Occupe un logement qui ne lui appartient pas et rémunère le service qui lui est rendu par le propriétaire sous la forme du paiement d’un loyer.
Les relations entre les deux partenaires sont régies par le contrat qu’ils signent : le bail. Il existe différents régimes de baux, selon le statut des logements et/ou des bailleurs (social ou non, meublé ou non, auxquels s’ajoute, depuis la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) du 23 novembre 2018, le bail mobilité) ; les termes qu’ils contiennent, notamment en matière de durée, définissent les spécificités du statut du locataire et les limites de ses droits sur le logement. Sur cette base juridique qui montre les spécificités du statut des locataires, on peut chercher à en comprendre les logiques sociales et économiques en mesurant les poids respectifs du choix (la souplesse du statut et les mobilités qu’il facilite) et de la contrainte (la location lorsque la solvabilité est insuffisante pour accéder à la propriété). Ce sont en effet ces deux pôles qui contribuent le mieux à tracer les contours des profils types des locataires, en dégageant deux archétypes majeurs : celui du ménage jeune en phase de constitution familiale et d’épargne préalable et celui de la famille modeste. Ces modèles dominants masquent cependant d’autres situations, moins fréquentes, mais significatives des attraits du statut locatif.
Les archétypes
42% des personnes de référence des 11,7 millions de ménages locataires décrits par le recensement de 2019 a moins de 40 ans et 11% moins de 25 ans ; selon l’enquête logement de 2013, près des trois quarts sont des ménages composés de personnes vivant seules de couples sans enfants et de familles monoparentales.
On observe, sur ces variables, un clivage important entre les locataires du logement social et ceux relevant du secteur privé. Les premiers sont généralement plus âgés (72% ont plus de 40 ans) et plus nombreux (40% de ménages avec enfants) ; alors que les seconds sont massivement jeunes (50% ont moins de 40 ans) et composés d’une ou deux personnes (78%). Cette caractérisation sommaire permet de distinguer clairement les profils dominants chez les locataires de ceux des accédants à la propriété, marqués par les configurations familiales avec enfants (61% de couples avec enfants chez les primo accédants en 2013) et des propriétaires non accédants nettement plus âgés (54% ont plus de 65 ans). Elle permet aussi de préciser la description des deux situations majoritaires.
La première, principalement présente dans le parc privé, correspond au moment du cycle de vie marqué par la double construction familiale et économique ; elle est caractérisée par la fréquence des déménagements (plus de 60% des ménages sont présents dans leur logement depuis moins de quatre ans), lesquels correspondent à des ajustements successifs liés à la formation et à l’éclatement des couples, à la vie universitaire et aux premières étapes de la carrière professionnelle. Beaucoup de ces locataires, une fois stabilisés, mobiliseront l’épargne nouvellement constituée pour accéder à la propriété, souvent pour satisfaire une aspiration à la vie dans une maison individuelle. C’est donc le double besoin d’une adaptation fréquente et de la constitution d’une épargne qui justifie le choix positif du statut locatif.
Le second modèle est surtout présent dans le parc locatif social ; c’est celui des familles à revenus modestes (50% appartiennent aux premier quartile de la répartition des revenus par unité de consommation), souvent monoparentales (16,5%), pour lesquelles la location en HLM constitue le seul moyen de disposer d’un logement confortable pour un prix accessible. C’est ici la contrainte économique qui favorise le statut locatif.
Les figures minoritaires
Ces archétypes fortement majoritaires tendent à masquer d’autres situations de locataires qui persistent ou tendent à croître.
Les personnes âgées constituent à ce titre un groupe intéressant ; très présentes dans les derniers logements soumis à la loi de 1948, elles le sont dans une moindre mesure dans les autres types de parc locatif : leur proportion croît dans le secteur social, sous l’effet de l’immobilité résidentielle des ménages à faibles ressources et de la rente de situation que procure la faiblesse des loyers ; elle reste assez stable dans le parc privé, les décès ou départs en institution étant remplacés par l’arrivée de nouveaux locataires revenant dans la ville dense après l’expérience pavillonnaire et le départ des enfants.
C’est donc aux âges intermédiaires, pour les ménages appartenant aux classes moyennes et aisées, que l’on rencontre les plus faibles parts de locataires. Deux types d’exception sont cependant remarquables.
– D’abord celle des ménages issus de l’éclatement familial. La séparation des couples nourrit le parc locatif, lequel fournit rapidement une offre peu contraignante qui n’engage pas l’avenir.
– Ensuite, celle des ménages dont l’investissement dans la résidence principale est limité par la concurrence de choix parallèles de mode de vie. La possession d’une résidence secondaire en est l’exemple le plus classique, qui absorbe à la fois les ressources financières et la dimension affective souvent attachée à la propriété. Le choix du statut locatif peut aussi correspondre, plus simplement, à la définition par les ménages de priorités de localisation résidentielle plus abordables à la location qu’à l’achat (c’est le cas de la plupart des quartiers les plus cotés). Ce peut également être l’indice d’un arbitrage plus global, dans le budget du ménage, entre la dépense de logement et celles consacrées à d’autres postes, tels que les loisirs ou les vacances ; le choix du locatif différenciant ainsi le jouisseur de l’épargnant.
Jean-Claude Driant
Février 2023