Gens du voyage

Désigne aujourd’hui une catégorie de population en réalité fort hétérogène puisque, sur 300 000 personnes évaluées ainsi en France, un tiers sont itinérantes, un tiers semi-sédentaires et un tiers sédentaires.

Cette appellation apparue dans les années mille neuf cent soixante-dix est une catégorie construite par les pouvoirs publics qui se substitue à des désignations précédemment utilisées dans les lois et les circulaires depuis 1945 – « population d’origine nomade », puis « nomades » -, mais également à la nomination ethnique de groupes également hétérogènes, communément appelés « Gitans » ou « Tsiganes ». Reconnaissant ainsi ces populations par leur mode de vie et non par leur identité, les pouvoirs publics entendent répondre à la question sociale, à laquelle cette population finit par être assimilée, par une politique d’intégration dont le volet « habitat et accueil » constitue l’un des pivots. A noter que, par le caractère ambulant de leurs activités économiques, les gens du voyage sont également assimilés aux « personnes circulant en France sans domicile fixe ».
Les difficultés de logement auxquelles se trouvent confrontés les gens du voyage sont liées à leur précarisation économique (disparition des métiers manuels) ainsi qu’aux effets de l’urbanisation combinés à ceux du remembrement rural. Dans le cadre des politiques de résorption de l’habitat insalubre, certains Tsiganes ont été logés en cités de transit, tandis que l’absence d’aires de stationnement dans les documents de planification réduisait les possibilités de halte. A partir de 1978, l’inscription de ces aires dans les Plans d’Occupation des Sols rejette les caravanes en périphérie, dans des zones non constructibles. Les gens du voyage s’installent alors sur les parkings, dans les zones d’activités, les délaissés urbains, mais également dans les quartiers pavillonnaires.
C’est dans le cadre de la loi du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du droit au logement pour les « populations défavorisées » (dite « loi Besson ») que, par l’article 28, les pouvoirs publics préconisent la réalisation de plans départementaux pour l’accueil des gens du voyage, obligeant les communes de plus de 5000 habitants à aménager des aires d’accueil facilitant en contrepartie l’interdiction de stationnement hors de ces terrains. Dix ans plus tard, compte tenu du peu d’effet de la loi de 1990, une nouvelle loi coercitive est votée, qui permet au préfet de se substituer aux communes en l’absence de réalisation d’aires d’accueil. Par ailleurs, cette loi du 5 juillet 2000 (dite « deuxième loi Besson ») rompt avec la logique strictement socio-économique des lois précédentes, dans la mesure où elle inclut une référence à un « habitat traditionnel constitué de résidences mobiles ».
Les aires d’accueil doivent répondre à un certain nombre de normes et leurs dimensions varient en fonction de la durée du séjour : les « aires d’accueil proprement dites » (moins de 50 places) sont plutôt réservées aux moyens et longs séjours, les aires plus importantes (50 à 200 places) au « grand passage ». Leur nombre est aujourd’hui massivement insuffisant : 8000 places de caravane aménagées pour 30 000 nécessaires. En dehors des aires d’accueil, une proportion importante de gens du voyage vit dans des logements aidés ou plus ou moins vétustes, mais également en pavillons ou encore dans des jardins familiaux où stationne la caravane – laquelle n’ouvre pas droit à l’aide au logement. Les acteurs locaux sont donc incités par les pouvoirs publics à mettre en œuvre des solutions d’« habitat adapté » répondant aux problèmes des familles sédentarisées en raison des difficultés de stationnement. Toutefois, la marginalité économique dans laquelle demeurent Tsiganes, Gitans, Manouches ou Roms et l’hostilité des populations avoisinantes rendent extrêmement problématique l’amélioration de leurs conditions de vie. Par ailleurs, en visant simultanément à renforcer la participation active à la société des différents éléments qui la composent tout en acceptant la sauvegarde de spécificités culturelles, les politiques d’intégration peuvent contribuer à renforcer leur marginalisation.

Anne Gotman
Juin 2015

caravane, documents d’urbanisme, « Logement et immigration », « L’hospitalité »,  migration

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.