Aide à la personne

Allocation versée au ménage en fonction de ses dépenses régulières de logement (sous réserve de conditions de logement minimales et avec un plafond pour les dépenses prises en compte), de ses revenus et de sa composition familiale.

Son montant s’ajuste avec l’évolution de l’un ou l’autre de ces paramètres. On l’oppose habituellement à l’aide à la pierre, attribuée pour la construction ou à l’amélioration de logements, et qui est censée se répercuter sur le prix du logement pour son utilisateur.
De telles allocations existent dans la plupart des pays occidentaux. En France, il existe actuellement trois formes d’aides personnelles au logement : l’Allocation Logement à caractère Familial (ALF), créée en 1948 ; l’Allocation Logement à caractère Social (ALS), créée en 1971 pour certaines catégories de personnes (personnes âgées, handicapés, jeunes travailleurs) et progressivement étendue à d’autres catégories ; l’Aide Personnalisée au Logement (APL), instaurée lors de la réforme de la politique du logement de 1977. Elles sont accessibles aux locataires et aux accédants à la propriété.

Une évolution progressive vers la généralisation et l’unification

Le système en vigueur en France est le fruit d’une lente évolution tendant au passage d’une allocation ciblée sur certaines catégories de ménages et différenciée selon les secteurs de logement à une allocation générale et indifférenciée :
– l’ALF est créée en 1948, en même temps que la loi dite de 48 sur le contrôle des loyers. Accessible tout d’abord aux seules familles bénéficiaires d’allocations familiales, elle est étendue aux autres titulaires de prestations familiales ;
– le caractère familial des aides à la personne est partiellement remis en cause avec la création de l’ALS (Allocation Logement à caractère Social) en 1971 à destination des personnes âgées, des handicapés, et des jeunes travailleurs de moins de 25 ans. L’accès à l’ALF est étendu en 1972 aux jeunes ménages et aux ménages ayant certaines personnes à charge (ascendants ou descendants) ;
– la réforme du logement de 1977 vise à une réduction des aides à la pierre, à un élargissement du choix du logement par les ménages, au développement de l’accession à la propriété et de l’amélioration du parc existant. Elle crée une nouvelle aide à côté des premières, l’APL (Aide Personnalisée au Logement), dans le parc locatif conventionné ou en accession réalisée avec certaines catégories de prêts, et ouverte à tous les ménages ; le ciblage des catégories de population disparaît donc pour l’APL, dont le barème est plus généreux. Le champ d’application de l’APL s’élargit au fur et à mesure du conventionnement dans le parc social, et du développement de l’accession, mais ne concerne qu’une très faible part du parc locatif privé ;
– l’accès aux aides personnelles est généralisé en 1992-1993, avec ce que l’on a appelé le bouclage des aides, par l’ouverture de l’ALS à tout le parc non couvert par l’APL et pour les ménages non bénéficiaires de l’ALF. Demeurent des différences entre les barèmes ;
– l’unification des barèmes est réalisée pour le secteur locatif, hors logements foyers, en 2000-2001. Simultanément est introduit un traitement similaire dans le barème des revenus du travail et des revenus de transferts sociaux ; ceci concerne les populations à très faibles ressources et permet de verser le même montant d’aide à tout ménage dont les ressources sont inférieures au RMI (puis au RSA socle), qu’elles proviennent d’une activité professionnelle ou de l’allocation de revenu minimum . L’unification n’a pas été opérée pour l’accession, pour laquelle le montant d’aide est fonction des conditions de prêt au moment de l’acquisition du logement.
Le financement des aides à la personne est le reflet de cette évolution, avec, selon le type d’aide (APL, ALS, ALF) et la période, des contributions différentes de la branche famille de la Sécurité sociale, des employeurs et de l’Etat. Une simplification bienvenue des relations entre la sécurité sociale et l’Etat est intervenue fin 2014, qui a notamment consisté à transférer à la sécurité sociale des recettes fiscales affectées depuis quelques années au financement des aides à la personne et à l’Etat la part de l’APL prise en charge par la sécurité sociale. La branche famille finance désormais l’ALF et le fonds national d’aide au logement finance l’ALS et l’APL ; ce fonds est lui-même alimenté par une cotisation des employeurs (0,50 % de la masse salariale) et une contribution d’équilibre inscrite au budget de l’Etat. Après cette réforme des circuits de financement, les contributions de l’Etat, des régimes sociaux et des employeurs représentent respectivement environ 60 %, 25 % et 15 % des aides versées. Les aides personnelles sont distribuées par les Caisses d’Allocations Familiales et la Mutualité sociale agricole.

