« Inconfinables ? », de Julien Damon (1)
Hasard ou prémonition, le dernier livre de Julien Damon[1], sur les sans-abri face au coronavirus : « Inconfinables ? », est sorti le 30 octobre, alors même que la France se reconfinait pour endiguer la propagation du virus.
Après avoir rappelé que l’épidémie met davantage en danger les populations fragiles et qu’il est par principe impossible de se confiner chez soi, voire pratiquer les gestes barrières lorsque l’on vit à la rue, Julien Damon dresse un bilan plutôt positif de la réponse apportée par les pouvoirs publics lors du premier confinement du printemps. Alors même que le nombre de places d’hébergement est en temps normal toujours insuffisant dans les grandes métropoles, l’occupation de bâtiments tels que les hôtels vacants a permis de répondre à la demande. Face à l’urgence l’Etat, les collectivités locales comme les organismes sociaux et les associations ont su être réactifs et s’adapter. Fort de cette « expérience », Julien Damon préconise, pour mieux répondre aux besoins structurels d’hébergement dans l’avenir, de :
– prévoir pour mieux anticiper les crises, sur ce point personne ne le contredira sans doute ;
– décentraliser la prise en charge des sans-abri au niveau des collectivités locales. Sur ce point les controverses seront sans doute plus vives, car si tout le monde prône une collaboration étroite entre l’État et les collectivités locales, force est de constater que le recours à l’État pour mettre en œuvre,ce que beaucoup considèrent relever de la solidarité nationale, est un principe auquel restent attachés un grand nombre d’acteurs ;
– formaliser clairement les situations des sans-abri, dont beaucoup sont des personnes sans papiers qui devraient être soit régularisées afin de pouvoir être relogées dans les dispositifs de droit commun, soit reconduites à la frontière. La proposition est claire, elle est depuis de nombreuses années écartée au nom d’un risque d’appel d’air des migrants pour les premiers et de l’impossibilité pratique de renvoyer les seconds dans des pays d’origine qui ne souhaitent pas les reprendre.
Mais la proposition la plus nouvelle exprimée dans ce livre consiste à préconiser la contrainte pour ne pas laisser les personnes de la rue. Pour Julien Damon, la crise actuelle, qui limite chacun dans sa liberté de circulation au nom de la protection de la santé de tous, doit conduire à obliger les SDF à intégrer les structures d’hébergement qui leurs sont offertes. Si l’état d’urgence sanitaire permet d’envisager cette mesure, la question de la contrainte se pose au-delà de la situation actuelle : doit-on, à l’instar de l’Allemagne, du Royaume-Uni, ou du Danemark, sous réserve d’être en mesure de proposer des conditions d’accueil dignes, interdire aux sdf de vivre dans la rue afin de les protéger ? Il y a fort à parier que la position clairement exprimée par Julien Damon suscitera la controverse.
Frédérique Lahaye
Octobre 2020
[1] Julien Damon, professeur à Sciences Po Paris et conseiller scientifique de l’Ecole nationale supérieure de la sécurité sociale, est spécialiste du sans-abrisme en France.
J’aime bien la présentation bottom line de l’auteur : prof à sciences po et conseiller d’école. On aurait pu, également, par souci d’équilibre, rappeler qu’il est chroniqueur aux Échos et au Point, dirigeant de la société d’études et de conseils Éclairs, et expert recensé pour l’institut Montaigne.
Dommage qu’un fin connaisseur de l’institution révolutionnaire que représenté la sécurité sociale en ignore la puissance, notamment en temps de crise, où le simple dégel du taux de cotisation simplifierait tellement la gestion de cette crise.