En vertu des règles du financement du logement social, chaque programme de logement social fait l’objet de réservations au profit de différents acteurs, appelés également les « contingentaires ».
En contrepartie des financements publics accordés, les préfectures disposent, dans chaque ensemble de logements construit sur le département, d’un contingent de réservations de 30 % (dont 25 % sont destinés aux « mal-logés » et 5 % aux fonctionnaires d’Etat). Les collectivités locales bénéficient d’un contingent de l’ordre de 20 % des logements quand elles octroient aux bailleurs sociaux leur garantie d’emprunt. D’autres réservataires : Action Logement par l’intermédiaire des comités interprofessionnels du logement (CIL), certaines entreprises privées ou publiques, ou encore les caisses d’allocations familiales, peuvent également disposer de réservations de logements, en fonction de contributions financières apportées au bailleur social lors des opérations de construction ou de réhabilitation.
Depuis 2007, dans le cadre du dispositif DALO (Droit au Logement Opposable), le relogement des ménages prioritaires intervient sur une proportion variable de ces contingents.
Le réservataire d’un logement dispose d’un droit de proposition de candidats qu’il soumet au bailleur, seul détenteur de la décision d’attribution. En cas de refus du candidat proposé, le bailleur est en droit de loger un candidat de son choix ; il devra néanmoins, à la prochaine libération du logement, restituer au réservataire son droit de désignation d’une nouvelle candidature.
Si, les relations entre le bailleur et les réservataires sont régies par des textes réglementaires, la pratique montre que la gestion des contingents réservés ainsi que l’exercice du droit de désignation de candidatures varient selon les contextes locaux, la politique des bailleurs et le type de réservataires. En conséquence, l’attribution d’un logement ne dépend pas uniquement des caractéristiques du candidat mais de l’organisme réservataire qui le propose et du gestionnaire destinataire de la demande. La compatibilité du couple réservataire-gestionnaire est variable, elle dépend des critères de chacun mais aussi de leur intérêt commun à coopérer. Ainsi, les OPH (Offices Publics de l’Habitat) tendent à privilégier les candidatures présentant une attache communale, alors que les ESH (Entreprises Sociales pour l’Habitat) peuvent se montrer plus conciliantes avec les candidatures en provenances des CIL, notamment lorsqu’elles se sont engagées dans des conventions de réservations avec ces derniers. Au fur et à mesure du temps, les pratiques d’attribution des logements conduisent à observer des écarts entre le contingent de départ, légalement opéré à la livraison des logements, et le contingent réel, qui reflète l’occupation effective des logements. Ces distorsions diffèrent selon le statut, public ou privé, des organismes HLM, car leur logique de gestion distincte, respectivement plus « politique » pour l’un et plus « gestionnaire » pour l’autre, les conduit à gérer de manière différente leurs réservataires. En outre, chacun des réservataires ne dispose pas de la même capacité à suivre efficacement son contingent.
De façon globale, les mairies conservent en général leur contingent de réservation et bénéficient d’une situation plus favorable dans leurs Offices Publics. Les CIL connaissent des situations contrastées : tantôt écartés par les bailleurs publics lorsqu’ils apportent des candidatures extérieures à la commune, ils sont également recherchés pour leur capacité contributive dans le financement des logements. Quel que soit le bailleur, les distorsions les plus fréquentes s’exercent au détriment des préfectures qui constatent un amenuisement de leur contingent, (celui-ci est estimé dans la plupart des départements d’Ile-de-France à une proportion de l’ordre de 5 à 10 %, au lieu des 25 % réglementaire sur le contingent des mal-logés).
Cette dérive des contingents de réservation a conduit à un durcissement des règles en faveur d’une localisation physique des logements neufs ainsi qu’à l’élaboration de nouveaux règlements d’attribution.
Catherine Bourgeois
Juin 2015