Aides à la personne, politiques du logement et politiques sociales

Cette évolution des aides à la personne s’inscrit dans l’histoire des politiques du logement et des politiques sociales, avec une double constante : c’est une aide spécifique ciblée dans son principe sur une consommation, le logement ; son caractère redistributif est inscrit dans la dégressivité de l’aide en fonction du revenu, à composition familiale identique.
Les politiques du logement ont évolué avec une réduction de l’accent mis sur la construction neuve, une place de plus en plus grande laissée au fonctionnement du marché et, depuis 1990, un accent mis sur le logement des populations défavorisées.
A partir de la réforme de 1977, le poids des aides à la personne a crû jusqu’à atteindre plus de la moitié de l’ensemble des aides publiques au logement au début des années 2000. Depuis, la sous-actualisation fréquente des barèmes et de multiples mesures d’économie ont contribué à en limiter la progression tendancielle, ramenant ce poids à environ 40 % des aides publiques. En 2014, 18 milliards d’euros d’aides sont versés aux bénéficiaires.
Le mouvement de généralisation de l’accès aux aides a changé la nature de celles-ci, qui est passée d’une aide à caractère familial à une aide sociale au caractère de redistribution verticale très affirmé (sauf si les plus modestes paient plus cher, du fait du caractère inflationniste de l’aide). Les premières phases d’extension avaient correspondu à la mise en œuvre de politiques sociales ciblées vers d’autres catégories (personnes âgées, jeunes,…) que les familles avec enfants. L’unification des barèmes en 2001 participe de cette évolution vers une aide sociale généralisée. Elle correspond aussi à l’élargissement du choix des ménages, puisque son montant ne dépend plus du segment de parc où l’on habite, en locatif.
La tendance à l’accentuation du poids des aides à la personne dans les interventions publiques et, à partir des années 2000, les efforts pour en maîtriser la croissance, se retrouvent dans la plupart des pays développés et notamment en Europe. Par le poids des aides en pourcentage du PIB, la France se situe au-dessus de la moyenne de l’Union européenne, mais sensiblement en deçà du Royaume Uni qui, malgré les réformes engagées à partir de 2007 pour en limiter l’importance, consacre un effort deux fois plus élevé aux aides à la personne. L’articulation entre aide à la personne et minima sociaux fait l’objet de traitements différents de celui appliqué en France, conduisant à une prise en compte spécifique de la dépense de logement pour les bénéficiaires de minima sociaux, comme en Allemagne depuis 2005.

Débats et interrogations

Les débats sur les aides à la personne et leur place dans les politiques du logement et les politiques sociales peuvent se regrouper autour des thématiques de l’efficacité économique et sociale. Sur le plan économique, c’est la question des distorsions induites par l’intervention publique dans le fonctionnement des marchés qui prédomine. L’aide à la personne stimule la demande et doit laisser davantage de choix aux ménages et donc favoriser l’adaptation des marchés à la demande, à la différence des aides à la pierre qui segmentent davantage le marché. On s’interroge cependant quant à l’impact sur les prix et les loyers : la solvabilisation accrue des ménages a un effet-prix si les offreurs peuvent discriminer entre bénéficiaires et non bénéficiaires.
La maîtrise des coûts de l’aide à la personne a aussi fait l’objet d’inflexions dans les barèmes au fil du temps. Leur montant est sensible aux variations des revenus des ménages et du chômage, car elles jouent un rôle d’amortisseur. L’évolution du nombre de bénéficiaires, principalement locataires, et de leurs revenus entraîne une croissance tendancielle des aides supérieures à celle du produit intérieur brut. Inversement, les efforts de maîtrise des finances publiques ont pesé sur la revalorisation des aides au cours des quinze dernières années et les ont concentrées sur les ménages les plus modestes. Cette démarche conduit à abandonner l’ouverture du droit à une aide à la personne pour les nouveaux accédants à partir de 2016, sauf en cas de baisse de leurs ressources d’au moins 30 % par rapport à leur niveau au moment de la signature du contrat de prêt, limitant désormais les aides personnelles au seul rôle de filet de sécurité pour les accédants à la propriété.
Sur le plan social, le caractère redistributif de l’aide à la personne limite ou élimine les effets de rente de situation que permet l’aide à la pierre. On s’interroge quant à son impact sur la mixité dans l’habitat : elle doit favoriser cette mixité en réduisant les écarts de capacité à payer qui existent selon l’échelle des revenus, sous réserve des possibles effets de discrimination de la part des offreurs. L’éventuelle participation des aides à la personne aux phénomènes de « trappes à pauvreté » a été considérablement réduite avec le changement du barème locatif en 2001, qui a fait en sorte de traiter de façon cohérente revenus de transferts et revenus du travail. Cette cohérence pourrait être compromise dès lors que la revalorisation des aides n’est plus, à partir de 2015, articulée à celle du RSA, ce qui entraîne le risque de baisse importante de l’aide à la personne versée aux ménages qui retrouvent une activité faiblement rémunérée.
Enfin, l’ensemble du système d’intervention publique, et notamment les aides personnelles, ne répond pas à toutes les limites d’accès au logement pour les personnes en difficulté.

Francis Calcoen, 2013
Mise à jour Michel Amzallag, mars 2015

 → aide à la pierre, « Les politiques du logement », compte du logement, aides au logement, solvabilité, mixité sociale, accessibilité économique

Sur le même sujet :
Loyers des logements sociaux : montants actuels et prise en charge par l’APL pour les ménages modestes, M. Amzallag
Les aides personnelles au logement en Allemagne, J.-P. Schaefer
Réforme des aides personnelles au logement : une mise en perspective, B. Coloos
Aides personnelles : vers une intégration dans les minima sociaux ?, J. Bosvieux
Aides personnelles locatives et à l’accession à la propriété : un point sur l’état des connaissances, J. Cavailhès

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.