L’incidence des prélèvements obligatoires sur le capital sur les comportements des ménages (Conseil des prélèvements obligatoires)

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Ce document[1], rédigé par Aloïs Kirchner et Rémi Tardivoest l’un des cinq rapports particuliers qui accompagnent le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, paru en janvier 2018.

La taxation du patrimoine des ménages est-elle justifiée ? Après une rapide revue de la littérature économique, les rapporteurs répondent positivement à cette question préalable, estimant que « La taxation du capital est incontournable pour tendre vers une fiscalité socialement et économiquement optimale ». Ils examinent ensuite les modalités de taxation des différentes catégories d’actifs détenus par les ménages et formulent des suggestions pour rendre la fiscalité « stable et intelligible » et en améliorer la cohérence et la lisibilité, conditions nécessaires à leurs yeux pour la rendre plus efficace.
L’immobilier représente la plus grande part (60% en 2015) du patrimoine brut des ménages. L’examen de la fiscalité immobilière confirme le constat fait à maintes reprises de ses incohérences et des effets indésirables de certains impôts. Les « biais fiscaux » en faveur de la propriété occupante (et à un degré moindre de la location meublée) et au détriment de la location vide dans l’ancien sont bien connus, ils tiennent pour l’essentiel à la non taxation des loyers implicites des propriétaires occupants et de leurs plus-values immobilières et aux dispositifs fiscaux d’encouragement à l’investissement locatif dans le neuf. De même, le fait que « la fiscalité pesant sur les transactions encourage les comportements de rétention et freine la mobilité » et qu’il serait plus pertinent, d’un point de vue économique de taxer la détention plutôt que les transactions, a déjà maintes fois été signalé.
L’imposition des loyers implicites étant jugée politiquement impossible et l’impôt sur la détention (la TFPB) pouvant difficilement servir de support à une réforme, puisque ses bases datent de 40 ans, il reste peu de solutions pour tenter de corriger les défauts signalés. Les rapporteurs privilégient celle qui consisterait à mettre fin à l’exonération de l’imposition des plus-values immobilières des résidences principales (en excluant de l’assiette, le cas échéant, le montant réinvesti dans l’acquisition d’une nouvelle résidence principale) : ils consacrent un assez long développement à l’étude de cette voie et proposent de revoir les modalités d’imposition pour éviter d’encourager la rétention.
Leur réflexion rejoint celle de certains économistes[2] qui préconisent de remplacer les droits de mutation par une taxation des plus-values non réinvesties. Elle reste cependant partielle car elle n’aborde pas la question du traitement des moins-values, ni celle des droits de succession, qui pourraient permettre de soumettre à l’impôt les plus-values latentes.
Le patrimoine financier des ménages est constitué majoritairement (63%) d’actifs non risqués, dont la moitié en assurance-vie en support euros, l’autre moitié se répartissant pour l’essentiel entre numéraire, dépôts bancaires et épargne contractuelle. Les actifs risqués comprennent, outre les actions cotées, non cotées et autres titres, un montant non négligeable d’assurance-vie en unités de compte. Au total, l’assurance-vie représente 37% des actifs financiers, et sa part a considérablement augmenté, puisqu’elle n’était que 27% en 2000. Dans le même temps, la part des titres cotés a fortement diminué, passant de 22% à 13%.
Il n’est pas possible de retracer ici l’examen, très complet, de la fiscalité des différents supports d’épargne financière et les préconisations ou suggestions du rapport pour chacun d’entre eux. On se borne donc dans ce qui suit à évoquer les points liés, directement ou non, au financement du logement.
Le succès des livrets d’épargne réglementée (livret A, livret bleu, livret développement durable et solidaire, livret d’épargne populaire et livret jeune), dont l’encours atteint 420 Md€, est attribué au caractère liquide des fonds et à l’exonération totale d’impôts de leurs intérêts. Le rapport rappelle qu’une large part des dépôts est centralisé par la Caisse des dépôts et finance le logement social et la politique de la ville, ce qui justifie cette exonération, et que, par ailleurs, un prélèvement au profit de l’Etat (805 millions d’euros en 2015) est opéré chaque année sur le résultat du fond d’épargne. Toutefois, l’augmentation des plafonds de dépôts, qui a généré une forte augmentation de l’encours. Le niveau des plafonds est jugé excessif au regard des besoins d’épargne de précaution. Le rapport rappelle à cet égard que la Cour des Comptes, dans un référé de décembre 2016, a jugé « très mitigé » le bilan de leur augmentation.
Les rapporteurs s’interrogent sur l’utilité du compte d’épargne logement (CEL), totalement liquide et « très proche des livrets d’épargne réglementée ». Ils suggèrent en conséquence d’envisager la fiscalisation des intérêts produits par CEL. Ils admettent en revanche l’utilité du plan d’épargne logement (PEL) pour fournir aux banques des ressources longues. L’exonération d’impôt (mais pas de prélèvements sociaux) des intérêts des PEL contribue à leur attractivité et une incitation aux dépôts à moyen terme peut se justifier. Il est toutefois suggéré d’étudier la suppression de la prime pour les futurs PEL, celle-ci apparaissant comme un double avantage.
Le rapport constate que « la taxation semble peu dépendre des risques pris par l’épargnant ». La suppression de l’ISF et son remplacement par l’IFI, qui porte exclusivement sur le patrimoine immobilier, intervenue après la parution du rapport, serait sans doute de nature à atténuer ce jugement, le placement immobilier étant sans conteste à ranger dans la catégorie des actifs peu risqués.

Jean Bosvieux
Mars 2019


[1] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/20180125-rapport-particulier4-prelevements-obligatoires-capital-des-menages.pdf

[2] Voir par exemple Guillaume Allègre, Mathieu Plane, et Xavier Timbeau. « Réformer la fiscalité du patrimoine ? », Revue de l’OFCE, vol. 122, no. 3, 2012, pp. 231-261.

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.

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