Navette

Déplacement, en général quotidien, entre le lieu de résidence et le lieu de travail.
Il existe deux approches distinctes du phénomène : une approche spatiale, qui analyse les navettes comme des révélateurs d’interaction spatiale ; une approche individuelle, qui analyse les navettes en termes de comportements des individus.

Les navettes : expressions d’un déséquilibre spatial

Au niveau agrégé, c’est-à-dire lorsque l’on considère non les comportements individuels mais les espaces, les navettes se présentent sous la forme de flux entre des lieux séparés par une certaine distance, ces flux pouvant être considérés comme le résultat des logiques de localisation de l’emploi, d’une part, et de la population, d’autre part. Les navettes sont ainsi le résultat d’un déséquilibre entre le nombre d’emplois proposés dans la zone et le nombre d’actifs résidents. C’est ce déséquilibre qu’exprime le taux d’emploi, rapport entre le nombre d’emplois d’une zone et le nombre d’actifs résidents de cette même zone. La relation quasi mécanique entre taux d’emploi et navettes doit toutefois être nuancée, et il est utile de prendre en compte l’aspect qualitatif des emplois offerts et de la demande : les emplois présents dans la zone peuvent en effet ne pas correspondre à la structure professionnelle et aux qualifications des actifs résidents.
La tendance à l’allongement des distances des navettes, mais aussi à la complexification des flux, est fortement liée au mouvement de périurbanisation. En effet, l’étalement urbain concerne en premier lieu l’habitat, alors que les emplois restent encore fortement concentrés dans les pôles urbains.
Le modèle gravitaire est l’un des instruments privilégiés d’étude des flux, et en particulier des flux de navettes. Selon ce modèle, les échanges entre deux zones sont proportionnels à la population des deux zones et inversement proportionnels à la distance qui les sépare. Son utilisation comme filtre de ces deux effets (masse et distance) permet de mettre en lumière d’autres facteurs dans la configuration des flux. Le modèle est également utilisé comme outil de prévision.
La configuration des flux de navettes est utile pour la délimitation des aires d’influence des villes. En France, le zonage en aires urbaines définit, autour des pôles urbains, des couronnes périurbaines, comme les communes dont au moins 40% de la population active occupée travaille dans le pôle ou dans les communes attirées par le pôle.

Les navettes : comportements individuels

L’approche individuelle des navettes s’intéresse aux acteurs du mouvement. Le plus souvent, c’est la variation des distances domicile-travail ou des durées du trajet, d’un individu à l’autre, que l’on tente d’interpréter.
La théorie micro-économique postule que l’individu, agissant comme un être rationnel, essaie par les divers moyens possibles de minimiser la distance et le temps de sa navette. L’observation de la réalité montre toutefois que les individus n’ont pas toujours ce comportement rationnel et que la réduction de la navette n’est pas toujours la priorité.
La plupart des études montrent des comportements de mobilité fortement différenciés selon le sexe, l’âge, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle, mais aussi selon la structure familiale. En effet, l’approche individuelle masque le fait que de plus en plus d’actifs vivent avec un conjoint également actif, ce qui complique l’ajustement souhaitable entre lieu de résidence et lieu de travail.
Un nombre croissant d’études considère également que l’analyse des navettes ne peut être menée sans prendre en compte les stratégies résidentielles et professionnelles des individus et des ménages. En effet, mobilité résidentielle, mobilité professionnelle et navette peuvent être envisagées, selon les cas, comme complémentaires ou substituts les unes des autres.
Bien qu’orientées vers des objectifs différents, ces deux approches (macro et micro) peuvent être associées : la structure de l’espace, les contraintes imposées par le marché de l’emploi, le marché du logement, les infrastructures de transport sont à prendre en compte pour comprendre les choix, les stratégies des individus.

Brigitte Baccaïni
Février 2015

« Les sens de la mobilité », mobilité résidentielle, choix résidentiel

Auteur/autrice

  • Jean Bosvieux

    Jean Bosvieux, statisticien-économiste de formation, a été de 1997 à 2014 directeur des études à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM. Ses différentes fonctions l’ont amené à s’intéresser à des questions très diverses ayant trait à l’économie du logement, notamment au fonctionnement des marchés du logement et à l’impact des politiques publiques. Il a publié en 2016 "Logement : sortir de la jungle fiscale" chez Economica.