Adresse

L’adresse est l’indication du lieu où habite une personne.

L’adresse est la codification de la relation entre l’individu ou l’entreprise et sa localisation. Elle résulte d’une logique administrative qui ne cesse de se développer en France depuis le 17ème siècle et qui culminera avec la Révolution française et l’Empire. Cette entreprise de rationalisation vise à donner une connaissance la plus précise possible au prince, du territoire et de ses habitants, ceci à des fins politiques ; dénombrer, identifier, codifier, dénommer, recenser font partie de cette vaste entreprise d’ « adunation » dont Sieyès fût le maître d’ouvrage; elle participe d’une nécessité de régulation et d’unification de la France réclamée par la République. Elle aboutira à la construction d’un appareil statistique sur lequel s’appuieront les gouvernements (A. Desrosières, 1993).
En France l’adresse est codifiée par des numéros, des noms, organisés et hiérarchisés. Tout l’espace habité est en quelque sorte engrillagé et homogénéisé par cette codification; celle-ci repose sur un système arithmétique pensé de l’extérieur, comme étant le plus objectif possible où l’individu est localisable dans un lieu précis, par une démarche arborescente.
Si l’inscription systématique des noms des rues remonte à 1728, leur numérotation sera rendue obligatoire par décret Napoléonien en Février 1805. P. Choderlos de Laclos, officier de carrière et auteur des Liaisons Dangereuses avait, dès 1787, élaboré un projet de « numérotage des rues de Paris » fondé sur un quadrillage. L’ordre des numéros se décline toujours par rapport au fleuve; à Paris ils augmentent au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la Seine et selon le courant; les numéros pairs sont à droite, les impairs, à gauche (Chadych, Leborgne, 1999)
Cependant il existe de multiples manières d’énoncer l’espace qui dépendent de l’idée que les sociétés se font de la relation entre l’individu et le territoire. Dans de nombreux pays du tiers monde, l’adresse indique un quartier et une collectivité plutôt qu’un individu ou un ménage.
Dans les villes japonaises, les rues n’ont ni noms ni numéros; si l’on trouve bien des chiffres dans l’énoncé d’une adresse ils correspondent à la section de quartier, à l’îlot et à la parcelle selon l’ordre d’occupation de l’espace (A. Berque, 1982).
L’adresse est un indicateur spatial mais aussi social; elle participe de la désignation positive ou négative d’une personne; dans sa Géographie humoristique de Paris, A. Siegfried (Siegfried, 1950) notait que le choix de la résidence de la bourgeoisie, s’il dépendait de contraintes économiques, était aussi très influencé par les contraintes sociales.
L’expression Les beaux quartiers (titre d’un roman d’Aragon, 1936) renvoie à l’habitat urbain des classes aisées. Elle a été reprise par les sociologues M.Pinçon et M. Pinçon-Charlot pour décrire l’ouest parisien comme un espace social habité par une population riche où l’investissement physique et symbolique de la grande bourgeoisie aboutit à développer des pratiques d’entre-soi, organisées autour de stratégies résidentielles ; celles-ci confortant une certaine reproduction sociale. Ils parlent de « griffe spatiale ».
Inversement Les quartiers d’exil (Dubet, Lapeyronnie, 1992) regroupent des populations pauvres pour lesquelles énoncer le lieu où l’on habite peut constituer une stigmatisation négative. Ch. Bachmann a montré la construction médiatique de cette stigmatisation dans certaines cités.
Ainsi l’adresse sous une énonciation apparemment neutre, peut indiquer pour qui sait la lire, le statut d’occupation de l’espace. Ce système a été progressivement remis en cause par la poste restante et la boîte postale. Aujourd’hui l’apparition des adresses électroniques généralise la délocalisation ; il y a rupture de la relation entre l’individu et le territoire puisque l’on peut consulter sa boite de n’importe quelle partie du monde.

Marion Ségaud
2003

→ « Le patrimoine habité », filtrage social, grands ensembles, promotion immobilière

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.