Les collectivités territoriales ainsi que l’Etat peuvent consentir sur leur domaine public ou privé un bail emphytéotique administratif (BEA) qui constitue un contrat administratif par détermination de la loi.
Le bail emphytéotique administratif des collectivités locales et leurs groupements
Par dérogation au principe d’inaliénabilité du domaine public interdisant la possibilité de conférer un droit réel aux personnes l’occupant ou l’utilisant, le législateur a ouvert, la possibilité aux collectivités territoriales de conclure un bail emphytéotique sur un bien immobilier leur appartenant,
– en vue de la réalisation d’opération d’intérêt général relevant de leur compétence,
– ou en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public
– ou en vue de la réalisation d’enceintes sportives et des équipements connexes nécessaires à leur implantation.
« Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif ».
Un tel bail ne peut avoir pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation.
Le recours à ce type de bail facilite l’exploitation économique du domaine public des collectivités territoriales et le financement des partenaires privés d’équipements public en particulier avec la possibilité de financer les constructions avec un crédit-bail.
Le B.E.A. peut être conclu par une collectivité territoriale
– pour son propre compte ou celui de son territoire. A ce titre il est admis que le bail puisse être conclu en vue de la réalisation d’un ouvrage mis à la disposition de la collectivité elle-même moyennant un loyer versé au preneur, et dont elle deviendra propriétaire à son terme. Dans le domaine de l’habitat social, a été jugé légale au titre d’opération d’intérêt général, la conclusion d’un bail emphytéotique administratif avec une SA d’HLM pour la construction de logements sociaux et accessoirement de locaux administratifs (Cour d’appel administrative de Versailles, 2ème ch. 6 nov.2014 12VE03392). Ce montage permet notamment d’alléger la charge foncière que devrait supporter l’organisme HLM pour édifier des logements sociaux.
– pour les besoins d’autres services publics tels que les Services Départementaux d’ Incendie et de Secours, la police, gendarmerie nationale ou la justice, ou d’un établissement public de santé ou d’une structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale (jusqu’au 31 décembre 2017).
Conditions d’application
Le bail emphytéotique peut être conclu sur une dépendance du domaine privé ou public à l’exception des voies classées comme voies publiques.
Quand le BEA est conclu pour le compte d’une collectivité territoriale, le bailleur peut être une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou de leurs établissements publics. Dans tous les cas les baux emphytéotiques ne peuvent être conclus que par des personnes ayant le pouvoir d’aliéner le bien.
La durée du bail est celle de tout bail emphytéotique ; il doit être consenti pour plus de 18 ans et ne peut dépasser 99 ans. Il ne peut se prolonger par tacite reconduction. En pratique la durée du bail est déterminée pour coïncider avec la durée d’amortissement des constructions réalisées par le preneur.
Le BEA, un régime dérogatoire au bail emphytéotique de droit commun
Comme dans le bail emphytéotique de droit commun, le preneur bénéficie d’un droit réel mais ce dernier ne peut être cédé qu’avec l’agrément préalable de la collectivité et à la condition que le cessionnaire soit substitué dans les droits et obligations du preneur initial.
De même ce droit réel ne peut être hypothéqué que pour garantir les emprunts contractés par le preneur pour financer la construction ou l’amélioration des ouvrages ou bâtiments situés sur le bien loué et en outre la constitution d’hypothèque doit être approuvée par la collectivité bailleresse. Seuls les créanciers hypothécaires peuvent exercer les mesures conservatoires ou d’exécution sur les droits immobiliers résultant du bail. La collectivité a la faculté de se substituer au preneur dans la charge des emprunts en résiliant ou modifiant le bail et le cas échéant les conventions non détachables.
Enfin, en fonction de l’objet fixé par la loi, le BEA peut imposer au preneur des obligations sur l’utilisation du bien mis à sa disposition.
Bail emphytéotique administratif de l’Etat : « logements sociaux »
La loi du 17 février 2009 « pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés », dont le titre premier s’intitule «Faciliter la construction», a ouvert à l’Etat et à ses établissements publics la possibilité de conclure sur un bien immobilier un bail emphytéotique en vue de la réalisation de logements sociaux. Ce bail emphytéotique est dénommé « bail emphytéotique administratif ». Son régime et ses conditions d’application sont similaires au bail emphytéotique spécifique aux collectivités territoriales (cf supra).
Cependant le prix d’un bail conclu par l’Etat ou l’un de ses établissements publics est fixé par référence à la valeur vénale du bien en tenant compte le cas échéant, de la décote applicable en application de la loi du 18 janvier 2013 de mobilisation du foncier public aux terrains faisant l’objet d’une aliénation en vue de la réalisation de logements sociaux .
Augustin Chomel
Mise à jour : Asimina Tsalpatourou – février 2024
Références :
Articles L1311-2 à 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales
Article L451-1 du code rural
Loi n° 2009-179 du 17 février 2009, article 7
Loi n° 2013-61, loi du 18 janv. 2013 en faveur de la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement de la production de logements sociaux