Loyers encadrés à Lyon et Villeurbanne
Après Paris et Lille, l’encadrement des loyers est entré en vigueur – toujours à titre expérimental – le 1er novembre dernier à Lyon et Villeurbanne. Le but poursuivi est, selon la métropole du Grand Lyon, de « limiter l’augmentation des loyers dans les secteurs en forte tension immobilière »[1].
Comme à Paris et à Lille, l’encadrement suscite de vives réactions de la part des professionnels de la location. Selon Cyril Imsissen, vice président d’Orpi Lyon, il risque d’être inefficace et d’entraîner des hausses de loyer : « Je crains que cette mesure soit totalement improductive et ait pour conséquence d’augmenter les loyers actuels, notamment sur les plus grandes surfaces ». Il pourrait, selon lui, inciter les propriétaires qui pratiquent actuellement des prix modérés à augmenter leurs loyers en s’alignant sur les loyers médians et entraîner une raréfaction de l’offre de petits logements. Il est vrai que, comme le relève Orpi il n’a pas vraiment fait ses preuves à Paris : une évaluation est prévue, mais on ne dispose pas pour l’heure d’une appréciation des effets du dispositif.
Pour inciter les bailleurs à respecter les plafonds, la métropole annonce, par la voix de son vice-président en charge du logement, la mise en place d’« une équipe métropolitaine de l’habitat qui va faire de la veille, recevoir les coups de fil des habitantes et des habitants, qui centralisera toute la remontée d’information, qui ira sur Seloger.com, par exemple¸ pour vérifier s’il n’y a pas des annonces qui dépassent le loyer plafond et qui interpellera le Préfet pour qu’il fasse appliquer la loi. Mieux encore, elle participera à l’instruction du dossier »[2]. On peut toutefois s’interroger sur l’efficacité d’un tel dispositif, puisqu’aux termes de la loi, seul le locataire peut saisir la justice pour contester le montant du loyer. Le préfet ne dispose en la matière d’aucun pouvoir de sanction.
Plus généralement, on ne peut qu’être étonné par les réactions que suscite l’encadrement, car en supposant qu’il soit parfaitement respecté, il ne peut à lui seul avoir grand effet sur l’évolution des loyers : il n’interdit pas, en effet, aux bailleurs de logements loués en-deçà du prix médian d’augmenter le loyer lors de la relocation. C’est une autre mesure, en vigueur dans les zones les plus chères, qui limite les augmentations : le décret annuel de limitation de la hausse des loyers à l’indice de référence des loyers (IRL), appliqué depuis 2012 dans les 28 zones, dont l’agglomération lyonnaise, en cas de renouvellement de bail ou de relocation. Bien plus contraignant pour les bailleurs, ce décret n’est pourtant guère sujet à polémique.
Bernard Coloos
Novembre 2021
[1] https://www.grandlyon.com/services/lencadrement-des-loyers-a-lyon-et-villeurbanne.html
[2] Interview de Renaud Payre, vice-président de la métropole de Lyon en charge du logement, par Lyon capitale (https://www.lyoncapitale.fr/actualite/video-encadrement-des-loyers-notre-attente-se-situe-sur-les-petites-surfaces-souligne-renaud-payre).
je pense que le décrêt en zone tendue est largement ignoré et inapliqué du moins à la relocation (il existe pourtant depuis 1989…) .
De plus il s’applique concomitamment avec l’encadrement des loyers ce qui fait que la situation qui en résulte est ubuesque.
Tout les économistes ont démontré le caractère contre productif d’une telle mesure tant sur le plan théorique qu’empirique. Ce n’est évidement pas instinctif car il s’agit d’effet pervers qui ont été constatés dans tous les cas, mais à moyen et long terme. D’où l’impossibilité de faire un bilan des mesures issues de la loi alur. Il s’agit donc d’une mesure purement politique qui flatte certaine clientèle électorale. Le blocage des loyers de relocation est encore pire. Il empêche les bailleurs d’apprécier la véritable valeur locative de leur bien et les décourage à réaliser des travaux d’amélioration entre deux locations
D’accord avec Bernard COLOOS pour dire que l’encadrement des loyers aura peu d’effet sur les loyers moyens ou médians. A Lyon, il visera surtout les petits logements, dont les loyers sont parfois délirants, vu la pression de la demande – notamment des étudiants – sur l’offre. Aura-t-on un jour les moyens de programmer l’offre d’enseignement supérieur aux besoins des universités pour dispenser des enseignements de qualité et aux capacités des villes à loger les étudiants ?
Pas d’accord avec Christian NICOL pour dire que la concomitance des deux dispositifs rend la situation ubuesque. Dès lors que la collectivité se donne les moyens de surveiller le montant des loyers proposés ou pratiqués, sur plainte des locataires – ce qui est le cas à Lyon, où l’équipe métropolitaine de l’habitat travaillera avec l’ADIL et les services de l’État, les pratiques déviantes de propriétaires trop âpres au gain pourraient progressivement évoluer.
Et pas d’accord pour dire que le Préfet n’a aucun moyen de sanction : il me semble qu’il peut porter l’affaire devant le juge si la conciliation administrative échoue.
Fondamentalement, l’enjeu est de faire comprendre aux acteurs du parc privé, à commencer par les propriétaires de logement (ou de terrain) que le logement comporte une dimension d’intérêt général, certes insuffisamment reconnue par la constitution, qui fait que la seule loi de l’offre et de la demande ne saurait raisonnablement (« durablement ? », éthiquement ?) gouverner l’évolution des prix de l’immobilier et des loyers. Qui porte ce discours aujourd’hui ? comment ceux qui le souhaitent peuvent-ils le formuler pour le rendre audible ?
Ce type de mesure (l’encadrement des loyers) ne produit ses effets que dans la durée (au moins 5 ans). Même s’il y a urgence à rendre Lyon, Paris ou Lille plus accessibles aux étudiants et aux ménages primo-accédants à la recherche d’un logements, il faudra du temps pour freiner la hausse des loyers, changer les habitudes des propriétaires en la matière et rendre effective les équipes de la métropole. Par ailleurs, au-delà de la limitation des loyers, pour les locataires en place, il existe de nombreux propriétaires qui n’entretiennent pas leurs logements. Certains possèdent même des immeubles entiers et laissent se développer des passoires thermiques : si la loi ne permettra plus la mise en location de logements classés F ou G dès 2024, l’application de la mesure sera difficile à contrôler. Là aussi, l’efficacité de la politique repose sur des moyens limités et le bon vouloir des propriétaires.