les effets pervers du contrôle des loyers et affirmant que celui-ci n’empêchait pas « le maintien de rendements élevés » et  « une rentabilité supérieure aux taux d’intérêt » apparaissait quelque peu incongrue. Il ne faisait pas de doute, aux yeux de beaucoup, que ces affirmations étaient erronées et ne pouvaient procéder que de données biaisées ou d’une erreur d’interprétation. Toutefois, le démontrer aurait nécessité une analyse critique du travail sur lequel s’appuie l’auteur : une tâche lourde et fastidieuse que personne, jusqu’à présent, n’avait eu le courage d’entreprendre. C’est ce à quoi se sont attelés R. Ellickson et D. Le Bris : les résultats de leur investigation ont fait l’objet d’un article récemment publié par le même site Métropolitiques, « Les dégâts du contrôle des loyers (France 1914-1948) »[3]. Tout en reconnaissant le sérieux du travail de documentation de Bonneval, ils concluent que « l’interprétation des faits historiques qu’il propose est très fragile. Elle s’appuie sur un indicateur marginal pour remettre en cause la vision classique des effets délétères du contrôle des loyers établi en France après 1914. Une lecture plus minutieuse des faits qu’ils établissent confirme que la législation sur le logement en France entre 1914 et 1948 constitue un cas d’école des effets négatifs d’un strict contrôle des loyers ».
On veut espérer, mais sans trop y croire, que cet article mettra un point final à un débat qui n’a pas lieu d’être.
Jean Bosvieux
Février 2019

[1] Pour une revue de la littérature sur le sujet, voir par exemple Jenkins, B., 2009, «!Rent Control !: Do Economists Agree!?!», Econ Journal Watch, vol. 6, n°1, p.73-112

[2] B. de Jouvenel, « No vacancies », article publié pour la première fois en 1948 par the Foundation for Economic Education et réédité dans l’ouvrage « Rent control : myths and realities », the Fraser Institute, 1981, pages 187 à 197.

[3] https://www.metropolitiques.eu/Les-degats-du-controle-des-loyers-France-1914-1948.html

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.

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