Propriétaire bailleur

Propriétaire d’un bien foncier ou immobilier dont il concède l’usage à un locataire, pour une certaine durée, moyennant un certain prix, appelé loyer, conformément à un contrat de bail établi entre les deux parties.

On s’intéresse ci-dessous aux propriétaires bailleurs de logements locatifs.

Qui sont les propriétaires bailleurs ?

Trois types sont à distinguer :
– les organismes d’HLM et les Sociétés d’économie mixte possédant plus de quatre millions et demi de logements dont les loyers sont plafonnés et dont l’accès implique un revenu ne dépassant pas un certain niveau. Les organismes d’HLM ont beaucoup construit dans les années 60 et 70. Au 1er janvier 2014, le parc locatif social comptait  4 686 000 logements, situés pour la plupart dans les centres urbains importants. Les locataires paient des loyers administrés et ils ont droit au maintien dans les lieux ;
– les autres personnes morales (Compagnies d’assurance, Société foncières, Caisses de retraite, SCPI, etc.) possèdent 300 000 à 400 000 logements au niveau national, soit un patrimoine de faible envergure mais de forte valeur car il se concentre dans les secteurs riches des villes riches. Ces bailleurs, appelés aussi investisseurs institutionnels, montrent globalement une tendance à se dégager du placement logement au profit des locaux d’entreprise (bureaux, boutiques, ateliers) et, pour certains d’entre eux, à abandonner le placement immobilier au profit des placements boursiers. A titre presque anecdotique, signalons l’existence de bailleurs personnes morales sans but lucratif (Institut de France, Commissariat à l’énergie atomique, Assistance publique, Garde républicaine, Banque de France, etc.) qui possèdent quelques dizaines de milliers de logements en partie pour loger leur personnel ;
– les bailleurs personnes physiques possèdent 5,6 millions de logements. Ils ont joué un rôle historique fondamental en faisant construire depuis le XIXème siècle des « immeubles de rapport » possédés en entier à une époque où la copropriété était pratiquement inexistante, où les HLM n’existaient pas, et où les investisseurs institutionnels (dont les Compagnies foncières) s’attachaient (déjà) à la clientèle haut de gamme.
Les particuliers possèdent donc l’immense majorité des logements locatifs privés moyennant une dispersion extrême : les deux tiers ne possèdent qu’un seul logement et le patrimoine moyen est de deux logements. De plus en plus de personnes possèdent un logement, de moins en moins de personnes possèdent un immeuble. Ceci résulte de l’éparpillement des avoirs immobiliers et du statut de la copropriété : de façon croissante les bailleurs sont des copropriétaires bailleurs. Dans la copropriété, l’occupation par le propriétaire est très faiblement majoritaire, le locatif et le logement gratuit s’adjugeant près de la moitié du total des logements.

Le maintien du parc locatif privé : logiques d’investissement et bailleurs « inadvertants »

Les bailleurs particuliers marquent une méfiance fondamentale à l’égard contrôle des loyers, du choix de locataires (garanties exigées de plus en plus fortes), du comportement des locataires (respect du logement). Ils jugent la fiscalité (IRPP, impôt foncier, ISF) excessive et l’Etat a dû mettre en place des outils de défiscalisation (loi Malraux, incitations à l’investissement locatif) pour entretenir un courant d’investissement en logements locatifs neufs. Il est exact que la rentabilité nette du placement logement est assez modeste et que de nombreux bailleurs comptent aussi sur la prise de valeur de leur bien, au fil des ans, pour réaliser une performance motivante face aux autres types d’investissement de l’épargne. Vers 1990 on a beaucoup parlé de « fonte du locatif rivé » et brandi le spectre d’un dégagement massif des particuliers propriétaires bailleurs. Effectivement, dans divers pays (Espagne, Royaume Uni) le locatif privé a beaucoup régressé et la pulsion immobilière est particulièrement délicate à réactiver. En France l’offre se maintient globalement pour plusieurs raisons : dès 1964 les logements locatifs confortables et reloués ont pu échapper à la loi de 1948, laquelle imposait un loyer lourdement administré ; des avantages fiscaux ont été consentis aux nouveaux bailleurs de logements neufs ; un mécanisme paradoxal y ajoute ses effets : l’achat de logements en vue de placement représente 42% du total du patrimoine logement locatif, les autres achats (à l’origine, se loger soi-même) atteignent 28% et l’héritage 29%. On peut donc opposer, parmi les bailleurs personnes physiques les acquéreurs (70%) et les héritiers (29%), mais aussi les bailleurs volontaires (achat pour louer, 42%) et les bailleurs « inadvertants » (mise en location de l’ancien logement personnel, héritage, en tout 57%). La très importante fonction du parc locatif privé d’accueil des jeunes ménages mobiles est donc exercée assez largement par des particuliers qui n’ont pas fait un calcul rationnel de rentabilité et mélangent volontiers les genres (logements personnels reconvertis en location et réciproquement), dans un contexte de très grande ignorance des dispositifs législatifs, réglementaires et financiers en vigueur. On peut déplorer la fragilité de la fonction bailleresse mais également voir dans les mécanismes d’héritage et de reconversion de logement personnel une sorte d’inertie qui entretient le patrimoine locatif. Celui-ci s’est maintenu aussi pour une raison élémentaire : le niveau de loyer, lors de l’entrée du locataire était librement négocié (de 1989 à 1997 il était censé s’inspirer des loyers du voisinage pour des logements comparables). Cette liberté est toutefois menacée, dans les zones les plus chères, par le dispositif d’encadrement mis en place par la loi ALUR (2014). Par différence, les renouvellements de baux sont en principe encadrés, mais le mécanisme est peu respecté et les bailleurs admettent assez volontiers (après trois lois successives 1982, 1986, 1989) que le locataire en place puisse (sauf exception) se maintenir quand un bail se termine et qu’un nouveau bail commence.
Est-ce à dire que le marché locatif du logement a trouvé un équilibre satisfaisant ? Certainement pas : les bailleurs offrent trop peu de logements à Paris et dans les villes universitaires, ce qui entraîne les loyers à la hausse moyennant une sévère hiérarchie géographique, les locataires les plus aisés donnant le ton et renvoyant les autres candidats vers des adresses moins favorables (le niveau de confort est, quant à lui, devenu assez homogène). La pénurie structurelle de logements locatifs dans les espaces valorisés provoque une pathologie de la fonction bailleresse incarnée par les « marchands de sommeil » qui achètent des logements dévalorisés et les louent au prix fort à des ménages captifs, souvent étrangers, recalés de l’accession à la propriété, des HLM ou d’une location privée normale.
Les pouvoirs publics essaient, par ailleurs, de faire jouer un rôle « social » aux bailleurs privés (bail à réhabilitation, subvention pour travaux accrues si le propriétaire loge un démuni), mais cet effort obtient des résultats quantitatifs très restreints, les bailleurs ayant horreur d’être « embrigadés » d’une manière ou d’une autre. Maintenir un parc locatif privé abondant, ce qui est sensiblement le cas en France, repose davantage sur le statut fiscal de la location, la liberté des loyers, et la négociation directe des baux entre propriétaires et locataires. Dans l’immédiat, un certain équilibre semblait avoir été trouvé par la loi Mermaz-Malandain (6 juillet 1989), qui ne faisait pas l’objet de contestation sérieuse, contrairement à la loi de 1948 dont les propriétaires demandent massivement l’abolition. Cet équilibre pourrait être remis en cause si les dispositions d’encadrement des loyers prévues par la loi ALUR entrent effectivement en application. Le maintien d’une offre locative privée est fondamental mais il est « statistiquement » menacé par la croissance continue du secteur HLM et le développement de l’accession à la propriété qui demeure l’objectif de la majorité des ménages français.

Portrait du bailleur personne physique

Les bailleurs personnes physiques jouent donc un rôle prépondérant dans le marché locatif privé. Leur population est toutefois mal connue. L’enquête logement comme le recensement d’adressent en effet aux occupants des logements, et non à leurs propriétaires. Les informations disponibles proviennent d’une enquête bailleurs, couplée à l’enquête logement de 1996, qui n’a pas été renouvelée, et de l’enquête patrimoine de l’INSEE.
Selon l’enquête patrimoine 2010, le bailleur moyen a 55 ans et possède 2,1 logements locatifs. Si les bailleurs ne sont guère plus âgés que les non bailleurs (52 ans en moyenne), ils s’en distinguent par un revenu nettement plus élevé et un patrimoine bien plus conséquent. Leur revenu moyen est presque double de celui des non bailleurs et leur niveau de vie est de 80% supérieur ; leur patrimoine global est plus de quatre fois plus important. Au sein de ce patrimoine, l’immobilier est largement majoritaire (73%).
Bien que plus de six bailleurs sur dix ne possèdent qu’un seul logement locatif, une part importante du parc est concentrée entre les mains d’un petit nombre de propriétaires : 20% des bailleurs détiennent en effet plus de la moitié du parc. Les 2% de bailleurs possédant dix logements ou plus en détiennent à eux seuls 16,5%.
Les particuliers propriétaires de logements locatifs se rencontrent largement dans les professions indépendantes, chez les cadres supérieurs et les retraités. Un ménage sur dix seulement est bailleur alors que la proportion de propriétaires occupants atteint 57%.
Le bailleur a une préférence marquée pour la gestion personnelle, malgré une faible connaissance du cadre juridique de la location, et même des aides dont il peut bénéficier. Le recours à un professionnel pour la mise en location et/ou la gestion locative est minoritaire.
Les revenus locatifs ne constituent en général pour le bailleur qu’un revenu d’appoint : le revenu foncier moyen, de l’ordre de 6 000 €, ne représente que 10% de leur revenu. Cependant, la part des revenus locatifs est plus élevée chez les retraités ayant exercé une activité non salariée, pour qui elle constitue souvent un complément non négligeable.

André Massot, 2003
Mise à jour Jean Bosvieux, 2016

copropriété, investissement locatif, parc social de fait, « Le patrimoine des ménages : biens immobiliers et autres. Mise en perspective », transmission, contrôle des loyers, « La figure du propriétaire »

 

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.